La crise Covid a ébranlé l’économie mondiale et c’est grâce aux actions sans précédent des gouvernements et des banques centrales que le pire a pu être évité. Le mode opératoire des banques centrales, une nouvelle fois sous le feu des projecteurs, a été marqué par cet épisode et c’est ce que nous cherchons à décrypter avec cette série de papiers intitulée « Comment la crise Covid a bousculé la politique monétaire ».
La monnaie et les moyens de paiement n’ont pas échappé à la digitalisation de l’économie accrue par la crise sanitaire. Les grandes banques centrales ont accéléré leurs travaux sur la création d’une monnaie numérique, notamment pour ne pas se faire prendre de vitesse.
La digitalisation des moyens de paiement, une tendance de fond
Les moyens de paiement électroniques (cartes bancaires, virements, prélèvements, monnaie électronique) se sont nettement développés lors des dernières décennies, ce qui constitue une véritable tendance de fond. Ainsi, en zone euro, la part du volume des transactions réalisées en monnaie fiduciaire est passée de 79% en 2016 à 73% en 2019, mais leur part en valeur a diminué de 54% à 48% sur la même période1. Cette baisse est plus marquée dans certains pays, les Pays-Bas par exemple. Les paiements en espèces vont probablement continuer à se raréfier car les ménages et les entreprises ont de plus en plus recours à des moyens de paiement électroniques et le développement d’applications de paiement mobile (Apple Pay, Google Pay, Alipay, WeChat Pay, etc.) accélère le processus.
En réalité, l’une des questions les plus débattues en économie financière est de savoir si les pays développés vont abandonner les paiements en espèces et devenir des sociétés sans cash (cashless societies), ce qui soulève de très nombreuses questions économiques et financières, mais aussi philosophiques et morales. L’un des avantages d’un abandon de la monnaie fiduciaire est de rendre plus difficiles les activités criminelles. La suppression des billets de banque, du moins des grosses coupures, pourrait aussi permettre aux banques centrales de mettre en place des taux directeurs bien plus négatifs qu’aujourd’hui et de regagner ainsi des marges de manœuvre pour stimuler l’économie : c’est l’une des grandes thèses défendues par Kenneth Rogoff dans son livre The Curse of Cash2. Du côté des désavantages, des questions pourraient se poser sur la préservation de la vie privée ou sur la fracture numérique.
La crise Covid a accéléré la digitalisation des paiements. Il a notamment été recommandé pour des raisons sanitaires de procéder préférentiellement à des paiements digitaux3 : par exemple, le plafond des paiements sans contact a été relevé à 50 euros dans quasiment tous les pays européens, pour éviter la manipulation des espèces. Dans le cas de la France, en ce qui concerne les paiements de détail, le recul des espèces s’est accéléré lors de la crise Covid tandis que la part des paiements dématérialisés a augmenté deux fois plus vite qu’avant la crise, passant de 51% en 2019 à 70% au premier semestre 2021. Une étude de la Banque mondiale portant sur la France a même montré que toutes choses égales par ailleurs, les commerçants ayant proposé des paiements sans contact ont réalisé un chiffre d’affaires supérieur de 8,3% par rapport à ceux qui ne le proposaient pas4.
La baisse de l’utilisation des espèces, qui ont la caractéristique de constituer à la fois une forme de monnaie et un moyen de paiement, a poussé les banques centrales à mener une réflexion sur la numérisation de la monnaie.
Par Bastien Drut, Responsable de la Macro Stratégie Thématique
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