La perte de biodiversité est devenue un problème majeur pour les investisseurs et les entreprises. Un producteur brésilien de papier et de pâte à papier a récemment lancé la première obligation de type « transition », assortie d’objectifs spécifiques de reboisement, ce qui nous a incités à nous entretenir avec un autre producteur de pâte à papier sur la préservation de la biodiversité et sur la réduction des émissions de carbone.
La perte de biodiversité est devenue un problème majeur pour les investisseurs et les entreprises. Un producteur brésilien de papier et de pâte a récemment lancé la première obligation de transition, assortie d’objectifs spécifiques de reboisement, ce qui nous a incités à nous entretenir avec un autre producteur de pâte à papier sur la préservation de la biodiversité et sur la réduction des émissions de carbone.
L’ara de Spix, le Cryptic treehunter et l’anabate d’Alagoas portent des noms qui stimulent l’imagination et invitent aux rêves. Malheureusement, notre imagination est le seul endroit où ces oiseaux vivent encore après avoir été chassés de la forêt amazonienne, seulement trois parmi les nombreuses espèces disparues depuis 2000.[1] La destruction de leur habitat naturel par l’homme, exacerbée par le changement climatique, est devenue une question critique pour les investisseurs et un sujet essentiel pour Fidelity International en 2021.
La fabrication de pâtes et de papiers n’est qu’une face visible de l’iceberg. Nous avons récemment demandé à Suzano, producteur de papier et de pâte d’eucalyptus, ce qu’il faisait pour préserver la biodiversité et réduire ses émissions de carbone. Cet entretien s’est déroulé dans le cadre de la première obligation de transition au monde, étroitement liée à la renaturation, notre objectif étant d’utiliser la plateforme que nous exploitons en tant qu’investisseurs obligataires afin de convaincre cette entreprise d’adopter des pratiques durables.
Le capital naturel menacé
Dans le monde entier, la disparition de la biodiversité s’accélère, surtout en Amérique latine en raison de la déforestation et du changement climatique. En Amérique latine et dans les Caraïbes, la richesse des espèces a diminué de 94 % depuis 1970 (voir diagramme 1). Si les entreprises ne surveillent pas directement ni préservent la diversité biologique, la situation ira en s’aggravant.
L’industrie papetière est tributaire d’arbres à croissance rapide, grands consommateurs d’eau comme l’eucalyptus, afin de produire à grande échelle. Cependant, ces grandes plantations monospécifiques, appelées « déserts verts » par les organisations non gouvernementales (ONG), provoquent la disparition des écosystèmes locaux. Certes toutes les entreprises du secteur du papier ne détruisent pas les forêts indigènes, mais même celles qui appliquent une politique « zéro déforestation » replantent généralement une seule espèce d’arbre sur les terres agricoles dégradées.
Ces entreprises doivent faire face à d’autres enjeux sociaux et environnementaux majeurs : réduire leurs émissions de carbone, préserver et recycler l’eau qu’elles consomment et veiller à leurs communes locales. Il est donc difficile de se concentrer uniquement sur la biodiversité. Par exemple, les « déserts verts » à base de nouveaux arbres à croissance rapide constituent eux aussi des puits de carbone, contribuant à réduire les émissions. Par ailleurs, les ONG environnementales avancent que ces plantations accumulent moins de carbone que les forêts indigènes, c’est-à-dire la diminution du capital naturel impacte également les émissions de carbone.[2]
Une obligation associée au « ré-ensauvagement » incite à une exposition plus large
Quelques entreprises du secteur du papier, dont Suzano, Klabin et UPM, se sont engagées à préserver le capital naturel. Mais seulement quelques-unes l’ont relié jusqu’à présent à leur financement. UPM a associé la marge d’un crédit renouvelable à des objectifs en termes de biodiversité et d’émissions,[3] tandis que Klabin, l’homologue brésilien de Suzano, a été la première entreprise à lancer récemment une obligation de transition avec un objectif spécifique de replantation, posant ainsi les jalons d’une exposition plus large en faveur de la biodiversité. Nous nous félicitons de cette évolution et élargissons notre exposition, outre Suzano, à plusieurs entreprises du secteur du papier afin de promouvoir des innovations semblables.
Une meilleure transparence s’impose
Suzano, le plus grand producteur de papier et de pâte au monde, était un candidat évident pour notre première exposition à la biodiversité dans ce secteur. Nous souhaitions également lui demander pourquoi son obligation liée aux émissions, certes intéressante, avait une faible notation MSCI. Pendant notre entretien, il a attribué sa faible notation à la publication moindre après la fusion avec Fibria, un autre producteur de papier et de pâte. Il a également attiré l’attention sur les méthodes sous-jacentes de certaines notations de tiers, qu’il a jugé difficiles à comprendre et donc à améliorer.
Suzano pense qu’il peut faire face au problème en informant les agences de notation de ses efforts pour réduire les émissions de carbone et renforcer ses relations avec les communes. Suzano a d’ores et déjà travaillé avec CDP (anciennement Carbon Disclosure Project) pour optimiser sa notation et a été inclus dans des indices de durabilité avec des exigences en termes de transparence.
Nous nous sommes accordés avec Suzano sur le fait que la manière dont l’entreprise est perçue par le monde extérieur ne reflète pas ses efforts. Nous pensons toutefois qu’il y a encore des domaines pour lesquels nous pouvons aider, notamment en coopérant avec cette entreprise pour mettre en œuvre les meilleures pratiques ESG qui devraient contribuer à améliorer sa notation au fil du temps.
Relever les ambitions en matière de carbone
Nous étions notamment préoccupés de savoir si les objectifs de Suzano visant à réduire ses émissions, ancrés dans l’obligation, étaient suffisamment ambitieux.[4] Ils prévoyaient notamment une réduction des émissions de carbone de seulement 15% entre 2015 et 2030. En 2020, Suzano avaient d’ores et déjà atteint 40 % de ces objectifs. Lorsque nous l’avons interrogé sur ses objectifs, l’un des responsables de la durabilité a déclaré que l’entreprise était déjà un faible émetteur (voir diagramme 2) et que, même si elle ne prenait pas d’autres mesures, ses émissions seraient toujours compatibles avec la limitation du réchauffement climatique mondial à +2 °C au-dessus des niveaux préindustriels d’ici 2040. Étant que ses émissions sont déjà faibles, Suzano a assuré qu’il ne s’agissait plus que d’optimisations marginales.
Néanmoins, nous l’avons encouragé à fixer des objectifs de réduction des gaz à effet de serre encore plus ambitieux en passant de 2 à 1,5 °C, ce qui a été validé par l’initiative Science Based Targets. Suzano estime que cette méthodologie pénalise injustement les entreprises à faibles émissions et ne tient pas suffisamment compte de la compensation carbone apportée par les plantations. En effet, les émissions de l’entreprise sont plus que compensées par le carbone absorbé par les plantations (voir diagramme 3). Toutefois, selon nous, cette compensation n’est qu’une partie du concept de neutralité carbone et ne remplace pas une véritable réduction des émissions globales.
Une question épineuse
La biodiversité semble être une question épineuse. Le capital naturel brillait par son absence dans les objectifs de durabilité de Suzano pour 2020. Lorsque nous avons demandé pourquoi, Suzano nous a répondu qu’il était sur le point de publier un objectif de biodiversité sur lequel il travaillait depuis un certain temps et pour lequel il avait un budget. Il a toutefois ajouté que cet objectif était plus complexe que ceux fixés pour les émissions de carbone et l’eau car il faut travailler avec les plantations voisines, les communes et les diplômés de l’enseignement supérieur et adopter une approche paysage complète qui garantit que tous coopèrent afin de protéger les espèces et de régénérer les forêts. Il a précisé que l’objectif serait présenté dans le courant du deuxième semestre 2021.
Suzano a déclaré avoir d’ores et déjà pris des mesures pour préserver les espèces de la forêt amazonienne, de la forêt atlantique le long du littoral brésilien et de la savane Cerrado, située au centre du pays, dont le mélange des plantations et de la forêt vierge activement restaurée et la plantation d’arbres d’âge différents pour gérer la consommation d’eau. Le reboisement est très important, notamment dans la forêt atlantique qui ne représente plus que 13 % de sa superficie initiale.
Par ailleurs, cette entreprise applique une politique « zéro déforestation » tout au long de sa chaîne d’approvisionnement. Le Brésil compte 100 millions d’hectares de pâturages dégradés et la plantation d’eucalyptus dans ces régions contribue à préserver la biodiversité en fournissant certes aux animaux de la nourriture et des abris, mais dans un ordre de grandeur bien inférieur à celui des forêts indigènes.
Mesurer les succès en termes de biodiversité
Nous avons demandé à Suzano comment l’entreprise mesurait son succès en termes de biodiversité. Son responsable de la durabilité nous a expliqué qu’environ 80% des surfaces de l’entreprise étaient certifiées par le Forestry Stewardship Council (FSC) et que le maintien de la certification était subordonné au respect des droits de l’homme et de la biodiversité. En outre, Suzano surveille 2 700[5] plantes et animaux sur ses terres afin de pouvoir identifier des espèces inconnues ou celles menacées de disparition.
Étant donné que Suzano plante plus d’eucalyptus, il souhaite maintenir le taux de forêt préservée à environ 40%. Suzano nous a expliqué que la richesse des espèces dans ces régions protège les eucalyptus environnants contre les maladies, il n’est toutefois pas sûr que cela soit suffisant pour empêcher la disparition d’autres espèces et c’est une question que nous souhaitons approfondir.
Nous avons également demandé si les produits chimiques, utilisés pour contrôler les plantations, se propageaient dans les forêts indigènes ou si les camions, qui transportent l’eucalyptus récolté, traversaient les zones protégées. Suzano nous a répondu qu’il en tenait compte lors de la planification des routes et du transport des récoltes vers la forêt vierge et qu’il laissait du temps aux animaux de trouver un abri. L’utilisation de produits phytosanitaires a été également réduite. Suzano semble prendre conscience du fait que ses activités sont susceptibles de compromettre l’habitat de la faune, mais nous ne sommes pas sûrs qu’il en fasse suffisamment pour minimiser les impacts négatifs.
Travaux en cours
En général, nous avons été impressionnés par l’équipe de la durabilité de Suzano, ses intentions et sa réceptivité à nos suggestions. Nous invitons l’entreprise à poursuivre ses efforts pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre et à se fixer un objectif ambitieux en termes de biodiversité, ces deux éléments devant contribuer à améliorer les notations ESG externes au fil du temps. Nous avons déjà attribué une meilleure notation à Suzano dans notre évaluation interne. De nombreux émetteurs des pays émergents viennent juste de publier leurs rapports sur la durabilité et nous demandent comment ils pourraient améliorer leurs notations ESG externes. De plus en plus, le lancement d’obligations de transition, assorties d’objectifs spécifiques et mesurables visant à réduire les émissions de carbone et à préserver notre capital naturel commun, est un moyen pour les entreprises d’enrayer l’extinction des espèces, d’optimiser leur bilan ESG et d’attirer les investisseurs.
Mis à disposition de Patrimoine 24, article rédigé par Kris Atkinson, Gérant de portefeuille, Michael Dolan, Directeur de Recherche, Aela Cozic, Analyste ESG et Amber Stevenson Investment Writer.
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