On a tendance à penser que l’héritier réservataire, de surcroit légataire à titre particulier d’un bien, est à l’abri de toute menace venant de co-héritiers malheureux. Mais, il n’en est rien.
En témoigne cet arrêt de la Cour de cassation rendu le 25 octobre dernier. Dans les faits, une mère laisse pour lui succéder 4 enfants dont l’un est désigné légataire à titre particulier. Un des enfants décède et laisse à son tour son conjoint comme héritier. Ce dernier assigne les co-héritiers (1) en partage de la succession.
Pour diverses raisons, notamment de suspicion d’insanité d’esprit du testateur, les co-héritiers soulèvent en justice l’exception de nullité du testament (2). Or, aux termes de l’art. 1185 c. civ., l’exception de nullité n’est pas recevable si le contrat a reçu un commencement d’exécution. En clair, le fait que le fils vive dans l’appartement légué par sa mère depuis son décès (10 ans) vaut-il commencement d’exécution du testament ?
Non pour les co-héritiers évidemment qui arguent du fait que le fils se comporte comme un représentant de l’indivision et qu’en sa qualité d’indivisaire « il peut occuper de façon privative et exclusive cet appartement ». Oui, pour le fils légataire, qui se défend en invoquant l’occupation notoire de l’immeuble depuis de nombreuses années.
Les juges, Cour d’appel et Cour de cassation, accueillent favorablement la demande des co-héritiers : le légataire aurait dû, pour rapporter la preuve d’un commencent d’exécution du testament, « manifester auprès de ses cohéritiers sa qualité de seul possesseur des immeubles légués ».
Par conséquent, l’exception de nullité n’est pas prescrite. Le testament peut être annulé. « Si, en application de l'art. 724 c.civ., l'héritier réservataire est saisi de plein droit des biens du défunt (…) à dater du jour du décès, cette saisine et cette possession ne valent pas, en elles-mêmes, commencement d'exécution du testament dont est gratifié cet héritier ».
EF/FL
Voir aussi
- soit les 2 enfants, héritiers réservataires et l’enfant légataire
- moyen soulevé devant le juge qui consiste à demander la nullité de l’acte avant même d’évoquer le fond de l’affaire.