Avant que le président Joe Biden ne renonce à sa réélection, Donald Trump était en tête des sondages en vue des élections américaines de novembre. Même s’il est encore tôt et que le candidat démocrate vient tout juste de changer, il convient d'examiner ce qu'un second mandat de Trump pourrait signifier pour l'économie mondiale et les marchés obligataires.
Jusqu'à présent, la principale hypothèse était qu'une présidence Trump entraînerait plus de croissance et d'inflation, des rendements plus élevés et une courbe des bons du Trésor américain plus raide. Les droits de douane proposés augmenteraient la pression sur les prix à un moment où la question de l'inflation n'est peut-être pas totalement résolue. Les réductions d'impôts pourraient également être inflationnistes et avoir pour effet supplémentaire de maintenir le déficit budgétaire à un niveau élevé – ce qui se traduirait par une augmentation des émissions obligataires plus fortes qu’attendues ainsi qu’un facteur technique négatif pour les bons du Trésor.
S'il faut reconnaître les mérites de ce scénario, il y a de nombreuses autres variables à prendre en compte. Tout d'abord, il ne faut pas négliger la composition du Congrès. Il suffit que les démocrates ne contrôlent qu'une des deux chambres (la Chambre des représentants ou le Sénat) pour que la capacité de Trump à changer radicalement la politique des États-Unis soit réduite. Le dernier accord sur le plafond de la dette, conclu il y a deux ans après des semaines d'incertitude sévère, a abouti à une suspension de sa limite jusqu'en janvier 2025, elle sera donc amenée à être renégociée. De plus, lors de toute élection, toutes les initiatives présentées pendant la campagne ne sont pas appliquées. Certaines peuvent être mises en œuvre par décret, mais pas la majorité.
Les droits de douane étaient peut-être le point central de la politique économique de l'administration Trump, et ils pourraient bien l'être à nouveau, avec la proposition d’une taxe de 10 % sur toutes les importations et de 60 % sur les produits chinois. Toutefois, la réaction des marchés à l'augmentation ou à l'introduction de nouveaux droits de douane est sujette à caution. Pendant la présidence de Trump, l’escalade de la guerre commerciale avec la Chine a généralement été suivie d'un rallye sur les bons du Trésor : plutôt que de porter leur attention sur l'impact inflationniste de ces mesures, les marchés s’étaient concentrés sur les tensions géopolitiques, qui sont mauvaises pour la croissance mondiale, et sur les bons du Trésor qui sont l'instrument de l’aversion au risque mondial. Cette fois-ci, Trump peut faire face à un marché obligataire moins amical si les investisseurs restent préoccupés par l'inflation. Cependant, le marché est de plus en plus à l'aise avec l'inflation et, au moment où une guerre commerciale avec la Chine serait déclarée, la croissance et l'emploi, plutôt que l'inflation, pourraient être au centre des préoccupations– toute flambée provoquée par cette guerre commerciale pourrait être à nouveau suivie d’une envolée des bons du Trésor américain en cas d'aversion au risque.
Cela nous amène à un point crucial : quel que soit le thème principal de la course à la Maison Blanche – commerce, immigration, âge des candidats – la Fed reste guidée par les données. Son double mandat, à savoir l'inflation et le plein-emploi, a été le moteur des marchés financiers après la pandémie de Covid-19 et continuera de l’être. Cela a été démontré clairement la semaine dernière dans la réaction aux données sur l'inflation américaine plus faible qu’attendue, qui a entraîné un rallye de points de bases à deux chiffres sur les actions américaines et d'un point de pourcentage sur le crédit High Yield. La politique fiscale est certainement l'un des facteurs que la Fed prend en compte lorsqu'elle définit sa politique, mais uniquement dans la mesure où elle affecte les perspectives macroéconomiques.
Les dernières données sur l'inflation montrant des signes encourageants et le marché du travail s’apaisant également, les contrats à terme prévoient maintenant que la Fed procédera à trois réductions de taux de 25 points de base chacune d'ici la fin de l'année (contre une seule en avril), tandis que le rendement des bons du Trésor à 10 ans est 50 points de base plus bas que son pic d'avril – tout cela alors que Trump grimpe dans les sondages. Six autres publications sur l'inflation et l'emploi sont attendues avant l'investiture du prochain président. Ce sont ces publications, ainsi que les actions et la rhétorique de la Fed qui seront la principale influence sur des marchés obligataires.
Au cours des deux dernières années, la courbe des taux a été l'une des principales sources de volatilité pour les investisseurs obligataires.
Une éventuelle présidence Trump peut entraîner une volatilité supplémentaire, mais s'il existe un scénario dans lequel la courbe s'établit à des niveaux de rendement plus élevés, l'impact exact est incertain.
Pour l'heure, l'inflation et l'emploi restent les principaux thèmes et ceux-ci évoluent dans le sens prédit par la Fed, ce qui se traduira à terme par des baisses de taux. Nous pensons que les bons du Trésor américain vont continuer à se négocier dans une certaine fourchette, et qu'à ces niveaux, ils offrent une bonne couverture en cas d'aversion au risque. Toutefois, comme nous pensons que le portage sera le principal moteur des rendements dans les mois à venir, le crédit devrait continuer à surperformer les obligations d'État.
Dillon Lancaster, Gérant chez TwentyFour AM (Boutique Vontobel)
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