Clin d’œil assumé aux introductions en bourse classiques1, portant sur des titres financiers, les ICO2 sont des offres au public de jetons (« tokens ») qui sont remis à leur acquéreur en contrepartie une somme d’argent versée le plus souvent en monnaie virtuelle (Bitcoins, Ethers…).
Le projet de loi Pacte3 précise qu’« une offre au public de jetons consiste à proposer au public, sous quelque forme que ce soit, de souscrire à ces jetons.4 »
La transaction et la conservation des tokens ainsi émis s’effectuent sur un registre décentralisé élaboré grâce à la technologie Blockchain. Dans sa version à venir, le Code monétaire et financier5 définira un jeton comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé6 permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. »
Les ICO servent habituellement à financer des projets technologiques et sont destinées à toute personne physique ou morale, bien qu’en pratique seul un public averti, tant en termes de connaissances techniques que de mesure du risque financier, y participe.
Avant l’émission des jetons, des documents sont établis par l’émetteur et mis à disposition des investisseurs, dont le « white paper »7. Ce document pourra, en vertu du projet loi Pacte, faire l’objet d’un visa de l’AMF8, sur option de l’émetteur9. Les modalités de demande de visa, les pièces à verser et le contenu du document d’information seront précisés par le RG AMF 10.
Si par la suite, l’AMF constate que l’offre n’est plus conforme au contenu du document d’information qu’elle a visé11, elle pourra ordonner qu’il soit mis fin à toute communication concernant l’offre faisant état de son visa, voire retirer son visa.
Théoriquement, toute entité juridique peut lancer une ICO. Toutefois, le régime optionnel de visa doit permettre à l’AMF de s’assurer que l’émetteur de jetons est constitué sous la forme d’une personne morale12, ce qui exclut de facto l’émission de jetons par une personne physique.
Enfin, la loi Pacte étendra aux émetteurs de jetons ayant obtenu le visa de l’AMF les obligations applicables en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme13. Ce dispositif vient ainsi compléter celui déjà en vigueur aux intermédiaires sur crypto-monnaies14.
Sylvain Clavé est avocat au cabinet Cornet Vincent Segurel.
Voir aussi
1 « Initial Public Offerings », « IPO ».
2 « Initial Coin Offerings ».
3 En discussion actuellement au Sénat jusqu’à début 2019.
4 Projet de nouvel article L.552-3 du Code monétaire et financier.
5 Projet de nouvel article L.552-2 du Code monétaire et financier.
6 Le « dispositif d’enregistrement électronique partagé » est la définition française légale d’un registre mis au point à l’aide de la technologie Blockchain, tel qu’elle ressort déjà du Code monétaire et financier à propos de la tenue de titres financiers.
7 Terme utilisé dans le cadre des ICO « non régulées ».
8 Autorité des marchés financiers.
9 Projet de nouvel article L.552-4 du Code monétaire et financier.
10 Règlement général de l’Autorité des marchés financiers.
11 Il devra, comme toute communication promotionnelle sur l’offre, présenter un contenu exact, clair et non trompeur et permettre de comprendre les risques afférents à l’offre.
12 Futur article L.552-5 du Code monétaire et financier.
13 Nouvel alinéa 7 ter de l’article L.561-2 du Code monétaire et financier.
14 Alinéa 7 bis de l’article L.561-2 du Code monétaire et financier rend applicables les obligations relatives à la LAB-FT à : « toute personne qui, à titre de profession habituelle, soit se porte elle-même contrepartie, soit agit en tant qu'intermédiaire, en vue de l'acquisition ou de la vente de tout instrument contenant sous forme numérique des unités de valeur non monétaire pouvant être conservées ou être transférées dans le but d'acquérir un bien ou un service, mais ne représentant pas de créance sur l'émetteur. » Cet alinéa visera après adoption de la loi Pacte : « Les prestataires des services mentionnés aux 1° et 2° de l’article L. 54-10-2 », c’est-à-dire les prestataires de services sur actifs numériques en charge de leur conservation ou rendant un service d’achat ou de vente de ces actifs en monnaie ayant cours légal, instaurés par l’article 26 bis du projet de loi.