La pandémie a annulé les progrès réalisés en matière de réduction de la pauvreté mondiale. Elle a aussi des répercussions profondes en matière d’inégalités. Sur le marché de l’emploi, on observe que les employés peu qualifiés, les jeunes et les femmes sont plus durement frappés que les personnes plus éduquées.
Points clés
- Augmentation généralisée des écarts de revenu et de richesse entre les pays
- Un creusement des inégalités qui pourrait exacerber l’instabilité politique et le ralentissement de la croissance
- Un phénomène qui touche aussi les investisseurs
Cette conséquence asymétrique sur l’emploi, les revenus et la richesse nous conduit à anticiper une nouvelle hausse des inégalités durant cette pandémie, venant s’ajouter aux préoccupations socioéconomiques et politiques qui existaient déjà, avant même 2020. Chez Robeco, nous savons que la répartition inégale des ressources a de graves conséquences sur les sociétés et les économies. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours traité les inégalités de revenu comme un élément clé de notre classement de la durabilité des pays (Country Sustainability Ranking) et de notre programme d’engagement.
Le fossé entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand depuis 30 ans
La pandémie a mis en lumière et aggravé les inégalités dans différents pans de la société, ainsi qu’entre les secteurs et les régions. Alors que les données officielles sur les inégalités de revenu sont publiées avec un décalage, on observe sur le marché de l’emploi que les conséquences du Covid-19 sont très inégales entre les différents groupes de travailleurs. Les moins qualifiés, les jeunes et les femmes sont davantage touchés que les personnes les plus éduquées. Cette conséquence asymétrique sur l’emploi et les revenus laisse présager une nouvelle hausse des inégalités.
Dans la plupart des économies les plus avancées et les grands marchés émergents, cela était déjà visible depuis un certain temps, avant même le début de la crise du Covid. En effet, dans la majorité des pays de l’OCDE1, le fossé entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand depuis 30 ans. Les 10 % les plus riches gagnent 8,6 fois plus que les 10 % les plus pauvres, contre 7 fois dans les années 1980 .Les effets indésirables de la pandémie mettront également fin (du moins temporairement) à une tendance positive observée depuis trente ans dans de nombreux marchés émergents et pays en développement à faible revenu, à savoir une baisse continue des inégalités de revenu dans chaque pays (celles-ci étaient cependant très élevées au départ)2.
Des écarts de richesse de plus en plus importants
Des données indiquent que les répercussions du Covid-19 ont conduit à un creusement généralisé des inégalités de richesse en 2020, au sein des pays comme d’un pays à l’autre. Ces inégalités de richesse sont encore plus abyssales que les inégalités de revenu. Selon le Global Wealth Report 2021 de Credit Suisse, la part des 10 % les plus riches a augmenté de 0,9 point de pourcentage l’année passée, et celle des 1 % les plus riches de 1,1 point de pourcentage3. Cette augmentation est de loin la plus importante depuis l’an 2000, à l’exception de 2014 (part des 1 % les plus riches). Le nombre de personnes ultra-riches a augmenté de 24 %, tandis que le nombre de millionnaires (en dollars) atteint désormais 56,1 millions (en progression de 5,2 millions), soit l’équivalent d’environ 1 % de la population adulte mondiale. Le même rapport estime que les 10 % d’adultes les plus nantis détiennent 82 % de la richesse mondiale, et que le centile supérieur en possède à lui seul près de la moitié (45 %).
Le creusement des écarts de richesse en 2020 a également été observé à l’échelle régionale. L’Europe et l’Amérique du Nord ont enregistré la grande majorité des gains l’année dernière, tandis que l’Inde et l’Amérique latine se classent en bas du tableau.
L’augmentation des inégalités a de sérieuses répercussions sur la société et l’économie
Les conséquences sur la croissance, la politique et la société font l’objet de débats de plus en plus vifs ces dernières années. Certes, les inégalités font partie intégrante d’une économie de marché, ce qui entraîne des différences en matière d’efforts à fournir, de préférences individuelles, de chance, d’opportunités ou de talent. Toute augmentation des inégalités peut favoriser la croissance en augmentant les incitations à investir dans son propre capital humain, à promouvoir l’épargne et l’investissement, et à prendre des risques. Mais d’un autre côté, il est de plus en plus admis que l’excès d’inégalités, s’il n’est pas combattu, menace de bouleverser l’économie, le tissu social et la stabilité politique.
Le coefficient de Gini est souvent utilisé comme indicateur des inégalités économiques : un faible coefficient correspond à de faibles inégalités de revenu. D’après une analyse de l’OCDE, une réduction de 1 point du coefficient de Gini se traduirait par une hausse de la croissance cumulée de 0,8 point de pourcentage dans les cinq années suivantes45.
Ensuite, les inégalités économiques ont également des répercussions négatives sur la stabilité politique. Elles peuvent entraîner des troubles sociaux, mettre à mal les institutions démocratiques, favoriser le populisme et contribuer au protectionnisme, comme on l’a vu dans de nombreux pays ces dernières années.
Il est de plus en plus admis que l’excès d’inégalités, s’il n’est pas combattu, menace de bouleverser l’économie, le tissu social et la stabilité politique
Les investisseurs prennent note des risques d’inégalités
Tout cela signifie que les inégalités extrêmes et grandissantes finiront aussi par pénaliser les marchés financiers et les investissements. Une étude des PRI (Principles for Responsible Investment) évoque un impact potentiellement négatif sur les performances d’investissement à long terme, une modification des profils de risques et d’opportunités dans l’univers d’investissement et une déstabilisation du système financier6.
Dans l’univers des obligations souveraines, par exemple, on observe souvent une corrélation entre de fortes inégalités, une instabilité politique et des primes de risques pays plus élevées. Au vu de ces possibles répercussions négatives pour les performances financières de leurs actifs, les investisseurs auraient tout intérêt à prendre en compte les inégalités de revenu dans leur processus de décision.
Les inégalités de revenu ont toujours été un important critère ESG dans le classement de durabilité des pays que nous avons mis au point (Country Sustainability Ranking). Ce modèle intègre les critères ESG qui risquent le plus d’avoir une incidence sur les performances à long terme des obligations d’État. Dans nos stratégies actions émergentes, ce classement fait également partie des éléments utilisés pour déterminer la prime de risque d’un pays.
Par ailleurs, il est essentiel de réduire les inégalités pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD), l’ODD 10 visant justement à réduire les inégalités au sein des pays et d’un pays à l’autre. À cet égard également, l’investissement durable devrait chercher à promouvoir la durabilité et la performance financière, afin d’aligner les intérêts des investisseurs sur les choix de société à long terme.
Engagement en faveur des droits du travail dans le monde de l’après-Covid
Chez Robeco, cela fait des années que nous nous engageons en faveur des droits du travail et du salaire minimum vital, et durant la pandémie, nous avons étendu notre programme d’engagement sur ce thème crucial. Ainsi, nous avons entamé des discussions avec huit entreprises évoluant dans les secteurs de la distribution, de l’hôtellerie, et de la « gig economy », en Europe, en Amérique du Nord et en Asie7 .L’expression « gig economy » se réfère aux travailleurs qui ne bénéficient pas de contrats fixes leur garantissant certains droits tels que les congés payés ou une couverture maladie. Ce phénomène a pris une ampleur considérable durant la pandémie. Notre priorité sera de défendre le travail décent et les droits fondamentaux des travailleurs que sont le dialogue social, les salaires et avantages sociaux, l’hygiène et la sécurité. Nous ciblerons également les meilleures stratégies de gestion des ressources humaines, notamment la diversité et l’inclusion, le développement du capital humain et l’engagement des employés, tout cela afin de réduire les inégalités dans de multiples pans de la société et de l’économie.
Par Masja Zandbergen - Albers, Head of sustainability integration
1 OCDE, Income Distribution Database, juillet 2021, et « Focus on Inequality & Growth », décembre 2014
2 FMI, Moniteur des finances publiques, avril 2021
3Credit Suisse Research Institute, juin 2021. « Global Wealth Report 2021 »
4 Cingano, F., 2014. “Trends in Income Inequality and its Impact on Economic Growth”, OECD Social, Employment and Migration WP, No. 163
5 Lakner, C. et al., juine 2020. “How Much Does Reducing Inequality Matter for Global Poverty? World Bank Global Poverty Monitoring Technical Note 13
6 PRI, 2018. “Why And How Investors Can Respond To Income Inequality”
7Engaging to improve labor practices in the post-Covid world
Pour accéder au site, cliquer ICI.