Les dirigeants d’une société consentent une promesse de vente portant sur l’intégralité des titres composant le capital social de l’entreprise. L’acte de cession de titres est signé en juillet 2004. 7 mois plus tard, la société est mise en liquidation judiciaire.
Dès lors, le cessionnaire demande l’annulation de la cession aux motifs qu’il n’a pas eu l’occasion de prendre connaissance des documents comptables, qui selon lui étaient nécessaires à son consentement : ledit consentement ayant été vicié pour dol. (1)
Pour la Cour d’appel, l’annulation de l’acte tombe sous le sens puisqu’en effet le cessionnaire n’a pas été mis en mesure « par une information loyale, d'apprécier la réalité de la société qu'il entendait acquérir et qu'il a été trompé (…) ». Les cédants forment un pourvoi en cassation… et ils obtiennent gain de cause !
Si d’un point de vue éthique cette décision est contestable, il n’en demeure pas moins que l’arrêt est cassé pour manque de base légale.
La Cour d’appel a en effet reconnu le dol par réticence pour annuler la cession ; mais la haute juridiction qualifie la non transmission des documents comptables de manquement à une obligation précontractuelle d’information. Or, ce manquement (2) « à le supposer établi, ne peut suffire à caractériser le dol par réticence, si ne s'y ajoute la constatation qu'il a été gardé intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure. »
En clair, dès lors que la Cour d’appel n’a pas constaté la réelle intention du cédant de conserver des documents pour tromper le cessionnaire, documents qui auraient influencé son consentement, il ne peut y avoir dol.
In fine, la cession de parts n’est pas annulée mais les parties sont renvoyées devant une nouvelle Cour d’appel.
Un bel exemple qui vient nous rappeler que la Cour de cassation est LE juge du droit, et non des faits.
EF/FL
Voir aussi
- Article 1116 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 : « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manœuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. » (nouvel article 1130)
- Article 1112-1 C.civ « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. (…) Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants [vices du consentement].