Protéger la biodiversité est devenu aussi urgent et nécessaire que de s’attaquer au changement climatique. Et les investisseurs ont un rôle à jouer. Mais pour Lucian Peppelenbos, stratégiste climat et biodiversité chez Robeco, cela passe par une transformation complète des processus industriels et des habitudes humaines, ce qui est encore plus compliqué que la transition énergétique.
Points clés
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- Le développement non durable crée des problèmes en matière de biodiversité
- Les mesures incitatives doivent être harmonisées pour stopper la disparition des ressources naturelles
- Passer à une économie circulaire est compliqué mais les petites victoires sont possibles
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Les investisseurs peuvent jouer un rôle en vérifiant que les entreprises dans lesquelles ils investissent contribuent à réduire ou à inverser les facteurs responsables de la perte de biodiversité. En octobre, Robeco lancera une stratégie actions axée sur la biodiversité qui identifiera les entreprises dont les activités favorisent la nature, par exemple le reboisement ou la conservation de l’eau.
Dans le cadre de sa feuille de route pour la biodiversité, Robeco élabore un cadre d’investissement plus large pour évaluer dans tous ses portefeuilles d’investissement comment les entreprises contribuent à la biodiversité, tant positivement que négativement.
Il est urgent de le faire. « Nous consommons les ressources de la Terre à un rythme qui ne permet pas à la planète de les reconstituer. Dans la mesure où nous dépendons de la nature pour tout ce que nous faisons, c’est un gros problème qui se transforme en risque d’investissement systémique », constate Lucian Peppelenbos.
« Notre économie et notre société dépendent entièrement de la biosphère, des écosystèmes et des services écosystémiques. Si ces services se détériorent, l’activité économique est également menacée. C’est un problème bien plus urgent qu’on ne le pense, et qui a des effets directs sur l’économie en ce moment même.
Indispensables abeilles
« Prenons par exemple les abeilles. Elles sont essentielles pour la pollinisation. En Californie, il existe aujourd’hui un marché de location de ruches à des prix élevés car les abeilles sont nécessaires pour de nombreuses cultures, en particulier les cultures de grande valeur telles que les amandes. Il s’agit d’un service écosystémique qui est devenu un marché.
Les espèces invasives sont l’une des causes de la perte de biodiversité. Il s’agit de parasites qui pénètrent dans un écosystème et se propagent de manière fulgurante. L’Australie l’a découvert à ses dépens lorsque le varroa a pénétré dans des ruches et commencé à se nourrir des abeilles. Pour éviter sa propagation, il a fallu confiner les ruches.
Après le confinement des humains dû au Covid, c’est au tour des abeilles. Les ruches ne pouvant plus être déplacées pour la pollinisation, ce sont des milliards de dollars de plantes qui sont à présent menacées en Australie.
Voilà un exemple de risque pour la biodiversité qui affecte l’économie réelle. Cela montre que si l’on ne protège pas la biodiversité, les effets peuvent être désastreux. »
Les abeilles sont vitales pour l’agriculture, mais désormais confinées en Australie.
Le rôle essentiel de l’eau
L’eau est un autre service écosystémique essentiel. Les récentes sécheresses qui ont frappé tous les continents cette année augmentent le risque de non-récolte et, dans certaines régions d’Afrique, d’insécurité alimentaire. Mais les effets ne s’arrêtent pas là : les cours d’eau s’assèchent alors qu’ils sont indispensables pour les activités industrielles et commerciales.
« Les eaux souterraines et de surface sont l’une de nos principales dépendances », commente Lucian Peppelenbos. « Peut-on envisager une industrie fonctionnant sans eau de refroidissement ? Le transport de marchandises sans voies navigables ? En Allemagne, l’industrie a connu des problèmes d’approvisionnement en raison du faible niveau des eaux du Rhin.
En Chine, les constructeurs automobiles ont fermé pendant des semaines en raison des pénuries d’électricité. Même chose en Italie. Le manque d’eau cause des dommages économiques immédiats dans les multiples secteurs de l’économie. »
Climat vs biodiversité
Cet exemple met en évidence le lien entre la biodiversité et le changement climatique. Ce lien peut sembler évident (tous deux font partie de la biosphère dont notre bien-être dépend) mais ce n’est pas tout. Paradoxalement, les efforts bien intentionnés entrepris pour lutter contre le réchauffement climatique peuvent être coûteux pour la biodiversité.
« Un plan climatique qui ne tient pas compte de la nature dans son ensemble est un plan incomplet », affirme Lucian Peppelenbos. « J’ai vu des parcs photovoltaïques être construits sur d’anciennes forêts primaires. Ce genre de projet n’est pas souhaitable.
Je suis également préoccupé par les éoliennes en mer que l’on voit pousser partout. Elles règlent un problème mais si leur construction n’est pas correctement planifiée, elles peuvent constituer un risque pour la biodiversité marine. »
Arrêter les dégâts
Mais n’est-il pas plus simple d’arrêter les dégâts ? Pourquoi les pays ne mettent-ils pas un terme à la déforestation puisqu’ils ont le pouvoir législatif et judiciaire de le faire ?
« La réglementation est essentielle », commente Lucian Peppelenbos. « Nous avons besoin de normes industrielles strictes pour limiter les effets négatifs de la production, du commerce et de la consommation. Jusqu’aux années 1970, il était par exemple normal de déverser les déchets chimiques dans les cours d’eau. Le problème a cessé lorsque c’est devenu illégal. »
Mais d’autres pratiques destructrices et illégales se poursuivent aujourd’hui. « Parmi les secteurs les plus néfastes figure aussi celui de la pêche au chalut, qui émet autant de CO2 que l’industrie aérienne et qui détruit toute la biodiversité des fonds marins. Pourquoi cette activité est-elle toujours autorisée ? Pourquoi ne pas pêcher comme nous l’avons fait pendant des siècles ? »
Les chalutiers de pêche ont des effets dévastateurs sur la vie des fonds marins.
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