Dans la série des points de vigilance à avoir en matière de donation, on a récemment rappelé le couperet de l’article 751 du CGI (voir notre article). Aujourd’hui revenons sur la requalification de l’acte en donation déguisée.
Les faits sont les suivants : un époux décède laissant pour lui succéder son épouse, séparée en bien, ainsi que 3 enfants (2 enfants issus de deux unions précédentes et le cadet né de leur union). L’épouse avait financé, selon les termes de l’acte de vente, un bien immobilier par un emprunt souscrit en son nom et par ses deniers personnels. L’épouse renonce à la succession rapidement, celle-ci est clôturée.
Mais, une des filles ainées prend connaissance d’un jugement antérieur ayant pour objet de réviser la prestation compensatoire que le défunt devait à sa mère. Dans les motifs dudit jugement, la fille comprend que le bien immobilier a finalement été financé par le père : elle assigne les autres héritiers et demande au juge de reconnaitre l’existence d’une donation dissimulée afin de rétablir l’équilibre entre les successibles par le mécanisme du rapport de la donation à la succession.
Suivants différents arguments (1) évoqués en appel, les juges retiennent l’existence de la donation déguisée. En effet, « le financement de l'acquisition de l'immeuble (…) avait enrichi le patrimoine de [l’épouse] au détriment de celui [de l’époux] sans contrepartie pour ce dernier ».
Et, malgré les moyens du pourvoi tendant à démontrer l’absence de recel successoral (2) puisqu’au moment des allégations la succession n’était pas ouverte, la Cour de cassation rejette le pourvoi : « La cour d'appel (…) a caractérisé l'existence d'une manœuvre dolosive commise par [la veuve] dans l'intention de rompre l'égalité du partage au détriment des cohéritiers, laquelle manœuvre a pu se manifester avant même l'ouverture de la succession. »
EF/FL
Voir aussi
- Parmi lesquels : la déclaration au juge des affaires familiales que le bien avait été financé par le mari. La vente de deux biens appartenant à monsieur dont le prix de vente correspondait à l’apport initial fait par madame lors de l‘acquisition du bien immobilier. L’absence de preuve démontrant que le prix de vente des 2 biens immobiliers ait été utilisé à d’autres fins, etc.
- Le recel successoral est le fait pour un héritier de vouloir dissimuler, détourner, un bien dans le but de nuire à un autre héritier.