La biodiversité s’est faite une place à part dans la gestion d’actifs depuis quelques années. Les investisseurs reconnaissent l'importance de la préservation de la biodiversité, de la notion de « capital naturel » pour contribuer à la résilience des sociétés et des portefeuilles sur le long terme. Bien que les bases de données spécialisées se soient enrichies, que la réglementation se soit durcie et que des initiatives sectorielles rassemblent les principaux acteurs financiers, la biodiversité a-t-elle réellement atteint sa maturité dans la gestion d'actifs ?
Le progrès des indicateurs et des outils de mesure
Pendant longtemps, le manque de données harmonisées et accessibles constituait l'un des principaux obstacles à l'intégration de la biodiversité dans la gestion d'actifs. Aujourd'hui, des technologies telles que les satellites d'observation, l'intelligence artificielle et les bases de données ouvertes permettent de suivre avec précision l'évolution des écosystèmes. Une avancée notable dans ce domaine est la base de données ENCORE (Exploring Natural Capital Opportunities, Risks and Exposure), développée par UNEP-WCMC. ENCORE permet d'évaluer l'exposition des entreprises et des secteurs économiques à la dégradation des services écosystémiques et de la biodiversité. En reliant les dépendances économiques aux ressources naturelles, ENCORE aide les gestionnaires d'actifs à mieux comprendre comment leurs portefeuilles sont exposés aux risques liés à la nature. Chez Mandarine Gestion, nous avons été proactifs en la matière et avons élaboré il y a trois ans un outil propriétaire d’analyse des risques des entreprises à la biodiversité selon un triptyque politique / données de pression / dépendances et impacts.
Zoom sur les cadres législatifs et réglementaires émergents
Les cadres réglementaires liés à la finance durable font désormais la place belle à la biodiversité et la tendance s’accélère depuis 2020.
L’initiative de la TNFD (Taskforce on Nature-related Financial Disclosures) s’inspire du succès de la TCFD (Taskforce on Climate-related Financial Disclosures) pour créer un cadre de transparence financière lié aux risques environnementaux, en particulier ceux liés à la biodiversité.
Par ailleurs, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) de l'Union européenne impose des exigences de reporting plus strictes pour les entreprises, notamment en ce qui concerne la divulgation des impacts environnementaux, y compris ceux liés à la biodiversité. Cette directive intègre les ESRS (European Sustainability Reporting Standards), qui fournissent des normes détaillées pour la communication des informations sur la durabilité, dont les dépendances et les impacts sur la biodiversité. Ces outils permettent aux gestionnaires d'actifs d’évaluer plus facilement l’impact de la dégradation des écosystèmes sur leurs investissements et d’en rendre compte auprès de leurs clients.
L’influence des parties prenantes
Les parties prenantes, qu'il s'agisse d’investisseurs institutionnels, de clients particuliers ou d'ONG, exigent désormais que la finance tienne compte des impacts sur la biodiversité. Le Finance for Biodiversity Pledge a encouragé une mobilisation collective des grandes institutions financières. Cette initiative, qui rassemble plus de 130 institutions financières représentant près de 20 000 milliards d’euros d'actifs sous gestion, renforce l'engagement des signataires à collaborer et à partager des données pour mieux intégrer la biodiversité dans les process d’investissement. À cet égard, le Guide sur l'intégration des données biodiversité pour les investisseurs, publié par l’initiative et à laquelle Mandarine Gestion participe, fournit des recommandations pour aider les investisseurs à intégrer la biodiversité dans leurs décisions d'investissement.
Du côté des entreprises, le SBTN (Science Based Targets Network) est une initiative mondiale qui aide les entreprises à se fixer des objectifs scientifiques en matière de climat et de biodiversité. Son but est de contribuer à la préservation des écosystèmes tout en améliorant la responsabilité environnementale. Le SBTN compte près de 50 signataires provenant de secteurs variés, dont le textile et le luxe comme H&M, Kering et LVMH, qui ont été parmi les premiers à soutenir les objectifs de biodiversité fondés sur la science.
Du capital naturel au capital investi
Tandis que des fonds d'investissement thématiques dédiés à la biodiversité voient le jour, chez Mandarine Gestion, nous l’avons plutôt abordée sous l’angle du risque dans nos process de gestion. Nous identifions les sociétés qui prennent sérieusement la biodiversité en compte, mais nous estimons que rares sont celles qui pour une grande partie de leur activité apportent de véritables solutions. Enfin, des investisseurs institutionnels français lancent des appels d’offre pour des stratégies d’investissement dédiées à la biodiversité, avec un cahier des charges précis et relativement sophistiqué.
Les avancées dans l'utilisation des données sur la biodiversité, soutenues par des initiatives comme le Finance for Biodiversity Pledge, des bases de données comme ENCORE et des réglementations telles que la CSRD, offrent aux gestionnaires d'actifs des outils essentiels pour mieux intégrer des critères liés à la biodiversité dans leurs décisions d'investissement. Avec près de 20 000 milliards d'euros d'actifs engagés, le mouvement vers une finance durable est en pleine expansion. Bien que des obstacles subsistent, notamment en termes de standardisation des données, la tendance est clairement à une prise en compte croissante de la biodiversité dans les stratégies d'investissement durable. Cette approche, où la préservation du capital naturel devient une priorité, promet de créer une valeur durable à long terme pour les investisseurs tout en protégeant l’intégrité de la planète.
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