Historiquement, pour casser une spirale inflationniste ancrée dans l’économie comme cela commence à être le cas aujourd’hui aux Etats-Unis, il faut provoquer à minima un fort ralentissement de l’économie et, la plupart du temps, une récession. La crise inflationniste des années 70-80s s’est terminée de cette façon quand l’ancien président de la Réserve Fédérale (Fed) Paul Volker a maintenu des taux directeurs élevés pour briser la spirale de hausse des prix, entrainant ainsi une récession en 1982. Cette stratégie a été adoptée en suivant les recommandations de l’économiste américain Milton Friedman, ce dernier rappelant également que l’inflation est avant tout un phénomène politique.
Nous sommes aujourd’hui dans une situation similaire ; l’inflation que nous connaissons aux Etats-Unis et ailleurs provient avant tout de décisions politiques. Dans son ampleur, la relance budgétaire décidée par le gouvernement américain depuis la crise du Covid ne connait que peu d’équivalents dans l’histoire moderne ; la période d’après-guerre étant sans doute ce qui s’en rapproche le plus. Depuis 2020, le déficit budgétaire américain a été de -15.2% en 2020, -10.5% en 2021, -5.4% en 2022 et devrait avoisiner les -6% cette année (Source : Bloomberg). C’est colossal !
L’équilibre entre la politique budgétaire et la politique monétaire décidera in fine du devenir de l’inflation : tant que le gouvernement américain continuera de mener une politique budgétaire expansionniste, la Fed n’aura d’autre choix que de poursuivre sa politique monétaire restrictive pour éviter une surchauffe de l’économie et donc une poursuite de l’inflation.
L’inflation américaine est à fin septembre de 3.7% après avoir atteint plus de 9% en juin 2022, avec beaucoup de disparités entre les différents secteurs d’activité (Source : Bloomberg). La baisse des matières premières et les effets de base négatifs expliquent la grande majorité de cette baisse, mais ce n’est pas le seul facteur. La fin du choc d’offre lié à la crise du Covid a aussi permis à l’inflation sur les biens de fortement ralentir, celle-ci étant aujourd’hui proche de 0 sur les 12 derniers mois. Là aussi, la baisse des matières premières énergétiques a aidé à contenir la hausse des prix via les effets de second rang. Il faut d’ailleurs noter que les effets de base vont maintenant jouer de manière positive sur l’inflation, ce qui devrait entrainer une hausse de l’inflation liée à l’énergie et aux biens.
Le pan de l’économie qui pose encore des problèmes est celui des services avec des hausses de prix encore élevées à 5.7% au cours de l’année écoulée. Cela s’explique par la composante « OER » (« owner equivalent rent », l’équivalent loyer des propriétaires) dont les variations suivent avec retard celles constatées sur le marché immobilier. Toutefois, ce n’est pas le seul facteur explicatif. Si le secteur des services demande en effet beaucoup moins de transformation de produits que celui des biens et dépend donc moins des variations des prix des matières premières, il est en revanche beaucoup plus consommateur d’emplois. L’inflation salariale et l’inflation constatée dans le secteur des services sont donc intrinsèquement liées ; ce que l’on constate historiquement.
Il est donc logique pour la Fed de vouloir rééquilibrer la demande et l’offre d’emploi, condition nécessaire à un retour à une inflation proche des 2%. Mais la politique de la Fed n’a que peu d’impact sur l’offre d’emploi, qui elle dépend des politiques migratoires, de la démographie et des préférences de chacune des catégories des demandeurs d’emploi. Le seul levier de la Fed est donc d’essayer de jouer sur la demande d’emploi, et c’est ce qu’elle tente de faire en poursuivant une politique monétaire de plus en plus restrictive afin de ralentir l’économie.
La Fed a donc raison de poursuivre une politique monétaire restrictive afin de juguler l’inflation via une modération de l’inflation salariale, mais ce n’est pas le seul facteur qui décidera du devenir de l’inflation. Les décisions politiques seront aussi et sans doute plus importantes, que ça soit via des décisions visant à augmenter ou non l’offre d’emploi ou via des politiques budgétaires plus ou moins expansionnistes.
Concernant l’offre, après l’arrêt des flux migratoires durant le Covid, on voit que ceux-ci ont repris de manière assez vigoureuse, ce qui devrait aider à rééquilibrer le marché dans les mois qui viennent. De la même façon, la hausse du taux de participation constatée depuis quelques mois, en particulier chez la population des 55 ans et +, pousse également l’offre d’emploi à la hausse. De ce côté, cela devrait donc aider la Fed, même s’il reste encore du chemin à parcourir.
En ce qui concerne les politiques budgétaires, il est en revanche difficile d’être très optimiste dans la mesure où il est électoralement suicidaire de mener des politiques dites restrictives (hausse d’impôts, baisse des aides, etc..), à fortiori dans une année électorale comme 2024. Si l’histoire est un guide, on peut aussi noter que les périodes d’instabilité géopolitique, comme celle que nous vivons actuellement, vont souvent de paire avec des déficit budgétaires importants.
Par François Rimeu, Stratégiste sénior, La Française AM.
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