Le greenwashing est-il seulement l’apanage de l’industrie financière? Pas si sûr répond Wim Van Hyfte de Candriam.
Passionnant par bien des aspects, le Net Zero, qui mobilise l’attention mondiale, l’est en particulier par ceux que l’on ne maîtrise pas. Tant il est vrai que contrôler le tout petit (le graal des 1,5°C) s’avère un casse-tête aussi compliqué que l’infini (l’augmentation exponentielle de la consommation d’énergies). Dès lors, comme la nature a horreur du vide, elle le remplit, en la matière en désignant des responsables, en dénonçant des coupables, en condamnant les mauvais élèves du réchauffement climatique. Une scène bien remplie qui arrange (presque) tout le monde – le greenwashing n’est-il rien d’autre que se donner bonne conscience, qui ne le fait pas? Il y a tant d’acteurs que tous se renvoient la responsabilité. (Presque) tout le monde car le grand perdant de ce jeu à somme nulle est paradoxalement le… Net Zero. Etre responsable n’est pas nommer les responsables mais commencer par être soi-même responsable.
«Les investisseurs jouent leur rôle en verdissant leur portefeuille, on ne peut leur demander l’impossible.»
LA DURABILITÉ N’EST PAS UN MONOPOLE, MAIS L’AFFAIRE DE TOUS
«Les investisseurs jouent leur rôle en verdissant leur portefeuille, on ne peut leur demander l’impossible. Les consommateurs doivent jouer leur rôle, les gouvernements aussi. Chacun doit faire sa part du chemin vers un monde plus durable» explique Wim Van Hyfte, qui ajoute: «intégrer la durabilité dans la vie de tous les jours est un défi devant lesquels les générations ne sont pas égales: les jeunes sont beaucoup plus ouverts à modifier leur comportement. Ils ne comprennent toutefois pas forcément les raisons. C’est pourquoi il est capital que ce sujet devienne un enjeu d’éducation, au niveau individuel, familial, gouvernemental et des régulateurs.» Tout commence au niveau de la famille. Les nouvelles générations sont toute prêtes à adopter leurs comportements, même si elles ne comprennent pas forcément le pourquoi du comment, les plus anciennes à adapter le leur – ce qu’elles ont déjà commencé à faire, sans pouvoir en mesurer l’impact.
AIDER, ÉDUQUER, INCLURE PLUTÔT QU’EXCLURE
En l’absence de quantification simple de ce fameux impact dans la vie quotidienne, il appartient aux pouvoirs publics de mettre en place des incitations aux comportements vertueux comme, a contrario, de pénaliser les infractions. Sans quoi la route sera trop progressive, trop lente, souvent conflictuelle. «Plutôt que de subventionner les panneaux solaires, note Wim Van Hyfte, les gouvernements feraient mieux de financer des mesures incitant les consommateurs à adopter des habitudes bonnes pour la préservation de la biodiversité, la lutte contre le réchauffement. Ça commence par manger différent, ou cesser d’utiliser une voiture.»
«Il ne s’agit pas de revenir au Moyen-Age, mais de repenser complètement nos modèles économiques.»
L’enjeu aujourd’hui est moins d’exclure des entreprises dites polluantes – nous avons besoin de toutes les énergies – que de provoquer une vraie disruption sociale et sociétale. Pour cela, il faut donner aux gens les infrastructures et un environnement pour vivre autrement. «Il ne s’agit pas de revenir au Moyen-Age, reprend Wim Van Hyfte, mais de repenser complètement nos modèles économiques. Pour ce faire, il y a urgence à trouver des solutions de financement de TPE et de PME, qui sont potentiellement des «game changers», dans le domaine des services notamment (santé, éducation, …). Innover, créer des fonds, mettre en place des PPP (partenariat public-privé) 0ù le risque est garanti par les gouvernements. Bref, donner leur chance aux petits, et non se concentrer uniquement sur les champions qui ont moins de problème de financement pour payer leur transition vers net zéro.»
ACTEUR PLUTÔT QUE PASSIF
Investir dans des infrastructures qui contribuent à diminuer la part des maillons polluants des chaines de valeur et de production est le pendant du volet éducatif. Là encore le rôle du politique est clé, qui ne peut renvoyer la balle aux seuls agents économiques qui prennent des risques, voire de les accuser de greenwashing. «Bien sûr, il y a parfois des doubles discours, que ce soit en Chine, aux Etats-Unis, en Europe et ailleurs. Mais de là à suspecter systématiquement financiers et entreprises, il y a une barrière à ne pas franchir. Accuser tout le monde de greenwashing est contre-productif.»
Le risque, il faut au contraire l’apprécier et l’encourager. «La gestion passive, née dans les années 1970 aux Etats-Unis en réponse à une obligation fiduciaire en pleine inflation a perdu son sens. L’obligation fiduciaire doit céder la place à une obligation de responsabilité. Ce n’est pas avec la gestion passive que l’on changera le monde, que l’on comblera le fossé qui nous sépare du Net Zero», conclut Wim Van Hyfte.
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