Malgré le message de fermeté des banquiers centraux, rien ne semble pouvoir contrarier les marchés actions en ce début d’année. Est-ce seulement parce qu’il n’y a pas, ou peu, d’alternatives ?
Dans le champ sémantique financer de ce début d’année, le terme de récession est de moins en moins utilisé. Il est vrai que le risque de récession est en baisse, en particulier aux US, et personne ne s’en plaindra. En ce qui concerne la star des données macroéconomiques depuis 2 ans (l’inflation pour ceux qui aurait un doute), l’histoire est bien différente.
Le choc inflationniste lié au Covid 19 (tension sur les délais de livraison des marchandise, mesures financières pour soutenir l’économie) était -finalement - bien transitoire. Et si la théorie quantitative de la monnaie stipule que l’augmentation de la masse monétaire est la cause unique de la hausse des prix, on note qu’il y a bien eu une inflation liée à l’offre, notamment énergétique, avec la guerre en Ukraine.
Mais sur le plan des prix de l’énergie la situation est aujourd’hui normalisée : par exemple le pétrole est actuellement autour de 80 USD contre 125 USD le baril il y a 1 an. L’hiver est passé sans coupures de courant ou défaut d’approvisionnement, circulez il n’y a plus rien à voir de ce côté-là.
Au 9 mars 2023, les marchés actions se portent bien merci pour eux, et l’économie aussi avec en prime un taux de chômage historiquement bas.
Est-ce à dire que l’approche monétaire de la gestion de l’inflation a été pertinente ?
Après 1 an il semble que oui.
Augmentation de la masse monétaire mondiale
La Banque Mondiale nous informe que la masse monétaire mondiale en % du PIB était de 143% en 2020, contre 110% en 2009.
Source : World Bank et Marigny Capital
D’après l’OCDE et la banque de France, Le taux de croissance de la masse monétaire en 2020 était de 12% pour la zone Euro et de 25% pour les Etats-Unis, contre 5% en 2019. Il retombé en 2021 à 7% dans l’UE et 13% aux US.
Cette création de masse monétaire a pris plusieurs formes, mais globalement les Etats ont transféré de l’argent aux ménages et aux entreprises en s’endettant auprès des banques centrales et des investisseurs institutionnels. Ces mesures ont alimenté la croissance des dépôts et de la demande, et historiquement les économistes considéraient que ces transferts ponctuels avaient un impact limité sur la consommation et les anticipations d’inflations. La raison ? les agents économiques vont plutôt épargner ou rembourser leur dette ce qui ne contribuera pas à l’augmentation de la masse monétaire et ne génèrera donc pas d’inflation. Raté…
A posteriori, on constate que dans un contexte de taux très bas, les agents économiques ont préféré dépenser l’argent, investir en bourse, voire emprunter davantage, ce qui a conduit ces transferts colossaux à augmenter la masse monétaire. Cela a contribué au niveau d’inflation que nous avons connu avec le pic qui est a priori derrière nous, et c’est également ce qui fait que cette inflation s’inscrit dans la durée.
Aujourd’hui elle décroit à un rythme trop faible pour les marchés puisque cette relative lenteur est synonyme de politique monétaire plus restrictive, plus longtemps. A ce titre les anticipations de taux maximum de la FED sont donc régulièrement relevées et repoussées par un marché plein d’optimisme. Le chômage restant bas et les profits des entreprises étant toujours au rendez-vous, on n’attend pas un relâchement rapide.
L’année dernière on craignait que l’inflation ne baisse pas assez vite, ce qui conduirait les banques centrales à avoir des taux plus hauts plus longtemps. C’est le cas et le marché monte. On redoutait également que la Chine ne soit pas le moteur de la croissance du PIB mondial pour 2023. C’est le cas avec un modeste 5% d’objectif de croissance du PIB, et pourtant le marché monte.
Il est donc difficile de se positionner aujourd’hui car on a la double impression que le train de la hausse est déjà passé et qu’il n’a pas de carburant pour aller beaucoup plus loin. Cependant, pour expliquer cette situation de marchés en hausse malgré des politiques monétaires toujours plus restrictives, je ne peux m’interdire de penser que cette inflation se retrouve aussi pour partie dans les marchés. Et de manière simpliste que le carburant de la hausse est à chercher dans la colossale masse monétaire créée depuis 3 ans.
En réussissant à combattre l’inflation dans sa composante monétariste sans casser l’économie puisque 1. Le chômage est toujours au plus bas, 2. les résultats des sociétés pour 2022 excellents et 3. les perspectives de profits pour 2023-2025 sont très optimistes, les banques centrales pourraient voir se réaliser ce scénario rêvé du soft landing.
Pour certains investisseurs la situation actuelle apparait inconfortable car ils sont paradoxalement en train d’attendre une baisse annoncée comme inévitable depuis 1 an tout en regardant un marché monter inexorablement. Et si finalement c’était ça l’atterrissage en douceur, objectif évoqué par les banques centrales il y a 1 an ? Une économie qui ne rompt pas et qui plie à peine, donnant ainsi le temps à l’inflation de baisser sous la pression de taux directeurs élevés avant d’envisager leur baisse à partir de 2024. Après tout on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise.
Thomas Fonsegrive
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