Retrouvez les perspectives de Thomas Costerg, économiste senior US, Pictet Wealth Management.
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Le plan économique de Biden qui devrait être adopté dans les prochains jours porte une « étiquette » de 1,900 milliards de dollars, et vient en complément du plan voté en décembre (900 milliards). Ces plans pourraient par ailleurs être complétés par un plan de relance focalisé sur l’infrastructure et les énergies vertes de 2,000 milliards, dès cet automne. Porté à la lumière d’un « output gap » (PIB actuel contre PIB théorique) de 650 milliards de dollars à l’heure actuelle, la crainte principale est celle d’une surchauffe du système, potentiellement déstabilisant l’économie mondiale.
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Ces craintes sont certainement trop élevées, du moins concernant 2021. D’abord, les multiplicateurs budgétaires sont très certainement en dessous de 1 dans un environnement de grande prudence des consommateurs ; et ces multiplicateurs ne s’appliquent vraiment que sur une partie du plan (les chèques et les allocations chômage en particulier). Par ailleurs, les avancées budgétaires font face à un retranchement prononcé du crédit bancaire (et une grande faiblesse du multiplicateur de crédit) – il n’y aura pas d’effet de sur-entrainement du crédit bancaire. De surcroît, les comportements d’épargne nécessitent davantage de granularité en fonction des revenus et niveaux de richesse et la lecture agrégée peut être trompeuse. Au niveau agrégé, le marché de l’emploi importe davantage que le PIB et le marché de l’emploi pourrait mettre du temps à revenir au potentiel. Enfin, et surtout, ce plan budgétaire est guidé par un plan sanitaire qui prévoit en principe pas de « grande réouverture » avant cet été, même si un changement des dates butoir est le risque principal, s’il était avancé au printemps notamment grâce à une vaccination encore plus aboutie (A noter que le président Biden a critiqué une réouverture trop hâtive au Texas).
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Par ailleurs il est assez clair que la Réserve Fédérale ne répondra pas à un sursaut de l’inflation, qui sera surtout guidée par les matières premières, au printemps. Elle ne devrait pas changer sa position sur une montée des taux – le message ne restera pas avant au moins « 3 ans », un signal envoyé par Jerome Powell pendant son audition au Congrès en février. Par contre, il est possible que le marché obligataire continue à tester les limites de la Réserve Fédérale, mais nous ne pensons pas que ces limites ne sont très éloignées (c’est-à-dire il y une faible tolérance pour une montée des taux longs à notre avis à partir de maintenant) dans un contexte d’endettement élevé rendant l’économie américaine très sensibles aux mouvements de taux – sans oublier le moteur de la reprise économique : le marché immobilier.
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Plutôt que multiplicateur budgétaire, la vraie question est sur la finalité des plans budgétaires entre l’économie réelle et la sphère financière ; ce point mériterait plus d’attention des leaders économiques.
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A plus long terme, les potentielles limites de crédibilité du système pourraient être testées avec l’émergence d’un « dollar numérique décentralisé » qui serait vu comme aidant à la stimulation plus directe et instantanée dans l’économie réelle, mais cela pourrait être au détriment d’un risque d’effritement de la confiance et de la crédibilité du système financier. Nous ne sommes pas encore là, même si c’est l’actuelle direction du voyage macroéconomique. Le plan Biden est peut-être l’arbre qui cache la vraie forêt.
Thomas Costerg, économiste senior US, chez Pictet Wealth Management
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