À court terme, l'impact de la crise est indubitablement négatif, les investissements de long terme favorables à la maîtrise du climat sont fragilisés par ceux de court terme indispensables à la sécurité énergétique occidentale, très souvent à forte intensité carbone.
Relance de l’extraction du gaz de schiste envisagée par Boris Johnson, subvention de 500 milliards de dollars prévue par Joe Biden pour accélérer la décarbonation qui vient d’être gelée en raison du conflit, et ré-exploitation du charbon sont envisagées dans de nombreuses régions. Des appels à retarder les réglementations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) commencent à se faire entendre, arguant que la sécurité énergétique doit constituer la priorité absolue.
A moyen et à long terme, la crise devrait toutefois générer un effet stimulant sur l'investissement ESG.
• D'un point de vue environnemental, la crise ukrainienne est un appel clair à l'indépendance énergétique, qui se traduira probablement par une accélération des plans de transition énergétique dans de nombreux pays : plans d'efficacité énergétique, développement des énergies renouvelables, soutien accru à l'énergie nucléaire ; De même, le débat autour de l'inclusion du gaz dans la taxonomie sera vraisemblablement relancé.
• Sur le plan social, l’afflux de réfugiés et les conséquences économiques négatives de la guerre vont accroître le besoin de financement social. En outre, l'exclusion du secteur de la défense par les investisseurs ESG est déjà questionné par de nombreux commentateurs. La sécurisation des démocraties sera probablement classée comme un droit humain essentiel.
• Au niveau de la gouvernance, les investisseurs ESG accorderont davantage d'importance au système politique, ce qui devrait placer le risque pays au premier plan de l'analyse ESG. Les investisseurs privilégieront davantage la démocratie et les droits de l'Homme, mais aussi les politiques d’équité fiscale. Cela devrait modifier les méthodologies de notation ESG des émetteurs souverains avec l’importance accrue du poids du fonctionnement démocratique et des exclusions de pays autocrates. Un retour aux sources en quelque sorte vers le comportement historique des premiers fonds responsables qui excluaient l'Afrique du Sud en raison de l'Apartheid.
Paul Clements-Hunt, un des inventeurs du terme ESG au milieu des années 2000, a déclaré par exemple que « l'ESG est utilisée de manière inefficace » et que « l'obsession de l'argent facile prend le pas sur tout ». Il fait ainsi référence à l'énorme croissance des fonds dits durables, où les actifs sous gestion ont presque triplé depuis 2014 pour atteindre environ 40 000 milliards de dollars, et aux pertes de BlackRock d’environ 17 milliards de dollars sur l'exposition de ses fonds aux titres russes suite à l’attaque de l’Ukraine qui représentaient tout de même 0,18 % de ses actifs sous gestion totaux il y a un mois.
« La leçon pour les investisseurs ESG est d'agir avant que la guerre n'éclate et de ne pas avoir peur de dénoncer et de désinvestir des entreprises et des pays qui violent massivement les droits de l'Homme. », a ainsi affirmé Kiran Aziz, responsable de l'investissement responsable chez KLP, le plus grand fonds de pension de Norvège. Plus d’éthique dans l’analyse des États et une nouvelle accélération des investissements dans les énergies renouvelables, de belles perspectives somme toute, pour les fonds socialement responsables !
François LETT, Directeur du département éthique et solidaire
Pour accéder au site, cliquez ICI.
Document non contractuel. Le présent document contient des éléments d’information, des opinions et des données chiffrées qu’Ecofi considère comme exacts ou fondés au jour de leur établissement en fonction du contexte économique, financier ou boursier du moment. Il est produit à titre d’information uniquement et ne constitue pas une recommandation d’investissement personnalisée.