Bien que l’actuelle saison des votes en Europe soit caractérisée par un retour à la normale en matière de logistique et de calendrier des assemblées générales après les années Covid, un nombre conséquent d'entreprises va organiser des assemblées uniquement en distanciel, peu propices aux échanges avec les actionnaires.
En 2022, sur les 48 résolutions « Say on Climate » présentées au niveau mondial, 75 % d'entre elles ont été proposées par des entreprises européennes, 40 % d'entre elles ayant été portées par des sociétés d'Europe continentale, principalement sous l'impulsion de la France. Plusieurs entreprises françaises ont intégré spontanément à leur ordre du jour des votes sur le climat, et l'impact de ces résolutions a été significatif l'an dernier. Parallèlement, plusieurs gestionnaires d'actifs, accompagnés par le Forum pour l'Investissement Responsable (FIR), appellent publiquement à l'adoption des résolutions « Say on Climate » en France. Au moins six émetteurs prévoient pour l'instant d'inscrire des résolutions climatiques à l'ordre du jour, certains pour la première fois.
Par ailleurs, l'émergence de directeurs du climat voit le jour au sein des conseils d'administration d'entreprises françaises telles que la Société Générale par exemple. Bien que cela reflète l'importance des risques liés au climat pour ces entreprises, on ne sait pas encore si ces administrateurs occuperont des rôles de premier plan dans les comités RSE actuellement en place dans ces entreprises.
Trois ans après la mise en œuvre complète de la directive européenne sur les droits des actionnaires (SRD II), la rémunération des dirigeants devrait rester un sujet de premier plan cette saison, surtout au regard du climat macroéconomique difficile. Tout d'abord, de nombreuses dotations accordées début 2020, suite à la chute des cours des actions provoquée par la pandémie, mais qui ont depuis regagné une grande partie de leur valeur, doivent être distribuées en 2023 (les périodes de performance et d'acquisition sont généralement de trois ans sur le marché européen). Cela peut potentiellement générer des gains colossaux. Nous surveillerons l’action des comités de rémunération censés procéder à un ajustement à la baisse des émoluments s’ils s’avèrent disproportionnés. Ensuite, compte tenu de l'environnement inflationniste, des augmentations du salaire fixe de base des dirigeants sont attendues. En outre, depuis l'introduction de SRD II, les entreprises sont confrontées à des attentes croissantes pour l'inclusion d'indicateurs de performance de durabilité dans les packages de rémunération des dirigeants. En Europe continentale, pour les grandes et moyennes entreprises, il est déjà courant de voir au moins quelques critères ESG dans les plans d'incitation variable. Si l’intention est louable, il est encore difficile d'évaluer si ces critères sont suffisamment stimulants et ambitieux.
En France, compte tenu du très faible nombre de résolutions déposées par les actionnaires sans passer par le conseil d’administration, plusieurs gestionnaires d'actifs ont demandé un assouplissement des règles de dépôt des résolutions. La législation française actuelle est assez restrictive et les conseils d'administration disposent d'un pouvoir discrétionnaire quasi total pour inscrire ou non des sujets à l'ordre du jour des assemblées générales. Le seul moyen de contester le refus du conseil d'administration de cette inscription est d'engager une procédure judiciaire. Les partisans d'une révision des règles de dépôt, dont Ecofi, soutiennent que cela ne permet pas un dialogue serein et constructif entre les émetteurs et les actionnaires, et que les règles devraient être modifiées. La présence de clauses de retour en arrière (« clawback ») sur les rémunérations est l'autre sujet très débattu en France. La fusion entre TF1 et M6, qui a été annulée pour des raisons d'antitrust, en est un exemple. Le PDG de M6 avait reçu une rémunération exceptionnelle substantielle liée à la fusion proposée, qui avait été approuvée en AG en dépit d'une forte opposition des actionnaires minoritaires. Nous verrons si l'assemblée générale annuelle de M6 reviendra sur cette rémunération exceptionnelle pour un évènement qui, au final, n’a pas abouti.
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