Une coalition de gestionnaires d’actifs s’est mobilisée afin de demander officiellement à la Commission européenne de retirer le secteur de l‘aviation de la taxonomie, sous peine de porter gravement atteinte à la crédibilité de cet outil de la finance durable. Explications de Sining Zhang, analyste ESG chez Ofi Invest Asset Management
Le 11 avril 2023, la Commission européenne a ouvert à la consultation la nouvelle version de son acte délégué incluant notamment le secteur de l’aéronautique. À la suite de cette prise de position de la Commission, le collectif des « Acteurs de la finance responsable » dont fait partie Ofi Invest Asset Management, a mobilisé huit sociétés de gestion représentant plus de280 milliards d'euros d’encours sous gestion pour s'y opposer. Leur crainte est que l’inclusion de l’aviation dans la taxonomie serve de gage au secteur et l’incite à poursuivre sa production« business-as-usual », et ce, au détriment du développement d’alternatives.
Ofi Invest Asset Management s’est engagé en faveur d'une finance durable et cohérente avec les Accords de Paris. L’objectif de l’Union européenne pour répondre aux Accords de Paris est très ambitieux : réduire de 55 % les émissions de GES entre 1990 et 2030. Ce qui signifie aussi qu’entre 2020 et 2030, elles devront baisser à un rythme trois fois plus rapide que la moyenne de ces 30 dernières années. La taxonomie européenne est un des leviers pour réaliser cette ambition et, surtout, l’outil de référence de classification des activités économiques « vertes ». La taxonomie doit donc maintenir des critères exigeants afin de préserver la crédibilité de la finance durable. Dans ce contexte, nous sommes opposés à l’intégration du secteur aéronautique dans ce référentiel car à notre avis :
-
Un secteur qui ne contribue pas positivement à la neutralité carbone ne devrait pas figurer dans la taxonomie
-
Pour l’aviation, hormis pour l’expansion des flottes d’avions, les critères techniques de la taxonomie n’apportent aucune exigence par rapport à la situation actuelle du marché.
Pour rappel, l’aviation relève de la catégorie « activité transitoire » qui est définie ainsi par la taxonomie européenne.
« Une activité économique pour laquelle il n’existe pas de solution de remplacement sobre en carbone réalisable sur le plan technologique et économique est considérée comme apportant une contribution substantielle à l’atténuation du changement climatique lorsqu’elle favorise la transition vers une économie neutre pour le climat compatible avec un profil d’évolution visant à limiter l’augmentation de la température à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels, y compris en supprimant progressivement les émissions de gaz à effet de serre, en particulier les émissions provenant de combustibles fossiles solides, et lorsque cette activité :
a) présente des niveaux d’émissions de gaz à effet de serre qui correspondent aux meilleures performances du secteur ou de l’industrie
b) n’entrave pas le développement ni le déploiement de solutions de remplacement sobres en carbone
c) n’entraîne pas un verrouillage des actifs à forte intensité de carbone, compte tenu de la durée de vie économique de ces actifs ».
Décortiquons ces trois exigences appliquées à l’aviation :
a) La 1ère exigence concerne un secteur constitué d’un duopole, Boeing et Airbus. Il est évident que la performance carbone des avions construits par ces deux constructeurs sera mécaniquement en ligne avec les meilleures du secteur. Entre 90 % et 99 % du carnet de commande d’Airbus correspondraient déjà à ce principe selon une étude de l’ONG Transport& Environnement(4). Les avions zéro émissions (électriques ou hydrogènes) seront éligibles mais pas disponibles avant environ 15 ans et ne pourront pas remplacer les long-courriers. Dans le détail des critères techniques actuels, il y a deux éléments principaux :
1 - Il s’agit de faire mieux de 1,5 % à 2,0 % par rapport aux standards de l’Organisation de l'Aviation Civile Internationale (ICAO). Or, cette exigence n’en est pas une car les nouveaux avions actuels respectent déjà ces critères et de loin. Les avions livrés en 2019 avaient en moyenne une efficacité énergétique meilleure de 6 % par rapport aux standards qui entreront en vigueur en 2028, et les derniers modèles encore plus. Les standards de l’ICAO ont 10 ans de retard par rapport aux performances actuelles des avions mis sur le marché.
Par Sining ZHANG, Analyste ESG Ofi Invest AM.
Pour lire l'article dans son intégralité, cliquez ICI.
Pour accéder au site, cliquez ICI.