Les jeux vidéo sont l’un des rares secteurs à avoir profité de la pandémie de Covid-19 : confiné, le monde a (re)ssorti sa console. Pourtant, certains problèmes sociaux ont poussé Robeco à définir un nouveau thème d’engagement.
Points clés
- Le temps passé à jouer aux jeux vidéo a augmenté de 40 % pendant la pandémie
- Le cyberharcèlement et les achats intégrés font partie des problèmes
- Un secteur confronté à de trop nombreuses heures supplémentaires et un manque de diversité
Le temps passé à jouer aux jeux vidéo a bondi de 40 % pendant la pandémie et, avec l’arrivée de nouveaux adeptes, près de la moitié de la planète a désormais une manette en main. Beaucoup de néophytes ont vu dans les jeux vidéo un moyen de s’occuper pendant la crise sanitaire et, dans les prochaines années, le temps de jeu devrait rester supérieur de 21 % à celui qu’il affichait avant le Covid-19.
Pour des millions de gens, les jeux vidéo sont un divertissement sans conséquence et souvent éducatif. Pourtant, les risques sont nombreux : cyberharcèlement, exposition à des contenus violents et addiction. Par ailleurs, au sein d’un secteur qui manque de diversité, les salariés accumulent les heures supplémentaires.
Cette année, l’équipe Actionnariat actif de Robeco a donc lancé un programme d’engagement axé sur les risques sociaux dans les entreprises du secteur des jeux vidéo. Six enjeux ont été recensés : quatre sont liés à l’utilisation des jeux vidéo, notamment par les enfants, qui constituent le groupe le plus vulnérable, et deux sont axés sur la gestion du capital humain et des parties prenantes au sein des entreprises.
Mettre fin au cyberharcèlement
« Le harcèlement pendant le jeu peut menacer le bien-être des joueurs et engendrer des dépressions, explique Daniëlle Essink, spécialiste de l’engagement. Il faut donc que les concepteurs de jeux vidéo minimisent les risques de mauvais comportements.
Ils doivent aussi agir pour lutter contre les attitudes toxiques, en permettant par exemple aux joueurs d’avoir un profil privé ou de bloquer ou ignorer certains joueurs, et prévoir un système qui permet de déposer une plainte ou de signaler les problèmes.
Au-delà du jeu lui-même, ils doivent mettre en place une modération, humaine ou automatisée, notamment des tchats. Enfin, il est important qu’ils partagent leurs connaissances et coopèrent par des plateformes telles que la Fair Play Alliance, une initiative qui œuvre pour la création de communautés bienveillantes. »
Addiction et gestion du temps
L’addiction aux jeux vidéo n’a rien de nouveau et les parents qui ont tenté pendant des heures d’arracher leurs enfants à leurs manettes voient bien le problème. Mais elle peut aussi pousser des joueurs à s’endetter pour acheter toujours plus de fonctionnalités intégrées, parfois indispensables pour continuer de jouer.
« Il faut faire attention à ce que les joueurs ne se désintéressent pas des autres aspects de leur vie pour se concentrer exclusivement sur le jeu, souligne Daniëlle Essink. L’addiction aux jeux vidéo peut engendrer des problèmes de santé et des problèmes financiers.
Ces risques peuvent être minimisés si les joueurs réussissent à maîtriser leurs dépenses et leur temps de jeu. Pour la gestion du temps, on peut envisager des messages d’avertissement signalant le risque d’excès de jeu (c’est le cas de World of Warcraft) ou des rappels invitant les joueurs à prendre une pause.
Pour empêcher les joueurs de s’endetter pour acheter toujours plus d’options, il faudrait les informer du montant qu’ils ont déjà dépensé. Les concepteurs de jeux vidéo doivent trouver un équilibre économique sur ce point. Dès le départ, nous les incitons à indiquer dans leurs politiques quels mécanismes d’achats intégrés ne sont pas acceptables. »
Faire entrer la diversité dans les jeux
La diversité des personnages, souvent proches du stéréotype du guerrier blanc, constitue un autre problème. « Les jeux vidéo doivent refléter la société dans toute sa diversité, souligne Daniëlle Essink. Les entreprises ont la capacité d’utiliser des stratégies qui intègrent la diversité à l’environnement qu’elles créent. L’inclusivité des scénarios peut être renforcée par l’intégration de différents groupes, représentés par des personnages reconnaissables, mais non stéréotypés. Ajouter des boucles de rétroaction au processus de conception peut également jouer un rôle positif. La conception d’outils d’analyse de la diversité des personnages est aussi un bon moyen d’aborder ces questions.
Outre le classement des jeux et la vérification de l’âge des joueurs, nous demandons aux entreprises d’intégrer une réflexion plus générale au processus de création. Elles peuvent notamment s’intéresser à la proportionnalité de la violence, aux cibles de cette violence, aux rôles des gentils et des méchants ou encore au type d’armes utilisées. »
Gestion du capital humain
Au sein des entreprises, deux aspects posent problème : le « crunch », nom donné à la période pendant laquelle les salariés travaillent sans discontinuer, et le manque de diversité. « L’excès d’heures supplémentaires est une pratique endémique dans le secteur des jeux vidéo, que l’on observe généralement avant la sortie d’un nouveau jeu, explique Daniëlle Essink.
Nous demandons donc aux entreprises de revoir leur façon de faire : excès de spécifications, manière d’aborder la conception, sous-effectifs, planification, culture interne. Nous les incitons à prendre publiquement position sur la question de l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et à voir comment les choses se passent chez elles, par exemple grâce à des sondages.
Nous avons constaté que la participation aux initiatives et aux programmes en faveur de la diversité et de l’inclusivité est de plus en plus forte dans le secteur des jeux vidéo. Nous attendons des entreprises qu’elles adoptent des politiques claires sur ces sujets. »
Gestion des parties prenantes
Enfin, il faut que les concepteurs de jeux vidéo communiquent au moins une fois par an sur les progrès réalisés en matière de durabilité. « Nous nous intéressons également à la manière dont les enjeux ESG et le reporting sont traités et supervisés dans les entreprises et comment la responsabilité de ces sujets est intégrée au travail du conseil d’administration, poursuit Daniëlle Essink. Nous apprécions aussi la transparence au sujet de la concertation avec les parties prenantes et l’intérêt que le conseil porte aux éclairages externes, sous forme d’initiatives, de coopérations ou de partenariats. Nous souhaitons, en outre, que la gestion des parties prenantes porte aussi sur l’activité des entreprises en matière de lobbying et de réglementation. »
Daniëlle Essink, Engagement Specialist
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