Professionnel de terrain, le conseiller en gestion de patrimoine, au contact des épargnants, des pouvoirs publics et de l’actualité, est sans cesse aux prises avec les transformations de notre société. Tout d’abord, ce métier a connu de nombreuses évolutions réglementaires et en connaîtra d’autres avec notamment la révision de la directive MIF II. Ensuite, il s’est adapté à la digitalisation de son activité. Mais une autre révolution se prépare : celle de la finance verte. Ou comment concilier nos activités économiques sans compromettre l’avenir de la planète et des générations futures.
Jusque très récemment, nos professions, qui participent au bon fonctionnement de l’économie réelle, ont suivi le modèle découlant des Trente-Glorieuses, au service de la croissance. Parallèlement, le premier Sommet de la Terre de Stockholm en 1972 puis celui de Rio en 1992 ont favorisé une prise de conscience progressive. Ce qui était de nature philanthropique, voire utopique au sein des professions financières s’est affirmé comme une nécessité : l’environnement est un patrimoine essentiel à transmettre aux générations futures. Les rapports du GIEC dans les années 90, les marches pour le climat, les Accords de Paris et tout récemment la COP26 ont influencé notre vision du métier. Il est désormais possible de concilier la finance avec le développement durable.
Des épargnants prêts à agir
D’ailleurs, pour s’en convaincre, les produits et conseils en matière d’investissements responsables n’ont cessé de se multiplier sur les marchés financiers au point que les pouvoirs publics ont souhaité notamment réformer le label ISR (Investissement Socialement Responsable). L'engouement ne relève pas uniquement des professionnels eux-mêmes, mais résulte aussi d’une demande croissante des épargnants. La crise sanitaire en a d’ailleurs amplifié le mouvement. En effet, à l'occasion de la Semaine de la Finance Responsable, l’Ifop a réalisé une enquête pour le Forum de l’Investissement Responsable, révélant que 6 Français sur 10 accordent de l’importance aux impacts environnementaux et sociaux dans leurs décisions de placements. Dans les faits, 8% des personnes possédant au moins un produit d’épargne ont déjà souscrit à un ISR (+2 points), tandis que 26% seraient prêts à le faire. 44% estiment agir et avoir un impact réel sur l’environnement et la société en orientant leur épargne.
Voir plus loin que le greenwashing
Après ces constats, il n’est pas possible de faire l’impasse sur les critiques récentes qui émaillent la finance verte. Le mois de septembre a été le théâtre d’une série de publications tirant à boulets rouges sur les méthodes de notation des fonds responsables ou encore s’agissant de l’attribution du label ISR. Plus généralement, il existe un décalage entre les promesses d’investissement en faveur du climat et les performances des entreprises en la matière. Si la dénonciation du greenwashing est à prendre en considération pour améliorer l’offre existante sur le marché, tout n’est pas à remettre en question pour autant. La finance durable a un avenir pour plusieurs raisons et les CGP doivent s’en saisir. Bien sûr, on pourrait nous rétorquer qu’avec une fiscalité changeante et des préoccupations patrimoniales liées au contexte sanitaire, le verdissement des encours est secondaire...
Des CGP durables?
Mais cela serait sans compter sur l’arrivée de la nouvelle génération de professionnels de la gestion de patrimoine qui arrive, sensibilisée par l’actuelle. Elle est plus sensible et rompue à ce nouveau modèle d’investissement. Ensuite, nous vivons une époque de transition qui va nous conduire à des changements structurels qui vont perdurer. Notre économie, notre culture, nos modes de vie, la sociologie de notre pays, l’innovation sont autant d’indicateurs pour le prouver. La question surpasse d’ailleurs la France. Cet aspect durable du monde de demain est une problématique mondiale.
Aussi, nos CGP ont un devoir de pédagogie vis-à-vis :
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D’eux-mêmes pour s’emparer bien davantage de l’investissement socialement responsable. Nos associations professionnelles auront à ce titre, un rôle incontournable pour proposer des formations qui les feront monter en compétences et leur permettront d’affronter une réglementation complexe.
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De leurs clients, en étant exigeants à propos des solutions patrimoniales qu’ils vont leur conseiller. C’est-à-dire, en s’assurant qu’elles comportent des exigences en matière d’écologie, de mixité et de responsabilité sociale. Donc de mettre en place une grille de lecture des produits et des méthodologies utilisés afin d’être en capacité de les faire correspondre aux attentes des épargnants.
Bien sûr, la gestion de patrimoine ne pourra embrasser un processus durable qu’à la condition d’une décarbonation progressive de l’économie. Nous sommes donc à la croisée des chemins où les actifs fossiles, s’ils pèsent lourdement sur le score carbone des entreprises, n’en assurent pas moins la stabilité actuelle de notre système économique et financier. Si les acteurs de la finance sont conscients que le “business as usual” a désormais ses limites, ils ne veulent pas pour autant se contenter de verdir un peu la finance. Ou de voir la finance durable comme un outil marketing. Car à vouloir tenter de concilier l’inconciliable, c’est bien cette fois le climat et la finance qui seraient en péril.
Par Stéphane FANTUZ, Président de la CNCEF Patrimoine
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