La pandémie de Covid-19 a forcé des millions d’employés de bureau dans le monde à télétravailler pendant la majeure partie de 2020.
Selon de nombreux observateurs, cette énorme transformation des pratiques de travail aura des effets négatifs durables sur l’immobilier de bureau malgré la course à la vaccination à l’oeuvre à l’échelle internationale. Sans surprise, cette prévision est démentie par les entreprises concernées, qui soulignent que leurs actifs font l’objet de besoins à long terme, tout en concédant que le télétravail s’est installé dans les moeurs et n’est pas uniquement compatible, mais également complémentaire du travail de bureau, sans pour autant le remplacer. Cet article passe en revue les divers arguments avancés de part et d’autre dans ce débat, qui n’est pas près d’être clos, et conclut que les effets de la tendance au télétravail devraient être plus nuancés.
Le télétravail est effectivement appelé à durer, et poussera les entreprises et leurs employés à adopter des modèles hybrides, combinant quelques jours au bureau avec quelques journées de travail à domicile. D’autres effets sont également à prévoir, notamment la hausse du nombre d’espaces de travail collaboratifs, la possibilité (et non la probabilité) d’un phénomène de dé-densification, une certaine dose de « hot desking », ou travail nomade, avec tous ses avantages et ses inconvénients, ainsi que des protocoles sanitaires plus nombreux (éventualité d’un passeport vaccinal pour venir travailler au bureau).
Nous pensons que les bureaux hauts de gamme situés dans des quartiers très recherchés (en particulier ceux qui présentent des standards élevés de durabilité, de bien-être et de technologie) resteront suffisamment attractifs pour donner envie aux employés d’y retourner. En revanche, les bureaux moins prestigieux établis dans des quartiers moins attirants risquent d’être pénalisés par la faiblesse de la demande de location et par des baisses de loyers, voire des par réaffectations.
Sur le plan géographique, certains marchés de bureaux comme la City ou West End à Londres et les quartiers des affaires à Paris, Berlin, Barcelone, ou encore Madrid, présentaient des taux de vacance relativement bas au début de la pandémie et seront donc mieux préparés à ce nouvel environnement, tandis que les lieux souffrant d’importants taux de vacance structurels, à l’image de la petite couronne parisienne, de Manhattan, de San Francisco et de Los Angeles, rencontreront probablement davantage de difficultés. Au-delà de la question du télétravail, qui jouera sans conteste un rôle dans le cycle de l’immobilier de bureaux, nous demeurons d’avis que la demande de location évoluera principalement au gré du cycle économique et de qualité des espaces de travail proposés.
Enquêtes auprès d'employés en télétravail
Pendant la crise sanitaire, plusieurs enquêtes ont été conduites auprès des employés par des cabinets tels que Deloitte, Bain & Company, Savills, Gensler, McKinsey et BCG. En résumé, leurs conclusions étaient les suivantes :
Aspects positifs du télétravail
- Plus de la moitié des employés considèrent d’une manière générale qu’ils ont gardé ou augmenté leur productivité quand ils ont dû travailler à domicile. Ce constat tient principalement à l’absence de trajets et à une meilleure capacité de concentration chez eux.
- Le même pourcentage d’employés estime que les collègues sont aussi productifs qu’avant le confinement, ou plus.
Aspects négatifs du télétravail
- Près de 40% des employés déclarent que les confinements ont altéré leur bien-être.
- Plus de 40% estiment avoir perdu en productivité selon une enquête internationale de Bain & Company. Les premières raisons avancées sont le manque de motivation et l’inadéquation de leur espace de travail.
- Les employés en télétravail ont surtout éprouvé les manques suivants : interactions sociales (45%), collaboration (31%), effet de réseau (25%).
Perspectives
Il ressort d’une enquête conduite récemment par Savills qu’après la pandémie, la majorité des employés britanniques souhaiteraient ne télétravailler qu’un jour ou deux par semaine, contre 6% seulement qui privilégieraient le télétravail à plein temps. Une série d’enquêtes sur le lieu de travail de Gensler en 2020 a révélé que plus de la moitié des employés américains, plus des deux tiers des employés britanniques et plus de 70% des employés en France opteraient s’ils le pouvaient pour un modèle de travail hybride (ceux qui expérimentaient déjà ce modèle déclarant que ce dernier avait le plus d’impact positif en termes de créativité, de résolution de problèmes et de liens d’équipe). En France, seuls 5% des employés souhaiteraient télétravailler à plein temps. Une enquête de BCG réalisée en mai 2020 signale que 60% des employés veulent de la flexibilité en ce qui concerne leur lieu ou leurs horaires de travail.
En résumé, les employés souhaitent un modèle hybride permettant de choisir de venir au bureau pour collaborer et être plus productifs, tout en ayant la possibilité de travailler depuis leur domicile pour des questions de confort et de sécurité.
Aura-t-on toujours besoin de bureaux ?
Les employeurs vont devoir fournir à leurs employés de bonnes raisons de se lever plus tôt et de consacrer du temps et de l’argent à leur trajet au bureau. Selon nous, il existe de bonnes raisons pour agir de la sorte :
Entretenir et nourrir une culture d’entreprise Quelle valeur a une culture d’entreprise ? Comment garder ce capital social sans interactions régulières et soutenues entre les employés ? Comment encadrer, former, motiver, conseiller ou communiquer des retours aux employés lorsque l’on travaille à distance ? Un bureau est un espace d’intérêt commun et peut également incarner une marque aux yeux de ses employés, clients et parties prenantes, existants et futurs.
Collaboration Le télétravail a des effets sur la créativité, la résolution de problèmes et l’innovation. Comme l’argument en faveur du travail en open space par rapport aux bureaux individuels, développé par certaines entreprises technologiques (WeWork, etc.), la collaboration est un des plus grands avantages de la présence au bureau.
Présence au bureau Selon une enquête de Bain & Company, 42% des employés en télétravail estiment que leur productivité a baissé, les principales raisons citées étant le manque de « disposition au travail » et l’absence d’espace de travail dédié.
Intégration des nouveaux employés Comment un nouvel employé fait-il pour s’approprier rapidement la culture d’entreprise sans interaction sociale ni collaboration en face-à-face ? Est-il facile de nouer des liens avec ses collègues en l’absence de bureaux ?
Clients Construire une nouvelle relation avec un client ou entretenir une relation existante, satisfaire les clients souhaitant un entretien en personne, ou se rendre dans les locaux d’un fournisseur (pour des questions de due diligence, par exemple).
Sentiment de culpabilité des employés Peur de rater quelque chose en télétravail. Dès lors que des collègues, dirigeants et responsables sont de retour à temps partiel ou complet au bureau, certains employés redoutent de passer à côté de quelque chose en termes d’interactions sociales, de politique administrative, de rassemblements après le travail, de mentorat ou même de manque de visibilité, etc.
Souhait des employés D’après une enquête de Gensler, bien que le modèle de travail hybride soit préféré par plus de la moitié des employés, 90% d’entre eux souhaitent retrouver un bureau qui leur est assigné à leur retour.
Souhait des employeurs et vaccin Les employeurs veulent que leurs salariés reviennent travailler en présentiel, mais pas tant que l’environnement ne sera pas considéré comme sûr. Dans quelle mesure peuvent-ils pousser dans ce sens ? Si les taux de contamination diminuent, un plus grand nombre d’employés sera vacciné et heureux de se rendre dans d’autres lieux d’interactions sociales (par exemple, les restaurants), faisant donc théoriquement disparaître le côté pénible du retour au bureau. Naturellement, ceci nécessitera que les écoles rouvrent et que les gens se sentent à nouveau en sécurité dans les transports publics. Les bureaux pourraient également disposer de lieux de dépistage ou de vaccination, ou les employeurs pourraient réfléchir à la possibilité de conditionner certains emplois à la vaccination, une question potentiellement délicate d’un point de vue politique et juridique.
Perspectives à long terme du télétravail à 100% Quelles perspectives pour les emplois pouvant être effectués à distance 100% du temps sans nécessité d’interaction sociale ? Le sujet soulève une question ouverte quant à savoir si la fonction pourrait alors être accomplie à l’étranger, et dans ce cas sur des marchés où le coût du travail est moindre, et si, à long terme, cette fonction pourrait être automatisée ou réalisée plus efficacement par une intelligence artificielle.
Compétitivité Les employeurs devront veiller à ce que leurs locaux ne soient pas seulement adaptés à l’usage prévu, mais aussi suffisamment attractifs pour leur conférer un avantage concurrentiel dans la lutte pour attirer et fidéliser les meilleurs talents.
Des bureaux verts et agréables à vivre Les employeurs vont devoir offrir à leurs salariés la possibilité de travailler, de se rencontrer et de collaborer dans des bureaux de première qualité, bien situés et faciles d’accès, bien chauffés, bien aérés et équipés d’air conditionné, et dotés par ailleurs de standards élevés sur les plans du bien-être, de la technologie et de la durabilité. L’avènement du bureau moderne, agréable à vivre et à faible impact environnemental, était déjà bien engagé avant la pandémie ; néanmoins cette tendance devrait maintenant s’accélérer à mesure que les employeurs et les propriétaires de bureaux chercheront à gagner en crédibilité écologique, le tout en fonction de leur capacité financière et de leur volonté de s’adapter. Dès lors, la dynamique des transactions pourrait s’accentuer, les actifs de bureaux passant des mains de propriétaires institutionnels passifs, ou semi-passifs, à celles de propriétaires/promoteurs plus proactifs et soucieux de la gestion des biens.
Réglementation Les bureaux 100% virtuels, dotés simplement d’une adresse postale, seront-ils autorisés, en particulier pour les entreprises assujetties à la réglementation ? Ou sera-t-il obligatoire de disposer d’un lieu physique dans lequel devront travailler les employés experts en lien avec les autorités réglementaires ?
Quels secteurs se prêtent le plus au télétravail ?
Selon une étude de McKinsey, les trois secteurs comportant le plus de tâches pouvant être accomplies à distance sans perte de productivité sont : la finance et l’assurance ; la gestion et les services professionnels, scientifiques et techniques (Figure 3).
Remarque : le maximum théorique couvre toutes les activités ne nécessitant pas de présence physique sur site, et le potentiel effectif ne couvre que les activités pouvant être accomplies à distance sans perte d’efficacité. Modèle basé sur plus de 2.000 tâches dans plus de 800 professions. Source : Analyse McKinsey Global Institute
Si ces trois secteurs sont ceux qui recèlent le plus de potentiel en termes de télétravail, Savills Research souligne qu’à Londres, par exemple, ce sont les activités de services professionnels qui ont exprimé la plus forte demande d’espaces de bureaux à la City avec 33% en 2020, suivis des technologies et médias (19%) et de l’assurance et de la finance (16%). Alors qu’ils sont identifiés comme les plus adaptés au télétravail, ces trois secteurs ont donc représenté ensemble près de 60% des bureaux occupés dans la City en 2020, ce qui peut s’expliquer par le fait que ces activités dominent traditionnellement les profils de locataires dans ce quartier londonien.
Qu’en disent les dirigeants des entreprises de ces secteurs ?
Certaines entreprises très en vue promettent à leurs employés qu’ils pourront bénéficier d’un modèle en télétravail permanent et à durée indéterminée dès lors qu’ils le souhaitent. Ainsi, le PDG de Facebook a déclaré que le télétravail pourrait concerner jusqu’à 50% de ses effectifs au cours des 5 à 10 prochaines années et l’entreprise a récemment créé une fonction de « Responsable du télétravail ». Cette annonce a fait couler beaucoup d’encre, mais se destinait essentiellement, selon nous, à rassurer les employés afin de réduire le risque de fuite des talents et de garder de l’attrait aux yeux des futures recrues. Nous retenons surtout que ces déclarations publiques sont en contradiction directe avec les propos d’autres dirigeants de célèbres groupes technologiques et financiers qui, en principe, aurait dû faire partie des plus fervents défenseurs du télétravail.
Ainsi, John Waldron, le Co-directeur de la division banque d’investissement de Goldman Sachs, a déclaré : « Après plusieurs mois d’interactions à distance, nous craignons une dégradation de la culture d’entreprise qui fait notre réputation, basée sur la collaboration avec un interlocuteur personnel et le mentorat des nouveaux arrivants. » De la même façon, le PDG de Morgan Stanley, James Gorman, a tenu les propos suivants : « La grande majorité de nos employés continuera de travailler la grande majorité de son temps dans nos bureaux. »
Comment concilier les aspirations des employés avec les besoins de l’entreprise ? Le modèle hybride
La plupart des enquêtes conduites jusqu’à présent auprès des employés montrent que le personnel des bureaux souhaite avoir la possibilité de recourir au télétravail entre un et deux jours par semaine.
Les bureaux sont rarement utilisés à 100%. D’après les REIT d’immobilier de bureau, avant la pandémie, le taux d’occupation physique des bureaux s’élevait en moyenne à 80% (autrement dit, l’utilisation de l’espace de travail par les locataires n’atteignait jamais 100%), les 20% de vacance s’expliquant par les congés, les maladies, les réunions extérieures ou les déplacements. Dès lors, de nombreux facteurs méritent d’être pris en considération :
Agilité Le travail à distance ne signifie pas que tous les employés ou la majorité d’entre eux soient en télétravail. Par exemple, d’après BCG, ce modèle pourrait être organisé autour d’employés partageant leur temps de travail entre leur domicile et les bureaux d’une semaine à l’autre, ou selon un calendrier planifié (Figure 4). Des équipes entières pourraient ainsi partager avec d’autres leur espace de travail. En revanche, à l’inverse, il pourrait être demandé à tous les employés d’être présents à des moments précis.
100% de présence au bureau La présence de chaque membre d’une équipe quelques jours par semaine pourrait ne rien changer à la demande actuelle en espace de bureaux si la plupart des employés sont parfois amenés à être présents en même temps. Selon certaines estimations, le télétravail un ou deux jours par semaine devrait réduire de 15% à 20% la demande en espaces de bureaux, mais ce calcul nous paraît un peu trop simpliste.
A la carte L’espace de bureaux pourrait de plus en plus répondre aux besoins particuliers des locataires. Les bureaux secondaires, plus anciens et impropres à l’usage prévu risquent de voir leur attrait, leurs loyers et leurs valorisations se dégrader, et potentiellement de faire l’objet de réaffectations. Les espaces flexibles pourraient bénéficier d’un retour en grâce, les locataires faisant preuve d’une certaine prévoyance dans leur stratégie de location de bureaux afin de tenir compte de la croissance potentielle, mais également de baisses rapides et brutales, de l’activité et des effectifs. D’autre part, aucun modèle unique ne conviendra à tous : les besoins relatifs au télétravail seront différents selon les entreprises, les services et les équipes. Parce que les emplois sont différents, les besoins de travail sur site le seront également. Les emplois nécessitant le plus une surveillance étroite, de l’esprit d’innovation et des interactions sur site avec les clients réclameront probablement davantage de présence au bureau.
Partage de bureaux Cette pratique est déjà répandue dans de nombreuses activités et entreprises, avec des avantages bien connus (principalement des réductions de coûts), mais également des inconvénients (incertitude concernant l’emplacement du poste de travail, possibilité que le poste de travail soit éloigné du reste de l’équipe, ce qui réduit à néant le travail d’équipe et les avantages culturels de venir au bureau, protocoles de nettoyages stricts à mettre en place quand les employés changent de bureau, etc.).
Existe-t-il des différences en fonction des pays, et pourquoi ?
Un rapport récent sur les utilisations des immeubles de bureaux met en évidence d’importantes différences géographiques. Ainsi, les bureaux situés dans les villes françaises ou allemandes étaient occupés à 50%-80% quand les restrictions nationales ont été partiellement levées entre les confinements, avec seulement 15% d’employés de bureaux en télétravail en France à la fin de l’été. A Berlin, les salariés étaient encore majoritairement en télétravail dans les grandes entreprises, mais ceux des PME et du secteur public étaient pour la plupart revenus au bureau. A l’inverse, les taux d’utilisation aux Etats-Unis, à Londres ou en Australie sont demeurés très faibles, généralement en dessous de 20%.
Les propriétaires se montrent prudents dans leurs explications. Certains invoquent des cultures plus hiérarchisées en France et en Allemagne, incitant davantage d’employés à se rendre au bureau. Une autre explication tiendrait à la structure des villes modernes dans les pays anglo-saxons, où les quartiers d’affaires/centres-ville sont plus éloignés des quartiers résidentiels de périphérie, alors que cette distinction est moins nette dans les villes d’Europe continentale, plus anciennes.
Nous nous gardons d’en tirer toute conclusion hâtive concernant l’impact du télétravail pour chacun de ces pays et nous pensons toujours que des solutions hybrides de travail à distance affecteront de toute manière les marchés de l’immobilier de bureau dans l’ensemble du monde.
Le politique entre dans la danse
Politicians have also jumped on Les responsables politiques se sont également emparés de la question du télétravail et oeuvrent à sa prise en considération. Par exemple, en Espagne, le gouvernement a récemment chargé les syndicats de veiller à ce que les frais informatiques et les factures d’électricité des employés en télétravail soient rémunérés à leur juste valeur par les entreprises. Le coût du télétravail pour les employeurs pourrait donc devenir plus important.
En Allemagne, un débat est en cours pour déterminer si les employés en télétravail doivent être assujettis à un impôt spécial en raison des économies qu’ils réalisent sur le coût des transports et des repas. Certains avancent que l’impact carbone lié au fait de ne pas se rendre au bureau en voiture ou par les transports en commun doit aussi être pris en compte dans ce bilan. D’autres évoquent la possibilité de rédiger une loi obligeant les employeurs à proposer au moins un jour de télétravail par semaine.
Vivre avec le Covid = distanciation sociale = moins de densification = plus de demande en espace ?
Après plusieurs dizaines d’années passées à compresser l’espace de travail par employé (le phénomène de « densification » dans le jargon immobilier) pour faire des économies et accroître supposément la productivité, la nécessité de respecter les règles de distanciation sociale et le besoin, pour les employeurs, de rendre les bureaux plus attractifs, pourraient enclencher un virage à 180 degrés.
Si les bureaux doivent être certifiés « Covid-proof » en gardant à l’esprit le risque d’apparition de futurs variants et en supposant que le virus deviendra endémique comme la grippe hivernale, se pourrait-il que la quantité d’espace requis par bureau augmente (d’environ 20%, comme le déterminent certaines estimations) et que l’espace de travail se dé-densifie ? Des cinq mètres carrés actuels par employé, pourrait-on revenir à 15 mètres carrés ? Verra-t-on le retour des bureaux individuels et d’espaces collaboratifs plus vastes et plus nombreux (salles de réunion, zones de discussion, etc.) ? De telles tendances pourraient à nouveau accroître la quantité d’espace de bureau nécessaire.
Quant aux tours de bureaux et aux gratte-ciel, une place devrait leur être réservée dans le paysage de l’immobilier professionnel, à condition qu’ils puissent s’adapter à la nouvelle demande en termes de bien-être, de flexibilité des aménagements de l’espace de travail, qu’ils soient faciles à rénover, et surtout, qu’ils soient bien situés. S’agissant des ascenseurs, dans la mesure où ceux-ci sont équipés de systèmes de ventilation adaptés et que leur gestion s’adapte au flux du trafic, le fait d’y passer quelques minutes ne devrait pas poser plus de problème, du point de vue sanitaire, que de voyager plus longtemps dans les transports publics.
Qu’est-ce qui pourrait disparaître dans cette transition ?
Lorsque le modèle hybride du télétravail sera entré dans les moeurs, les entreprises auront-elles toujours besoin d’un espace de repli après sinistre, puisque tous les employés pourront travailler à distance en situation d’urgence ? Cette catégorie d’actifs, selon nous, pourrait éventuellement être menacée. Par ailleurs, et nous l’avons déjà mentionné, une polarisation s’engagera probablement entre, d’une part, les bureaux de prestige et adaptés aux usages futurs, et, d’autre part, un marché de second, voire de troisième rang, dont les valorisations et les loyers pourraient chuter démesurément par faute d’espaces propres à la location.
Impact sur le marché de la location
Lors de nos entretiens directs avec de grands propriétaires de bureaux, des témoignages anecdotiques nous rapportent fréquemment que de nombreux locataires préfèrent renouveler les baux, même quand ils ont la possibilité de rompre les contrats existants ou de réduire leur volume loué. C’est reculer pour mieux sauter, mais l’attitude est compréhensible. Les catalyseurs positifs offerts par les vaccins et la perspective de la reprise économique sont étouffés par l’incertitude entourant le télétravail ou les futurs variants/confinements à prévoir. Autrement dit, de nombreuses entreprises n’ont tout simplement pas assez de visibilité sur la quantité d’espace dont elles auront besoin, et préfèrent donc attendre que les perspectives s’éclaircissent au lieu de prendre maintenant des décisions qui ont des conséquences à long terme.
Toutefois, de plus en plus de signes indiquent que l’offre globale de surface de bureaux augmente alors que la demande diminue, ce qui tire à la hausse les taux de vacance. D’après Saville Research, le taux d’occupation des bureaux à Londres a chuté de 59% entre janvier 2020 et novembre 2020, tandis que l’essentiel de la demande vise des immeubles de qualité « grade A ». Un phénomène qui tient dans une large mesure à la stagnation du marché et à l’incertitude globale des locataires vis-à-vis de leurs futurs besoins en bureaux après la pandémie, mais aussi du risque de récession économique et, jusqu’il y a peu, de l’accord commercial sur lequel déboucherait le Brexit. Les besoins d’espace de bureaux à la City s’élèvent encore à 1 million de mètres carrés (10 millions de pieds carrés) environ, soit 6% de plus que l’an passé (Figure 5). Près d’un tiers des surfaces en construction est déjà pré-loué pour 2021, ce qui limite en partie le risque d’incertitude pour les propriétaires, mais celui-ci demeure de toute évidence pour une portion importante des espaces restant à louer, ce qui pourrait exercer des pressions sur les niveaux des loyers, les accords de concession, etc. Cela étant, cet ajustement devrait majoritairement se faire ressentir en dehors des bureaux de qualité « grade A ».
Source: Savills Research.
D’après Savills Research, les mesures incitatives au sein des contrats de location devraient s’accroître dans presque toutes les grandes villes du monde (sauf peut-être Shanghai) au cours des six prochains mois. Le pourcentage de propriétaires ouverts à des conditions de bail plus flexibles devrait tout particulièrement s’accroître à Londres, à Dubaï et à San Francisco, et dans une moindre mesure à Paris. En Europe, c’est à Berlin que le marché semble le plus stable.
Du point de vue des taux de vacance et des baisses de loyers, les marchés les plus touchés devraient être Manhattan et San Francisco aux Etats-Unis, les bureaux moins prestigieux et de seconde main à Londres, et enfin le quartier de La Défense à Paris.
Sous-location Une autre question porte sur le volume d’espace de bureaux non utilisé par les locataires et ainsi susceptible d’être sous-loué. Les estimations varient pour les grands marchés américains ou ceux de Londres. A la City, environ 30% de l’offre d’espaces est contrôlée par les locataires, selon Savills, soit globalement la même proportion que dans la Baie de San Francisco ou Manhattan, d’après Cushman & Wakefield. Bien que cette pratique renforce la pression sur les niveaux de vacance et de loyers, de nombreux propriétaires de bureaux l’autorisent dans leurs baux et ont souvent tendance à la faciliter, afin de garder un certain contrôle sur le processus (en termes d’identité des sous-locataires ou de prix des loyers). Nous pensons que les espaces les plus exposés aux reprises d’espaces et à la sous-location seront surtout les bureaux hors prestige. Une polarisation accrue pourrait ainsi s’observer entre les segments des bureaux de prestige et les autres.
Nous constatons la même dynamique dans les villes américaines, où le taux d’absorption nette (demande moins offre) devient brutalement négatif, propulsant les taux de vacance de 12% au début de cette année à 16% (aux niveaux de 2012) selon les données de Cushman & Wakefield (Figure 6).
Source: Cushman & Wakefield Research.
Synthèse
Chez Columbia Threadneedle Investments, nous estimons que la classe d’actifs des bureaux conserve des perspectives solides, et nous sommes toujours d’avis que la prise en compte des fondamentaux sera prédominante pour investir dans les obligations de propriétaires de bureaux dans l’univers investment grade des REIT.
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