Cet arrêt de la Cour de cassation du 24 septembre 2020 était très attendu par les professionnels de la gestion de patrimoine ayant proposé des produits de défiscalisation Girardin Industriel (en l’espèce le produit DTD), ainsi que par leurs assureurs en Responsabilité Civile Professionnelle (RCP).
La Cour rejette le pourvoi effectué par un CGP, à l’encontre de l’arrêt rendu par la CA de PARIS, le 9 janvier 2018 qui le condamne à réparer à hauteur de 80 % , le préjudice fiscal, pour perte de chance, subi par l’un de ses clients, investisseur DTD.
La CA de PARIS a débouté le CGP et son assureur RCP qui pourtant étaient d’accord pour retenir le principe d’un sinistre sériel au sens de l’article L 124-1 du Code des assurances :
- avec une seule garantie plafonnée à 4 millions d’euros avec demande de séquestre par l’assureur et répartition des fonds entre tous les demandeurs au marc l’euro
- et une seule franchise de 15.000 €, quel que soit le nombre de réclamations.
La Cour a validé le raisonnement de la CA de PARIS en écartant le principe du sériel de la manière suivante :
« la responsabilité encourue par un professionnel en cas de manquement à ses obligations d’information et de conseil, celles-ci, individualisées par nature, excluant l’existence d’une cause technique au sens de ce texte permettant de les assimiler à un fait dommageable unique ».
En retenant une telle interprétation écartant le sériel, la Cour de cassation a voulu éviter qu’un seul plafond de garantie ne soit appliqué, (en l’espèce la totalité des sinistres déclarés par ce CGP excédait largement ce plafond).
Cependant, la quasi-totalité des autres CGP ont des sinistres inférieurs à 4 millions d’euros, par conséquent les répercussions financières d’une accumulation de franchises - si cet arrêt devait être appliqué tel quel par les Juges du fond - pourraient être catastrophiques : de nombreux CGP ont proposé ce produit DTD à tous leurs clients désirant réduire leur imposition sur les Revenus, entre 2007 et 2009.
Imposer une franchise de 15.000 € par investisseur, en cas de condamnation du CGP, pourrait entraîner, pour eux, de graves difficultés financières, pour certains irrémédiables.
La décision d’exclure le sériel peut se concevoir aisément s’agissant de l’analyse individuelle à conduire obligatoirement par le CGP pour chacun de ses clients (adéquation d’un produit en l’occurrence de défiscalisation, au profil et aux objectifs de l’investisseur, le fait de veiller à ce que l’investissement donnant lieu à la réduction d’impôt corresponde au montant de l’IRPP…).
Or, en l’espèce, ce qui est unanimement reproché par les investisseurs redressés fiscalement est précisément d’avoir choisi de leur présenter ce produit leur faisant perdre une chance d’en souscrire un autre et non l’adéquation du produit à leur situation personnelle.
En conclusion, c’est bel et bien la sélection du produit, effectuée en amont de la proposition individualisée, qui est reproché au professionnel ; la thèse d’un fait générateur unique étant ainsi caractérisé, à notre sens.
Rappelons, en outre, que précédemment, la Cour de cassation, dans un premier arrêt du 24 mai 2017 (1ère Chambre civile, n°16-13865), avait validé l’analyse de la CA de PARIS qui avait, au contraire, écarté la responsabilité d’un CGP, notamment au regard de la sélection du produit (CA de PARIS, Pôle 5, Chambre 5-7 24/11/2015, n°2013/18420).
Les juges du fond avaient relevé qu’un avocat fiscaliste, en amont de la campagne de commercialisation, avait validé sans réserve le produit DTD, jugé conforme aux exigences légales, et entièrement sécurisé.
Il ne faut pas oublier que dans ces affaires, l’échec de l’opération est lié principalement à l’escroquerie du monteur, ce qui ne peut être sérieusement imputé au CGP.
Me Dounia HARBOUCHE – Avocate au Barreau de PARIS
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