En ce ce début 2024, comme en 2023, les narratifs s’enchaînent à une vitesse déconcertante : anticipations de baisses de taux rapides, puis plus lointaines, éventuelles nouvelles hausses de taux, marché de l’emploi qui réaccélère, tout comme l’inflation… En physique quantique, la notion de multivers se réfère, par simplification, aux univers multiples existant de manière concomitante. A l’aide de ce parallèle, nous analysons cette semaine quelques scenarii économiques qui coexistent actuellement.
1. La Fed va-t-elle reprendre son cycle de resserrement monétaire ?
Lawrence Summers (secrétaire du Trésor américain sous Clinton) a récemment indiqué qu’il évaluait la probabilité d’une nouvelle hausse des taux de la Fed à hauteur de 15 %. Cette analyse semble se baser sur l’extrapolation des derniers chiffres d’inflation et d’emploi recensés en janvier, qui ont en effet montré des signes de réaccélération. Non pas pour le décrédibiliser, mais par souci d’honnêteté intellectuelle, il convient de noter qu’il avait également prédit que l’inflation ne serait vaincue en 2023 qu’au prix d’un taux de chômage augmentant (très) fortement. Cet avis, que nous ne partageons pas, est assez peu suivi au sein de la communauté financière, qui préfère rester prudente s’agissant notamment d’un éventuel effet de saisonnalité lié au mois de janvier, mais il a poussé certains à revoir leur calendrier de baisse des taux, voire à n’en anticiper aucune, ce qui nous conduit au second point.
2. Les banques centrales vont-elles vraiment baisser leurs taux en 2024 ?
Plus crédible que le premier, ce scénario suppose toutefois que les taux directeurs américains sont actuellement au juste niveau, ou bien s’ils sont restrictifs, que les maintenir sur une période prolongée n’aura aucun impact néfaste sur l’économie, au moment même où le cycle du crédit se normalise. Cela suppose également que l’inflation cesse de ralentir à partir de maintenant, ou bien de manière beaucoup plus lente. Pour la BCE, l’hypothèse retenue pourrait être celle que l’inflation n'atterrisse pas durant l’année autour de 2 %, ce qui paraît délicat au regard de son évolution récente. Alternativement, cela pourrait se justifier par une réaccélération de l’économie, plaidant pour la prudence et la patience et nous amenant au point suivant.
3. Les conditions financières se sont-elles trop détendues ?
Le concept de « conditions financières » encapsule l’idée selon laquelle les variables financières ont un impact sur l’activité économique. Depuis plusieurs mois, elles se sont détendues, dans le prolongement de la progression des actions et de la moindre augmentation des taux, faisant ainsi craindre à de nombreux commentateurs une réaccélération de l’emploi et de l’inflation. Cette thèse souffre de deux faiblesses. La première, c’est qu’il n’existe pas de définition universelle des conditions financières. Quelles variables retenir ? Comment déterminer leur im- pact sur l’économie ? Ainsi, toutes les mesures publiées par divers fournisseurs (Goldman Sachs, la Fed, Bloomberg…) ne transmettent pas le même message. Certaines étant plus détendues que d’autres. La deuxième, c’est qu’il faut distinguer les conditions financières de marché de celles de l’économie réelle. Les statistiques d’octroi de crédit bancaire sont toujours tendues et les petites entreprises éprouvent des difficultés pour se financer, ce qui offre un lien avec le point suivant.
4. Une récession est-elle encore possible ?
De moins en moins, mais un esprit contra- riant aurait envie de s’y tenir, puisque le consensus a définitivement écarté l’idée.