Depuis l’introduction des Objectifs de développement durable (ODD), l’impact investing dans les obligations et les actions cotées a connu un fort développement. Je reste convaincue qu’il s’agit d’une bonne chose, bien que certains aspects de l’impact investing soient moins clairs dans l’univers du côté. Ce qui me préoccupe, c’est la perspective que l’impact investing authentique soit détourné de son sens par ceux-là mêmes qui se vantent de l’utiliser (à des fins de communication), ou qui se méprennent tout simplement à son sujet. Et je n’exclus pas Robeco de cette liste.
Nous devons tous rester attentifs et vigilants à ce sujet et pour cela, nous poser trois grandes questions :
- Contribuons-nous à l’allocation de capitaux additionnels vers le développement durable ?
- Lors d’investissements dans de grandes entreprises, comment déterminer leur contribution nette positive ?
- Et enfin, comment mesurer le changement ?
Différence entre impact investing et investissement durable
L’impact investing correspond aux investissements réalisés dans des entreprises, des organisations ou des fonds avec l’intention de générer des impacts environnementaux et sociaux positifs en même temps qu’un rendement financier. C’est un moyen de plus en plus prisé de poursuivre des objectifs sur le terrain, comme les ODD. Ceux-ci cherchent à faire la différence dans des domaines tels que l’éradication de la pauvreté (ODD 1 et 2) ou la réduction des inégalités dans la société (ODD 5 et 10), à l’aide de capitaux d’investissement plutôt que des fonds caritatifs.
L’investissement durable, quant à lui, recourt aux facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) en vue de minimiser les effets négatifs de toute activité d’entreprise. Cela peut passer par l’exclusion des entreprises qui ne produisent pas de résultats satisfaisants sur le plan environnemental, ou qui sont impliquées dans des affaires de corruption. Mais cela n’a pas nécessairement vocation à avoir un impact sur le terrain : trouver les sociétés affichant les meilleurs scores ESG ne contribuera pas directement à l’éducation ou la santé en Afrique. D’autant qu’un fabricant de tabac (que nous excluons) peut avoir un score ESG très élevé mais contribuer de façon très négative à l’ODD 3 (santé et bien-être).
Le Global Impact Investing Network (GIIN), réseau historique des investisseurs à impact traditionnels, compte de plus en plus de gérants d’actifs traditionnels parmi ses membres. Ce réseau est une ressource importante pour, entre autres, définir les principales caractéristiques de l’impact investing et accéder à une base de données des mesures d’impact 1. Il travaille actuellement à l’élaboration de recommandations pour les investisseurs à impact qui investissent dans des actions cotées, et d’explications concernant les différences avec l’investissement durable. Un organisme à suivre !
Comment atteindre l’additionnalité dans l’impact investing axé sur les sociétés cotées ?
En tant qu’investisseurs en actions et en obligations, nous ne fournissons généralement pas de capitaux additionnels aux entreprises, contrairement à l’impact investing traditionnel, où les capitaux sont directement investis dans des projets ayant un impact clair dans des domaines tels que l’eau, les énergies renouvelables, la microfinance et l’agriculture dans les pays en développement. Il va sans dire que dans l’univers coté, l’allocation des capitaux peut avoir des répercussions, en augmentant le coût du capital d’une firme (qui devient important lorsque des fonds doivent être levés), ou en signalant aux parties prenantes que la société devrait changer de comportement. À cet égard, aucune donnée empirique ne prouve encore que cela est particulièrement efficace2. Pour autant, nous observons que ce dernier point gagne en importance à mesure que certains secteurs d’activité deviennent de moins en moins acceptables en matière d’investissement (tabac, armes controversées, charbon). Dans le même temps, certaines entreprises sont devenues plus intéressantes pour les investisseurs dans des domaines tels que les produits d’efficacité énergétique et les véhicules électriques. Cela envoie un signal clair aux sociétés qui opèrent dans ces segments. Si l’on ajoute à cela l’engagement, nous pourrions affirmer qu’investir dans des titres cotés peut générer un impact.
Mais il existe aussi une seconde façon de créer de l’additionnalité, à savoir en cherchant dans quelle mesure les entreprises élaborent des produits et des services qui contribuent clairement à certains enjeux du développement durable, et dans quelle mesure elles conçoivent de nouveaux business models et étendent leurs activités dans des marchés, des pays ou des régions peu desservis. On peut citer par exemple les sociétés innovantes qui réduisent leur empreinte carbone grâce au recyclage, ou les groupes pharmaceutiques qui travaillent sur des modèles de tarification reposant sur l’efficacité du produit, qui favorisent un accès moins cher aux soins (grâce au numérique), ou qui fournissent des médicaments dans les marchés insuffisamment desservis.
Ces entreprises créent un impact au lieu de maintenir le statu quo. Investir dans celles-ci leur fournira un actionnaire qui soutiendra leur mission et leur orientation à long terme, ce qui les aidera à atteindre leurs objectifs financiers comme leurs objectifs d’impact.
Déterminer l’impact des conglomérats
Investir dans des titres cotés signifie souvent investir dans de grandes entreprises diversifiées. L’impact additionnel des entreprises qui ne proposent qu’un seul produit ou un seul service est plus facile à déterminer, mais nécessite toujours de faire des recherches, car leurs activités n’en sont pas forcément moins néfastes. Ce serait le cas, par exemple, d’un fabricant de panneaux solaires qui ne se soucierait pas de l’environnement, ni des normes du travail dans la chaîne d’approvisionnement, ni de la gestion de ses déchets. Dans l’ensemble, il aurait un impact net négatif sur la société et l’environnement.
Toutes ces problématiques sont prises en compte dans notre cadre ODD3. Nous recherchons les entreprises dont plus de 33 % du chiffre d’affaires contribue à un ou plusieurs objectifs, et dont le reste de l’activité n’a pas d’effet nuisible. Nous privilégions clairement les firmes qui opèrent dans des marchés peu desservis (sur la base de l’indice de développement humain). Et nous sommes très attachés à la proposition de valeur : nous recherchons les sociétés qui fournissent des produits et des services très rentables et disponibles presque partout, ainsi que celles qui proposent des progrès techniques majeurs pour un coût raisonnable.
Méthode de mesure
Enfin et surtout, il est important de pouvoir mesurer l’impact, afin de montrer que votre investissement fait vraiment la différence. Robeco a réalisé un travail considérable dans ce domaine, en investissant de l’argent réel dans des fonds réels. De nombreux indicateurs sont utilisés pour calculer l’impact qu’ont nos produits et nos services sur le terrain. Cependant, nous devons faire attention aux mots que nous utilisons lorsque nous présentons ces mesures d’impact.
Récemment, par exemple, une firme financière européenne a été poursuivie pour avoir communiqué de façon trompeuse sur son impact, en vue d’obtenir de nouveaux marchés. Aux États-Unis, la SEC repère désormais les « arguments potentiellement trompeurs » des gérants de fonds concernant leurs investissements durables, tandis qu’en Europe, les nouvelles réglementations adoptées dans le cadre du règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR) permettront d’effectuer des contrôles plus poussés.
Concernant notre fonds Sustainable Water, par exemple, qui investit dans des entreprises cherchant à améliorer la distribution d’eau propre, l’assainissement et le traitement des eaux usées, nous avons récemment actualisé les résultats en matière d’impact. Ainsi, les entreprises dans lesquelles il investit ont distribué 48 milliards de litres d’eau propre pour chaque million d’euros investi en 2020, soit la consommation de 759 foyers moyens. Cela fait une vraie différence pour ces personnes qui, auparavant, n’avaient pas accès à l’eau, tout en générant un rendement pour nos clients.
Ensuite, nous avons ajouté des explications supplémentaires afin que nos rapports ne puissent être accusés de tromperie (greenwashing). Nous avons inclus des notes à toutes les sources relatives aux méthodes utilisées (et à leurs limites) pour évaluer les impacts. En outre, nous indiquons clairement que ces impacts sont générés par les entreprises investies et sont par conséquent « associés » au fonds, plutôt que générés par un investissement dans le fonds.
Ayant évoqué ces trois principales préoccupations concernant le galvaudage de l’expression « impact investing », je reste assez fière de voir que nos affirmations en matière d’impact investing peuvent être vérifiées et que cette gamme spécifique représente désormais 12 % de l’ensemble des actifs sous gestion chez Robeco. L’intérêt grandissant des clients pour ce type d’investissement se traduira par une hausse de la demande, et nous devons nous assurer de conserver notre sens critique dans notre approche et notre communication.
1https://thegiin.org/characteristics
2 Is Exclusion Effective?, David Blitz and Laurens Swinkels, The Journal of Portfolio Management Ethical Investing 2020
3https://www.robeco.com/en/insights/2018/05/how-to-quantify-a-companys-contribution-to-the-un-sdgs.html
Masja Zandbergen - Albers, Head of sustainability integration
Pour accéder au site, cliquez ICI.