La pandémie mondiale et le réchauffement climatique ont accru l'intérêt porté à l'ESG, déclare Rachel Whittaker, responsable de la recherche en investissement durable. Dans notre série d'interviews sur les perspectives 2022, les experts de Robeco répondent à cinq questions clés sur leurs domaines d'investissement respectifs.
Quel sera l'enjeu le plus important en 2022 ?
« Pour les investisseurs durables, de même que pour tous les investisseurs et les industries en général, la poursuite de la reprise économique après la pandémie sera, bien sûr, un sujet clé en 2022. En ce qui concerne l'investissement durable, une question essentielle est de savoir si l'accélération de la prise de conscience et de la demande pour plus d'actions en matière de durabilité (reflétée par les afflux sans précédent dans les fonds d'investissement durable ces deux dernières années) se maintiendra. Nous espérons que l'issue de la COP26 jouera un rôle clé à cet égard. Nous serons attentifs aux engagements pris par les gouvernements du monde entier et, surtout, au fait qu'ils prennent véritablement des mesures pour mettre en œuvre ces engagements en 2022.
Au moment où je vous parle, nous ne sommes qu'à mi-chemin de la conférence et si certains signes sont positifs, il reste encore beaucoup à faire. Tout ne serait pas perdu sans un accord mondial, car l'action locale et les mouvements populaires peuvent accomplir de grandes choses. Mais soyons réalistes : un consensus mondial est nécessaire si nous voulons que des changements significatifs aient lieu d'ici 2050. Sinon, dans les années à venir, l'accent devra être mis entièrement sur l'adaptation, car nous aurons laissé passer notre chance de prévenir et d'atténuer les effets. J'ai bon espoir qu'un changement se produise, mais le délai sera critique.
D'un point de vue environnemental, il ne nous reste plus beaucoup de temps pour changer. Les changements que nous réalisons être importants et rapides, ce qui signifie qu'ils auront un impact sur des entreprises individuelles ainsi que sur des secteurs entiers. C'est une question qui nécessite toute l'attention des investisseurs. »
Quel changement majeur avez-vous constaté depuis le début de la crise sanitaire, qui ait un impact durable, également en 2022 ?
« Je pense que le plus grand changement a été la prise de conscience de l’enjeu « sociétal » de la durabilité. Nous avons très rapidement pu observer l'impact positif qu'un arrêt soudain de l'industrie pouvait avoir sur l'environnement. En revanche, de nombreuses personnes ont subi des pertes de libertés et un accès limité aux soins de santé, des choses qu'elles considéraient souvent comme acquises par le passé. Cela a permis de mieux comprendre les inégalités sociales auxquelles les groupes marginalisés sont confrontés depuis de nombreuses années. Je pense que ce changement d'état d'esprit social s'est également accompagné d'une prise de conscience du fait que nous sommes puissants – individuellement et collectivement. Nous pouvons réellement faire bouger les choses en faisant pression sur les dirigeants. Des mouvements sociaux comme Black Lives Matter ont gagné en popularité. Si nous pouvions collectivement conserver cette énergie et cette vision, cela pourrait avoir un impact profond et conduire à un véritable changement dans les prochaines années.
Si les deux dernières années nous ont rappelé à quel point le pilier social de l'ESG est important, le pilier environnemental n'a rien perdu de son urgence. Le « E » dans ESG a toujours attiré une attention disproportionnée d'un point de vue de l'investissement, car il y a bien plus d'informations disponibles à ce sujet, ce qui rend cet élément plus facile à mesurer et à quantifier, et les opportunités plus faciles à identifier. »
Qu'est-ce qui vous distingue le plus du consensus en ce qui concerne votre approche ou votre vision ?
« En tant qu'analystes, nous sommes toujours plus intéressés par ce qui nous distingue du consensus – que savons-nous que le marché ne sait pas ! En matière de recherche en investissement durable, il est d'autant plus important de comprendre pourquoi nous avons une vision particulière de l'impact des questions ESG sur les fondamentaux des entreprises, car il n'existe pas de méthode standard pour évaluer la durabilité. C'est pourquoi nous avons des spécialistes sectoriels au sein de notre équipe, afin qu'ils puissent donner un véritable avis d'experts fondé sur leurs connaissances du secteur et des entreprises, en ne se contentant pas de s'appuyer sur un cadre d'évaluation ESG standardisé.
C'est l'une des principales différences entre Robeco et de nombreux autres gérants d'actifs. Beaucoup de nos pairs considèrent encore la recherche en investissement durable comme une fonction support, mais notre équipe comprend à la fois des experts en durabilité et des experts sectoriels. Il est devenu courant pour les analystes traditionnels actions et crédits ou les gérants de portefeuille de dire qu'ils intègrent l'ESG, mais dans la pratique, personne n'est expert en tout et l'idée qu'une personne puisse savoir tout ce qu'elle doit savoir sur chaque secteur, chaque classe d'actifs ou chaque sujet ESG est irréaliste. Disposer d'une équipe de spécialistes au sujet de la durabilité et des secteurs nous donne le temps et l'expertise nécessaires pour acquérir une connaissance approfondie des questions non financières qui sont déterminantes pour la rentabilité et les opportunités futures d'une industrie. »
Quel est le plus grand défi « externe » ou ce qui est le plus susceptible de changer la donne en 2022 (politiques gouvernementales, réglementations, politiques des banques centrales, inflation, etc.) ?
« La politique et la réglementation apportent de grands changements pour l'investissement durable. Ces dernières années, nous avons assisté à de nombreux progrès en termes de réglementation en Europe, dans le but de créer plus de transparence, d'améliorer la normalisation et d'accroître la protection des investisseurs ; mais il y a encore beaucoup d'incertitude en ce qui concerne la mise en œuvre, car les directives nécessitent beaucoup d'interprétation. D'autres régions sont aussi en train de mettre en place leurs propres cadres et il y a donc un risque que ces cadres soient contradictoires. Dans la pratique, de nombreux autres régulateurs s'inspirent de l'Europe et des cadres de bonnes pratiques existants pour donner forme à leur réglementation.
Personnellement, ma principale préoccupation est de savoir comment faire en sorte qu'une réglementation accrue ne nous empêche pas d'innover ni de nous concentrer sur les résultats concrets. L'objectif de l'investissement durable est de favoriser le changement – il ne doit pas devenir un simple exercice consistant à cocher des cases, axé uniquement sur le reporting, les mesures rétrospectives ou la mise en place des bonnes déclarations. La nécessité de protéger les investisseurs doit être mise en balance avec l'objectif de diriger les capitaux vers les domaines où ils feront une réelle différence pour atteindre les ODD. Je pense que l'année prochaine sera déterminante à cet égard, car la réglementation européenne commence vraiment à porter ses fruits et d'autres parties du monde développent leurs propres cadres. »
Quelle est l'ambition/inspiration personnelle qui vous aidera à maintenir le cap dans l'année qui vient ?
« Pour moi, le plus important est de rester concentrée sur ce qui a du sens. Si l'on réfléchit au travail de mon équipe et à nos objectifs de recherche, il serait très facile de se contenter de simples chiffres, en veillant simplement à ce que chaque entreprise d'un portefeuille ait une notation en termes d'investissement durable et un score ODD. Nous passerions alors à côté de l'objectif réel de notre département : nous sommes là pour permettre des décisions d'investissement plus éclairées, en intégrant nos idées dans les stratégies d’investissement de Robeco, dans nos échanges avec les entreprises ou dans les appels à l'engagement menés par notre équipe d'actionnariat actif. Nous devons vraiment nous concentrer sur la valeur que nous ajoutons au processus d'investissement et réfléchir à la manière dont notre travail contribue concrètement à changer le monde. »
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Fondée en 1929, Robeco est une société de gestion d'actifs internationale pure player dont le siège social se trouve à Rotterdam, aux Pays-Bas, et qui compte 17 bureaux dans le monde. Leader mondial de l'investissement durable depuis 1995, son intégration unique de la recherche durable ainsi que de la recherche fondamentale et quantitative lui permet d'offrir aux investisseurs institutionnels et privés une sélection étendue de stratégies d'investissement actives, pour un large éventail de classes d'actifs. Au 30 juin 2021, Robeco avait 200 milliards d'euros d'actifs sous gestion, dont 177 milliards sont engagés dans l'intégration ESG. Robeco est une filiale d'ORIX Corporation Europe N.V. Pour plus d'informations, consultez le site www.robeco.com.