Attendue par les praticiens, la loi du 14 février 2022 n°2022-172 vient sonner le glas de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée mise à place pourtant récemment par la loi du 15 juin 2010.
Jusqu’alors, l’entrepreneur individuel exerçant une activité économique avait le choix entre le simple statut de l’entreprise individuelle et celui un peu plus protecteur de l’Entreprise Individuelle à Responsabilité Limitée dite « EIRL ».
Pour rappel, l’application du simple statut de l’entreprise individuelle (EI) avait pour conséquence l’absence de séparation entre le patrimoine professionnel et privé de l’exploitant, permettant alors à ses créanciers de demander recouvrement de ses créances sur l’ensemble du patrimoine de l’entrepreneur. Pour pallier cette précarité, des mécanismes protecteurs ont cependant été mis en place notamment pour la résidence principale insaisissable de plein droit depuis la loi PACTE du 22 mai 2019 ou tout bien foncier bâti ou non, non affecté à l’usage professionnel inclus dans une déclaration notariée d’insaisissabilité.
L’entrepreneur pouvait également choisir le statut de l’EIRL, isolant les biens nécessaires / utiles à l’exploitation de son entreprise, et créant ainsi un véritable patrimoine affecté à son activité économique, sans créer une quelconque forme sociale à l’instar de l’EURL ou de la SASU.
Le gage des créanciers professionnels est alors limité à ce simple patrimoine, qui devait faire l’objet d’une déclaration d’affectation ou être directement mis à jour par son inscription au bilan de l’entrepreneur.
La loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante entrant en vigueur à compter du 15 mai 2022 vient défaire cette dichotomie en ne proposant à l’entrepreneur, toujours réticent à la forme sociale, qu’un unique statut : celui de l’entreprise individuelle.
Tout en conservant cette notion de patrimoine d’affectation, le professionnel jouira alors d’une protection de son patrimoine personnel sans démarche. Son patrimoine professionnel sera constitué des biens, droits, obligations et suretés « utiles » à son activité indépendante.
Il convient toutefois de noter qu’à l’instar de l’EIRL, cette séparation des patrimoines peut être mise à mal dans certains cas, notamment :
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L’exploitant peut lui-même renoncer à tout ou partie de cette protection, renonciation qui pourra être demandée par la banque pour l’obtention d’un emprunt.
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Cette affectation est inopposable à l’administration fiscale en cas de manœuvres frauduleuses ou d'inobservations graves et répétées de ses obligations fiscales.
En définitive, la constitution d’une l’EURL ou d’une SASU, malgré le formalisme plus rigoureux et le coût de constitution d’une telle forme sociale, doit être privilégiée par l’entrepreneur, notamment pour les raisons suivantes :
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Même si l’affectation ne résulte d’aucune démarche, elle n’est pas sans interrogations. Même si la notion « d’utile » vient d’être récemment définie par décret, le terme n’en demeure pas moins imprécis. L’intervention du juge pour clarifier cette notion au cas par cas semble inévitable et source d’insécurité juridique.
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Le succès de ce statut dépendra de la volonté des créanciers institutionnels à ne pas faire renoncer systématiquement l’entrepreneur au bénéfice de cette affectation.
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L’entrepreneur individuel en recherche de liquidités ne pourra recourir en pratique qu’à des emprunts bancaires.
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L’entreprise individuelle forme un tout composé d’éléments incorporels et corporels tel que la clientèle, le droit au bail, le matériel etc… Sa transmission gratuite notamment au profit des enfants de l’entrepreneur, ne pourra être faite qu’en totalité. L’associé unique d’une EURL ou SASU pourra au contraire transmettre progressivement ses titres sociaux.
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Les droits d’enregistrement en cas de cession onéreuse sont moins importants en présence d’une forme sociale : EURL (3%) / SASU (0,1%). Alors que les droits seront compris entre 3 et 5% après application d’un abattement de 23.000 euros pour les entreprises individuelles.
L’entrepreneur individuel sera obligatoirement soumis au régime des travailleurs non-salariés, statut soumis à des cotisations sociales moins importantes que le statut social du salarié, mais avec une protection sociale moins efficace. Le président d’une SASU sera lui soumis au régime de salariés.
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