L’Autorité des marchés financiers a passé au crible plus de 200 signalements reçus de clients particuliers d’établissements opérant en France par le biais du passeport européen. Au total, plus de 60 % des réclamations et des pertes déclarées concernent des acteurs établis à Chypre. L’étude met en lumière des pratiques irrégulières, dont des difficultés à clôturer les comptes ou des redirections vers des filiales extra-européennes non autorisées.
A la suite de nombreux signalements de particuliers, l’AMF a souhaité réaliser un bilan chiffré des doléances exprimées par les épargnants à l’encontre d’établissements européens fournissant leurs services d’investissement sans succursale sur le territoire national, et d’entités non européennes dans une moindre mesure. L’analyse détaillée des 221 réclamations et signalements reçus par la plateforme Epargne Info Service de l’AMF concernant ce type d’acteurs sur deux ans, entre janvier 2019 et décembre 2020, révèle une sur-représentation des sociétés chypriotes (141). En termes de pertes déclarées par les épargnants concernant des acteurs en libre prestation de service, 60 % des montants correspondent aussi à des clients d’acteurs agréés à Chypre.
Les principaux motifs de plaintes des épargnants sont de cinq ordres :
- des pratiques commerciales agressives (appels répétés ou non sollicités, incitations à investir, promesses de gains rapides) ;
- des problèmes d’exécution d’ordres, y compris le passage d’ordres à l’insu des épargnants ;
- des difficultés, voire l’impossibilité de clôturer un compte de trading ;
- de la fourniture illégale de conseil en investissement ;
- des redirections vers une filiale hors d’Europe (donc non autorisée) sans informer le client qui perd le bénéfice des protections du droit européen : compte à risque limité, plafonnement de l’effet de levier pour les produits dérivés les plus risqués.
Cette pratique de redirection des clients s’apparente à un contournement des mesures d’intervention sur les produits spéculatifs (options binaires, CFD) adoptées en mars 2018 par l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA) et pérennisées au niveau national par l’AMF à l’été 2019.
Ces prestataires européens opérant en libre prestation de service, qui font l’objet de réclamations reçues par l’AMF, ne relèvent pas de la supervision du régulateur français. L’AMF constate que la répartition des compétences entre autorités d’origine et d’accueil, dans le contexte de la fourniture transfrontalière de services d’investissement, ne prévoit pas des mécanismes de coordination suffisamment efficaces pour réagir avec rapidité à l’encontre des prestataires agissant de manière irrégulière en libre prestation de service. Elle travaille aux côtés d’homologues européens également confrontés à ces difficultés à faire évoluer la réglementation, dans le cadre de la révision de la directive sur les marchés d’instruments financiers MIF2, dans le but de renforcer la protection des investisseurs.
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