La cause semblait entendue, l’Investissement Socialement Responsable (ISR) dans le jargon qu’affectionnent tant les financiers avait atteint après un quart de siècle de développement la cime tant convoitée en devenant « mainstream ».
Entrainées par un foehn* alpin, presque toutes les sociétés de gestion analysent dorénavant leurs investissements à l’aune des critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance). Larry Finck, CEO de BlackRock, le plus gros asset manager mondial délivrait ainsi au début des années 2020 de brillants discours sur tous les avantages en termes de risques et d’opportunités de l’intégration de l’analyse extra-financière dans les décisions d’investissement.
Chez Ecofi, où nous avions lancé notre premier fonds ISR dès 2000 avant de progressivement s’orienter dans une stratégie « tout ISR » nous étions au-delà de la cime : sur un petit nuage ! Mais dévissage inattendu sur cette pente gravie régulièrement depuis plus de vingt ans, force est de constater que l’ESG est devenu depuis 4 ans aux ÉtatsUnis, la cible favorite de la foudre frappant la paroi sur laquelle nous progressons.
Les Républicains assimilent l’ESG au capitalisme « woke » et accusent les entreprises vertueuses en termes de responsabilité sociale de ne pas respecter leurs obligations fiduciaires. La célèbre assertion de Milton Frydman de 1970, « la responsabilité sociale de l'entreprise est d'augmenter les bénéfices » redevient la boussole à suivre.
Malheureusement, cette pression politique ne reste pas sans influence. Simultanément, les sociétés de gestion JP Morgan AM et State Street Global Advisor ont annoncé qu’elles ne renouvelleraient pas leur adhésion à Climate Action 100+, la coalition mondiale réunissant plus de 700 investisseurs pour inciter les entreprises les plus carbo intensives à réduire leurs émissions.
Ces attaques répétées du mouvement antiESG ont également conduit à des sorties spectaculaires en 2022 et 2023. Selon Morningstar, les fonds thématiques commercialisés en France ont enregistré une décollecte de près de 10 milliards d’euros en 2022 et de plus de 16 milliards d’euros en 2023. Et pourtant, toutes les banques centrales, qu’on ne peut guère taxer de wokisme, considèrent que le risque climatique est un risque financier, et le prennent en compte dans leurs réglementations et contrôles. Et, les effets du changement climatique sont de plus en plus concrets : incendies, sécheresses, inondations... il ne se passe pas une semaine sans un évènement météorologique dévastateur.
De multiples études montrent que sur le temps long, l'intégration des critères ESG dans les décisions d'investissement ne pénalise pas systématiquement la rentabilité des fonds, et peut même générer une surperformance. Pour n’en citer qu’une, en 2021, une « méta-étude » réalisée par la NYU Stern School of Business a passé en revue 1 141 articles scientifiques et 27 méta-analyses parus entre 2015 et 2020.
Les chercheurs ont conclu que la performance financière des investissements ESG est globalement comparable à celle des investissements traditionnels, et qu’environ un tiers des fonds étudiés affichent une surperformance.
L’ESG qui donne lieu à l’intégration de beaucoup plus d’informations sur les entreprises permet aux gérants d’actifs de mener une conduite plus fine de la gestion des risques et d’avoir une vision enrichie des opportunités offertes par les modèles d’affaires de ces dernières. Mais, on en revient inexorablement à la « tragédie des horizons » chère à Mark Carney, l’ancien gouverneur de la banque centrale anglaise, l’ISR n’est adapté qu’à une vision de long terme de l’investissement. Ainsi, le gérant ISR doit intégrer par exemple, que la part du fossile dans l’énergie totale doit passer du taux actuel de 80 % à 20 % en 2050 pour respecter l’accord de Paris. Mais à court terme, la performance financière des fonds socialement responsables peut être contrecarrée par des chocs inattendus comme la guerre en Ukraine. Leur fort taux d’exclusion des énergies fossiles alors que les prix des hydrocarbures et les profits des majors pétrolières s’envolaient a été très dommageable en 2022 et 2023.
Comment réagit un acteur historique comme Ecofi ? Surtout de ne pas céder à la facilité du court-termisme, en suivant les traces marquées dans la neige sans réfléchir. Dans la tempête il faut sortir la carte pour vérifier le cap. À moyen terme, la surproduction d’énergie fossile, lutte contre le réchauffement oblige, pèsera sur les cours des hydrocarbures et donc sur les profits de leurs producteurs, même si le contexte géopolitique peut en retarder l’échéance. Ecofi n’a ainsi pas renié ses principes d’exclusions : entreprises liées au charbon au-delà de 5 % du chiffre d’affaires et sociétés qui produisent ou vendent du pétrole non conventionnel ou qui sont impliquées dans de nouveaux projets de développement fossile. Sauf à considérer que l’humanité ait renoncé à son existence pérenne et que les fake news l’aient définitivement emporté sur les faits scientifiques, la décarbonation est la seule voie possible pour atteindre la crête. C’est ce qu’on appelle la gestion de conviction, tel l’alpiniste qui se met à l’abri d’un ressaut pour éviter l’avalanche potentielle dans le but d’augmenter ses chances d’arriver au sommet, quitte à voir quelques cordées prendre momentanément de l’avance.
Par François Lett, Directeur du département éthique et solidaire
* : Le foehn est un vent sec et chaud de secteur sud, qui souffle au nord des Alpes, en France, en Italie, en Suisse et en Autriche.
Communication publicitaire. Source : Ecofi, au 18 octobre 2024. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Document non contractuel. Les analyses et les opinions mentionnées ci-dessus représentent le point de vue de l’auteur. Elles sont émises en date du 18 octobre 2024 et sont susceptibles d’évoluer. Elles ne sauraient être interprétées comme possédant une quelconque valeur contractuelle. Ce document est produit à titre purement indicatif. Il constitue une présentation conçue et réalisée par Ecofi à partir de sources qu’elle estime fiables. Ecofi se réserve la possibilité de modifier les informations présentées dans ce document à tout moment et sans préavis. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.