Si seulement IA se référait à Informatique Avancée plutôt qu’à Intelligence Artificielle1, nous pourrions oublier tous ces débats sans fin sur le chômage massif issu d’une automatisation à outrance ou la domination inéluctable des robots sur les humains, pour nous concentrer sur la réalité et l’impact sur le marché actions.
L’IA a déjà fait l’objet d’une bulle au début des années 80 tant (déjà) les espoirs qu’elle suscitait étaient largement exagérés. Elle est revenue sur le devant de la scène en 2012 grâce au Deep Learning2, une approche d’apprentissage statistique itérative qui se nourrit d’une masse de données catégorisées. Une approche étonnamment pertinente dès qu’il s’agit d’analyser des photos, des vidéos, du texte ou un flux audio.
La difficulté est de faire le tri entre la réalité et le discours (voire le bruit) ambiant : par un étrange glissement sémantique, le Big Data3, le Machine Learning4 et le Deep Learning ont été allégrement englobés et rebaptisés IA.
On peut rêver de voitures autonomes, de robots chirurgiens, d’outils de traduction instantanée et de drones livrant nos courses, tant d’applications à l’impact économique et sociétal considérable. Cela dit, nous pensons que les freins sociétaux, réglementaires, sécuritaires et politiques sont tels que ce monde nouveau n’est pas pour tout de suite. Comme de coutume, tout est une question de timing.
A l’opposé, l’adoption de cette technologie est déjà bien avancée dans notre vie quotidienne sans que nous en ayons conscience : moteur de recherche Google, filtrage de contenus politiquement incorrects sur Facebook, enceintes connectées Alexa d’Amazon, Einstein de Salesforce5… Il s’agit d’avancées incrémentales6 qui ne changent pas le statu quo en termes de parts de marché. La raison est que dans le monde du numérique réel7, la barrière à l’entrée ultime est la donnée. Son propriétaire possède un avantage compétitif énorme qu’il n’est pas près de partager. En résumé8, un Investisseur Avisé, pressé de trouver des idées pour « jouer » l’IA, devra se garder de conclusions trop hâtives.
Benoît flamant est directeur des investissements de Finaltis.
Voir aussi
[1] Le terme Intelligence Artificielle, discipline qui se situe à la frontière entre informatique, ingénierie, psychologie, philosophie et linguistique, a été créé en 1956 par ses pionniers pour frapper les esprits.
[2] Le Deep Learning est une sous branche de l’apprentissage logiciel (Machine Learning).
[3] Capacité à traiter de grosses masses de données non structurées.
[4] Le Machine Learning a pour objectif d’extraire des signaux à partir de données, tel Amazon qui nous suggère de nouveaux achats en croisant notre historique d’achats avec ceux d’autres clients que la société a jugé proche de nos goûts.
[5] Outil intégré par défaut à Salesforce notamment pour aider les commerciaux à optimiser leurs efforts de prospection.
[6] Pour l’instant du moins : il faut rester prudent tant le rythme d’évolution est rapide dans un domaine où les investissements affluent.
[7] Par opposition avec le monde du jeu ou des compétitions type ImageNet où le défi est d’identifier une série d’images avec la meilleure précision possible et dans le minimum de temps, qui s’appuient sur des bibliothèques d’images libres de droits.
[8] Pour en savoir plus : lire la Lettre Digitale Finaltis de novembre 2018.