Par François Rimeu, Stratégiste sénior, La Française AM.
Un mois d’octobre tumultueux.
La hausse des taux s’est poursuivie en octobre de manière violente, spécialement aux Etats-Unis et dans les pays anglo-saxons, avec des parties longues de courbe qui ont beaucoup souffert et une « désinversion » des courbes importante. Ces mouvements s’expliquent en partie par une économie américaine toujours bien orientée avec une croissance annualisée de 4,9% au 3ème trimestre, bien au-delà des prévisions des économistes et un marché de l’emploi qui ne montre que peu de signes d’essoufflement. Les autres raisons de cette correction obligataire sont les mêmes qu’au mois de septembre : des montants d’émissions importants à digérer, des primes de terme toujours faibles et des programmes de « quantitative tightening » qui se poursuivent.
Les actifs risqués ont logiquement réagi négativement à la poursuite de la hausse des taux réels avec des marchés actions qui perdent entre 2 et 5% sur le mois et des actifs crédit qui se comportent de manière similaire. Comme illustré sur le graphique, le début du mois de novembre sera bien différent.
Ces mouvements n’ont pas été sans conséquences. Les banques centrales ont notamment été très vocales concernant la hausse des taux longs, indiquant que cela participait à durcir les conditions financières et donc faisait baisser la nécessité pour elles de poursuivre leur cycle de hausse des taux. Ce constat est vrai aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, hormis des surprises significatives à la hausse sur l’inflation dans les mois qui viennent.
Le mois d’octobre a aussi évidemment été marqué par le conflit au Moyen Orient dont une issue à court terme parait très improbable. Pour le moment, aucune conséquence pour les marchés et cela sera probablement le cas tant que le conflit ne s’étendra pas. L’histoire nous apprend en effet que les conséquences de ce type d’évènements sont, dans la majorité des cas extrêmement faibles, sauf en cas d’impact significatif sur les matières premières. Avec une guerre toujours en cours entre l’Ukraine et la Russie, c’est un deuxième conflit armé d’envergure qui s’ouvre ici, et là encore, dans une zone potentiellement déstabilisatrice pour les matières premières énergétiques.
Le mois d’octobre à peine terminé, une série d’évènements a ensuite provoqué un rebond obligataire d’une violence rare, entrainant l’ensemble des classes d’actifs :
- Annonce le 01/11 de la composition du programme d’émissions du trésor américain (« QRA ») avec globalement des émissions moins fortes que ce qu’estimait le marché.
- ISM Manufacturing très décevant à 46,7.
- FOMC qui n’apprend pas grand-chose, mais qui est vu comme rassurant par le marché.
- Chiffres de création d’emploi en dessous des attentes (mais potentiellement difficile à lire en raison des fortes grèves du mois d’octobre).
Un rebond bienvenu, mais une situation macro-économique toujours incertaine.
Que le marché ait besoin de respirer après la très forte hausse des taux, c’est logique, et que cela entraine l’ensemble des autres marchés, c’est là aussi logique. Mais l’ampleur et la rapidité du mouvement laissent perplexe. Le scénario du marché semble être revenu à un « soft landing » idéal, où l’inflation revient sans heurts proche de la cible des banques centrales et ce avec une croissance faible mais sans récession. Pas impossible bien sûr, mais selon nous, pas le scénario le plus probable.
Le plus probable, c’est une inflation persistante, autour des 3-4%, tant que l’inflation salariale demeure aussi forte. Les chiffres de NFP décevants de début novembre ne doivent pas masquer les autres chiffres d’emploi qui continuent de dépeindre une situation globalement rassurante (claims, Jolts, Challenger..). Même en zone Euro où la situation macro reste moribonde, la persistance des pressions salariales est toujours au cœur des préoccupations de la BCE. Isabelle Schnabel l’a rappelé début novembre avec des négociations salariales qui aboutissent encore à des hausses substantielles de salaires.
Tout cela devrait forcer les banques centrales à maintenir des taux élevés plus longtemps que ce que le marché estime aujourd’hui et ce tant que le marché de l’emploi ne « casse » pas, ce qui ne semble pas être pour tout de suite. Et au risque de nous répéter, les dynamiques budgétaires des états auront un impact important sur la résistance de l’économie et du marché de l’emploi aux hausses de taux. Sur ce dernier point, le mois d’octobre a vu la Chine (140 mds de $), le Japon (113 mds de $) ou encore les Etats-Unis (100 mds de $, pas encore voté, en lien avec les différents conflits) poursuivre des stratégies de relance qui ne feront que prolonger le cycle.
La prudence reste donc de mise, surtout après le très violent rebond de début novembre, les risques géopolitiques (et donc sur pétrole et Gaz) et une saison d’annonces de résultats pour le moment assez peu rassurante, que ça soit en termes de chiffre d’affaires ou en termes de « guidance ».
Perspectives pour les mois de novembre et décembre
- Actions - Nous restons toujours prudents sur les actions avec une préférence pour les actions US. La saison des résultats n'est pas de très bonne facture jusqu'ici selon nous, avec un risque de révisions à la baisse important pour les trimestres qui viennent.
- Crédit - Les bilans des entreprises restent sains et les montants de dette à refinancer sont malgré tout assez faibles à court terme. Préférence marquée pour les parties courtes de courbe.
- Taux - Une neutralité globale qui masque là aussi une forte préférence pour les parties courtes de courbe, ainsi que pour les obligations indexées vs nominales. nous favorisons la dette européenne relativement à la zone américaine.
Nous maintenons des enveloppes de risques prudentes malgré une saisonnalité historiquement positive. La volatilité des parties longues de courbe de taux reste très élevée, avec des courbes toujours inversées malgré le mouvement récent, ce qui nous amène à conserver une préférence pour les parties courtes de courbe. Les marchés actions ne nous semblent pas encore refléter les politiques monétaires restrictives des banques centrales et les risques pesant sur les marges et donc les bénéfices dans les trimestres qui viennent.
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