Le label ISR est en passe de succomber, victime de son succès. En choisissant de focaliser les exigences de durabilité sur les modalités de gestion et non sur le résultat, l’Etat français ouvrait la porte à une diversité de stratégies, créant le risque, qui se matérialise aujourd’hui, de rendre le label illisible pour l’épargnant.
C’est bien l’épargnant le grand oublié dans ce label dans sa forme actuelle. En effet, comment justifier qu’un produit d’investissement dans des entreprises du secteur du tabac, de l’armement, ou du pétrole, puisse être considéré comme durable ?
Un label ISR trop faible
Le rapport commandité à l’Inspection générale des finances et rendu public en mars 2021 attaque d’emblée ces faiblesses et lance un avertissement : faute d’y apporter des correctifs, c’est l’engagement même de l’Etat dans le label qui sera remis en question.
Le rapport fait 20 recommandations, qui pour la plupart vont dans le bon sens. Le label pourrait exiger que le fonds labellisé explique comment il contribue à au moins un des Objectifs de Développement Durable (ODD), en incluant un ou plusieurs indicateurs justifiant cette contribution. Le défi réside dans le manque de standard pour mesurer cet impact.
Le rapport évoque notamment la difficulté liée à la qualité et la cohérence des données pour le calcul des scores dans le domaine de l’Environnement, du Social et de la Gouvernance (ESG). On peut aussi regretter le manque d’ambition en matière de mobilisation des actionnaires et d’exigence dans l’exercice de leurs prérogatives pour faire progresser la durabilité au sein des entreprises. Ainsi lors des Assemblées Générales durant lesquelles plusieurs grands émetteurs de CO2 français vont être appelés à s’engager avec un plan précis et validé scientifiquement sur les objectifs de l’Accord de Paris, il serait souhaitable que le rôle essentiel joué par les actionnaires pour pousser les entreprises dans le bon sens soit reconnu et encouragé par le label ISR.
Des pistes concrètes
Le rapport évoque sans ambages l’échec du label à attirer l’épargnant, constatant que la croissance des encours dans les fonds ISR labellisés suit celle des encours des fonds ISR non labellisés. Cette atonie est confirmée par un sondage récent : 62% des épargnants n’ont jamais entendu parler du label ISR. La France a une formidable carte à jouer au niveau européen avec son label ISR si elle parvient à lui rendre la légitimité que son manque d’exigence est en passe de lui faire perdre.
D’ici 2022, il parait essentiel que le référentiel du label évolue vers plus d’exigence et de réalisme : exigence sur le standard minimum à mettre en œuvre non pas seulement dans la politique de gestion, mais dans le résultat concret, tangible, au niveau du contenu des fonds. Enfin, le label pourrait réfléchir à des exigences minimales en termes de positionnement pour les entreprises les plus exposées au changement climatique.
Par David Czupryna, responsable développement ESG – Candriam
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1 Source : http://www3.weforum.org/docs/WEF_The_Global_Risks_Report_2021.pdf