Ces derniers mois et ces dernières années ont été les témoins d’une croissance remarquable du nombre de stratégies d’investissement durable ou axées sur les critères ESG proposées par les gestionnaires d’actifs ; cette tendance, qui a d’abord émergé sur le marché des actions, prend désormais de plus en plus d’ampleur dans l’univers des titres à revenu fixe.
Nous estimons néanmoins qu’un manque de clarté pour le moins troublant subsiste pour qui s’intéresse aux investissements durables et axés sur les critères ESG sur le marché obligataire.
Il n’existe en effet aucun cadre normatif régissant la divulgation de données de la part des émetteurs d’obligations, et la variété d’approches considérable dont font l’objet les investissements étiquetés ESG ou durables peut constituer une véritable source de confusion pour l’investisseur final. Nous estimons à cet égard qu’il appartient aux gestionnaires de portefeuille de reconnaître le caractère encore lacunaire des données ESG sur les marchés obligataires, et d’expliquer ce qu’ils ont l’intention de faire pour aider à combler ces lacunes.
Nous levons donc ici le voile sur la manière dont fonctionnent la notation ESG dans la pratique, et nous nous fondons pour cela sur quelques exemples concrets qui permettront d’expliquer la raison pour laquelle certaines sociétés obtiennent de bonnes notes et d’autres de mauvaises. Certains résultats vous surprendront.
Tout est relatif
Le graphique ci-dessous montre la distribution des notes ESG provenant directement du fournisseur commercial de données ESG Asset 4, avant l’application de corrections de la part de TwentyFour (sauf pour la société Yorkshire Building Society, sur laquelle nous reviendrons plus tard).
Dans la plupart des méthodes de notation ESG, l’une des erreurs les plus répandues réside dans le fait qu’elles déterminent si les entreprises sont « mauvaises » ou « bonnes » en termes absolus, alors que, dans les faits, les conditions dans lesquelles sont attribuées ces notes reposent généralement sur la comparaison de la performance d’une société par rapport à son groupe de pairs.
À titre d’exemple, le fait que Coca-Cola, qui est pourtant un gros utilisateur de plastique et un producteur de boissons sucrées, se voit attribuer une note combinée de 70+ qui a de quoi surprendre. Sur une base relative, cependant, le groupe bénéficie, dans le secteur des boissons qui est le sien, de la présence d’un grand nombre de producteurs d’alcool ayant tendance à obtenir de mauvaises notes pour des raisons évidentes.
TwentyFour et 34
Alors, que peut-on considérer comme étant une « bonne » note ESG ?
La réponse à cette question nous semble simple : 34 sur 100. Cela peut, certes, paraître faible, mais comme le montre le graphique, l’obtention d’une note supérieure à 70 est assez rare dans tous les secteurs : la grande majorité des entreprises obtiennent en effet une note comprise entre 30 et 50, et la note médiane se situe aux alentours de 36. La note 34 ne constitue donc nullement une mauvaise note. Dans les faits, d’ailleurs, seule la moitié, environ, de toutes les sociétés de la sphère lcouverte par Asset 4 (plus de 26 000 obligations émises sur les marchés mondiaux des obligations Investment Grade, à haut rendement et souveraines) obtient une note de 34 ou plus.
Chez TwentyFour, la note 34 constitue le seuil minimum permettant une intégration au sein de nos stratégies durables plus ciblées.
Les stratégies de TwentyFour sont toutes gérées en intégrant les critères ESG, ce qui signifie que, dans chacune des décisions d’investissement qu’ils prennent, les gestionnaires de portefeuille intègrent leur propre analyse ESG. Pour ceux, toutefois, qui souhaitent aller plus loin, nos stratégies durables font également l’objet d’une sélection plus agressive : une sélection négative permet ainsi, d’une part, d’exclure les investissements dans des secteurs que les investisseurs sont susceptibles de vouloir éviter, tels que les secteurs de l’alcool, des jeux d’argent et du tabac, tandis qu’une sélection positive nous permet, d’autre part, de ne permettre des investissements que dans des sociétés satisfaisant au critère de notre seuil plancher d’une note de 34. Nos recherches ont montré que le fait de fixer le curseur de la sélection positive à ce niveau permettait de récompenser les entreprises faisant bien les choses sans toutefois nécessairement nuire aux rendements ou augmenter sensiblement la volatilité pour les investisseurs.
Mais que signifie exactement une note de 34 sur 100 ? Et quel type de sociétés ce seuil plancher peut-il exclure ?
Il peut ici être utile de savoir que notre seuil plancher de 34 est une « note combinée ». Nous alimentons notre base de données de valeurs relatives Observatory avec les notes que nous fournit notre partenaire Asset 4 ; chaque société a une note brute et une valeur pour les controverses (nous y reviendrons) à partir desquelles est obtenu le chiffre combiné sur la base duquel s’opère notre sélection positive. Dans le cadre de ce processus, les gestionnaires de portefeuille de TwentyFour procèdent toutefois également à leur propre analyse des critères ESG de chacun des émetteurs d’obligations qu’ils envisagent d’ajouter à un portefeuille, et ils peuvent, en outre, parfaitement ignorer certains des aspects de la note attribuée par Asset 4 si leurs recherches les convainquent que cela est nécessaire.
L’exemple de Coca-Cola mentionné ci-dessus constitue un cas au sujet duquel nous sommes en désaccord avec la note relativement élevée attribuée par Asset 4, de sorte que nous appliquerions une correction afin de réduire sa note combinée finale en conséquence (le croisiériste Royal Caribbean constitue ici un autre exemple assez similaire). L’un des facteurs que nos gestionnaires peuvent ajouter à la note d’un émetteur et qui, selon nous, peut être crucial, réside dans celui de la dynamique (nous y reviendrons un plus loin dans cet article).
Plus haut ou plus bas ?
Les facteurs qui peuvent avoir une influence sur le classement d’une société sur cette échelle de notes combinées sont innombrables.
Il est, à cet égard, intéressant de noter qu’en tant qu’institution financière sans actions cotées, la société Yorkshire Building Society (YBS) n’est, en fait, pas évaluée par Asset 4, de sorte que sa note combinée de 90+ est l’évaluation établie par TwentyFour. La note particulièrement élevée de YBS tient au fait que cette société est engagée dans un certain nombre de causes sociétales positives, telles que l’octroi de financements à des emprunteurs défavorisés. Cette société publie également l’un des meilleurs rapports de Responsabilité Sociale des Entreprise (RSE) que nous n’ayons jamais vu, en énumérant notamment quatre des objectifs de développement durable des Nations Unies et en démontrant clairement la manière dont son activité contribue à la réalisation de chacun d’entre eux.
À l’autre extrémité de l’échelle (et en-dessous de notre seuil plancher de 34), nous trouvons Tesla, qui, en sa qualité de constructeur de véhicules électriques, devrait pourtant obtenir une note plus élevée. Mais cette société affiche des résultats particulièrement médiocres en matière d’émissions, du fait, notamment, de la méthode inefficace qui est la sienne en matière de production de batteries, et elle n’obtient des notes environnementales et sociales globales qui ne se situent toutes deux que dans le quartile inférieur de son groupe de pairs. Cela tient en partie à la jeunesse de Tesla par rapport à ses rivaux beaucoup plus grands, qui ont, eux, eu plus de temps pour optimiser leurs processus de production et pour consacrer des ressources à des projets bénéfiques sur le plan social.
Les controverses peuvent être fatales
Tesla offre une bonne illustration de l’impact que peuvent avoir les controverses sur la notation ESG d’un émetteur. Asset 4 attribue ainsi à cette société une note brute plutôt satisfaisante d’un peu moins de 56, mais la notation des controverses qui entourent Tesla n’est que de 8/100 (du fait, notamment, des préoccupations que suscitent la quantité de pouvoir concentrée dans les mains du PDG Elon Musk en matière de gouvernance) suffit à faire chuter sa note combinée à 30 environ, soit une note inférieure à notre seuil plancher de 34.
Dans le modèle de TwentyFour, les controverses peuvent nuire gravement à la note d’un émetteur, car nous estimons qu’elles peuvent révéler un grand nombre de choses en ce qui concerne la gestion des risques et l’éthique générale d’une société. Il peut arriver qu’un événement négatif soit inévitable et que la source sous-jacente du problème soit donc importante, mais la présence d’un certain nombre de problèmes peut également indiquer un risque systémique.
La dimension active
Chez TwentyFour, nous estimons que, pour qu’une stratégie obligataire soit vraiment durable, il est alors nécessaire qu’elle soit gérée activement. Compte tenu du manque de cohérence des données et de l’absence d’une véritable couverture dans le secteur des titres à revenu fixe (nous nous sommes aperçus que près de 50 % de l’univers du crédit Investment Grade ne faisaient l’objet d’aucune notation ESG de la part de quelque fournisseur de données commerciales que ce soit), nous estimons qu’il est primordial de s’engager auprès des émetteurs d’obligations afin de combler ces lacunes. Nous estimons qu’une stratégie reposant sur la méthodologie de notation d’un fournisseur commercial ou sur le suivi d’un « indice » ESG ne peut raisonnablement être en mesure de fournir aux investisseurs tous les détails et toute la clarté auxquels ils devraient pourtant pouvoir prétendre.
Un bon exemple de cette dimension active réside ici dans notre capacité à corriger les notes brutes que nous obtenons de la part de notre fournisseur de données si nous sommes en désaccord avec elles. En 2019, Asset 4 avait ainsi attribué au fournisseur d’énergie britannique SSE une note combinée de 31,86, car la note brute de 67,49 était tirée vers le bas par un mauvais score en matière de controverses. Nous avions alors été en désaccord avec la faible note attribuée à SSE en matière de controverses, car celle-ci était liée à une fusion potentielle avec Npower. Or, si nous considérions effectivement que cette fusion revêtait un caractère éminemment sensible pour le cours des actions SSE et leurs détenteurs, nous estimions, en revanche, que cette fusion ne méritait nullement le statut de « controverse » pour les détenteurs d’obligations. Nous estimions, en outre, que l’engagement explicite de SSE d’abandonner le charbon d’ici 2021 (ce qui a d’ailleurs été fait avec un an d’avance) allait, sur le principe, constituer le plus grand moteur de son avenir en tant que société, et nous souhaitions donc récompenser ce comportement, de sorte que nous avions alors augmenté notre note à 85 en matière de dynamique, ce qui avait permis d’augmenter sa note combinée.
Aujourd’hui, les notes d’Asset 4 ont, pour l’essentiel, « rattrapé » les nôtres. SSE a maintenant une note brute de 83, avec une note parfaite de 100 pour les controverses (dans le modèle d’Asset 4, tout ce qui est supérieur à 50 signifie qu’il n’y a pas d’inquiétude), ce qui lui permet d’obtenir une note combinée de 85 ; nous maintenons, quant à nous, une note élevée en matière de dynamisme pour SSE du fait des efforts continus que déploie la société dans le domaine de l’énergie éolienne, ce qui signifie que notre note combinée corrigée est légèrement plus élevée. Il s’agit là, pour nous, d’un bon exemple de la façon dont un système de notation ESG plus actif peut inscrire une société dans une tendance positive susceptible d’améliorer sa note au fil du temps, ce qui nous paraît être exactement ce que les investisseurs devraient rechercher dans leurs participations durables.
La note combinée moyenne que nous importons d’Asset 4 pour notre univers de crédit Investment Grade s’établit aux alentours de 45. En règle générale, nous avons constaté que la propre analyse des critères ESG mise en œuvre par nos gestionnaires était plus sévère, ce qui signifie que notre note combinée médiane est plus faible, à environ 40, même si, du fait que nos corrections positives telles que celles apportées à SSE sont souvent substantielles, notre propre note combinée moyenne se situe également aux alentours de 45. Les gestionnaires de portefeuille de TwentyFour portent l’entière responsabilité des corrections qu’ils apportent, et nous nous efforçons d’être aussi transparents que possible avec les investisseurs au sujet de notre approche active en publiant notamment chaque trimestre un résumé de nos engagements sur notre site Internet. Nous estimons sur ce point que les investisseurs passifs seraient bien avisés d’examiner avec la plus grande attentions les critères de l’indice ESG que suivent leurs stratégies, au risque, sinon, de comprendre un peu tard que l’interprétation de l’indice de référence ne correspond pas tout à fait à la leur.
Pour les gestionnaires actifs que nous sommes, la note combinée finale d’une société ne représente, en outre, que la moitié du parcours accompli. Une note supérieure à 34 ne signifie en effet pas nécessairement que les obligations émises par la société concernée soient automatiquement investissables pour nous. Pour l’heure, par exemple, nos produits durables ne détiennent aucune obligation Coca-Cola, car, malgré la qualité de sa notation ESG, nous ne pensons pas que les spreads obligataires soient suffisamment élevés pour compenser les risques ESG que nous voyons dans cette société.
La clarté est primordiale
Nous estimons que la normalisation des pratiques d’investissement ESG devraient s’améliorer au cours des années à venir dans le secteur de la gestion d’actifs ; le règlement de l’Union européenne sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers constitue, à cet égard, une étape positive qui devrait contribuer à fournir davantage de clarté à l’investisseur final.
En attendant, nous estimons qu’il appartient aux gestionnaires obligataires de reconnaître le caractère encore lacunaire des données ESG sur les marchés obligataires, et d’expliquer ce qu’ils ont l’intention de faire pour combler ces lacunes. Pour notre part, nous nous efforçons de déployer une communication claire au sujet de notre système de notation ESG actif à l’attention de nos clients et d’autres personnes, et nous espérons que les exemples ci-dessus y auront contribué.
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Clause de non-responsabilitée
Ces opinions sont celles de TwentyFour en mai 2022. Elles sont susceptibles de changer et peuvent avoir déjà donné lieu à des mesures. Par ailleurs, elles ne sont pas forcément partagées par d’autres entités au sein du groupe Vontobel. TwentyFour, ses filiales et les personnes qui y sont associées peuvent (à divers titres) disposer de positions ou négocier des titres (ou des produits dérivés connexes) identiques ou similaires à ceux décrits dans le présent article. Les sociétés identifiées ci-dessus ne sont mentionnées qu’à des fins purement illustratives, afin de contribuer au développement du sujet abordé dans le présent article. Elles ne sauraient être considérées comme une recommandation d’achat, de détention ou de vente de produits identiques ou similaires. Nulle hypothèse ne saurait être faite quant à la rentabilité ou à la performance de quelque société identifiée que ce soit ou de quelque titre que ce soit qui y serait associé. L’investissement environnemental, social et de gouvernance (« ESG ») et les critères utilisés peuvent être subjectifs par nature. Les considérations évaluées dans le cadre des processus ESG peuvent varier en fonction des différents types d’investissements et d’émetteurs, et les facteurs ne sont pas forcément tous identifiés ou pris en compte pour tous les investissements. Les informations utilisées pour évaluer les composantes ESG peuvent varier selon les fournisseurs et les émetteurs, car les critères ESG ne constituent pas une caractéristique uniformément définie. L’investissement ESG peut conduire à renoncer à saisir des opportunités de marché que d’autres stratégies ne reposant pas sur de tels critères pourraient permettre d’identifier. Nulle garantie ne peut être donnée quant au fait que les critères et les techniques mis en œuvre seront efficaces.
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