Julien Eberhardt, gérant de fonds au sein de l’équipe Invesco Fixed Income Europe, partage ses réflexions sur les principaux obstacles qui ont affecté la performance du marché obligataire en 2024.
2024 s’avère être une nouvelle année animée sur les marchés obligataires. Maintenant que nous sommes à mi-année, sur quel axe avez-vous décidé de vous centrer au sein de vos portefeuilles ?
Je pense qu’il faut commencer par évoquer les taux d’intérêt. Nous accordons beaucoup d’attention à la duration et aux banques centrales. Les rendements des obligations gouvernementales évoluent dans une fourchette assez large comme l’an passé. Dans cet environnement volatil, l’orientation générale est celle de taux élevés. Les marchés sont passés de l’intégration de six baisses des taux de la Fed en 2024 à l’idée qu’il n’y en aura peut-être même pas une seule. Les choses ont été un peu plus stables sur le marché des taux européens, mais nous sommes quand même passés d’anticipations de baisses des taux de près de150 pb à seulement 50 pb.
Á mon avis, il est raisonnable de penser que la BCE abaissera ses taux avant la Fed, même si cela ne s’est pas souvent produit par le passé. Le contexte macroéconomique facilite la tâche de la BCE. La croissance étant plus lente, la BCE a davantage de raisons d’abaisser ses taux, et la baisse d’inflation attendue lui confère une marge de manœuvre. Le marché intègre une première baisse des taux dans les prochaines semaines.
Je suis heureux de détenir de la duration à ce stade. Si les taux se maintiennent en l’état, le rendement obtenu sera honorable. Si les anticipations de baisses des taux augmentent, nous bénéficierons du rendement du capital.¹ La duration modifiée de l’Euro Corporate Bond Fund est de 5,3, ce qui est légèrement supérieur au marché (l’indice ICE BofA Euro Corporate est de 4,5).
Qu’en est-il des taux américains ?
Je possède très peu de duration en USD en portefeuille. La croissance résiste bien et les retombées continues des mesures de relance budgétaire font craindre le risque que l’inflation ne reste durablement plus élevée. Je suis donc plus optimiste vis-à-vis des taux européens. Mais il est important de rappeler que ne pas détenir de duration en USD ne veut pas dire que le marché des bons du Trésor n’influence pas votre portefeuille. Le marché du Trésor joue toujours un rôle important. Si les bons du Trésor subissent un fort mouvement, les Bunds en seront impactés.
Êtes-vous également optimiste à l’égard du risque de crédit ?
Je suis satisfait du rendement du marché du crédit et certaines obligations individuelles me paraissent intéressantes, mais il est difficile de dire si elles se trouvent sur des niveaux de marché attractifs au point de renforcer le risque de crédit. Les spreads se sont nettement resserrés. J’ai bien conscience que le rendement relève davantage des taux que des spreads. Je pense qu’il faut être prudent et éviter les problèmes. Je crains que nous nous trouvions au début d’une période de tensions sur le marché du crédit. Les conditions économiques sont meilleures que prévu, mais la conséquence moins positive est que les taux restent élevés plus longtemps. C’est un obstacle pour les entreprises qui refinancent leur dette.2
Comment votre vision du crédit se traduit-elle au sein de votre portefeuille ?
Mon objectif au sein de l’Euro Corporate Bond Fund est de générer un bon rendement et un bon rendement ajusté du risque grâce à une gestion active.3 Notre mandat nous autorise une certaine souplesse, mais la classe d’actifs principale est celle des obligations d’entreprises de qualité « investment grade ». Comme je suis devenu plus prudent à l’égard de la valorisation du crédit, j’ai ajouté un peu de liquidités au portefeuille ainsi que des émetteurs de meilleure qualité, mieux notés, réduisant donc progressivement l’exposition aux segments les plus risqués du marché.
Le portefeuille contient des obligations d’entreprises de court terme ainsi que des liquidités. Cela réduit la volatilité et me permet d’obtenir un rendement qui demeure raisonnable. Les obligations de court terme sont pour la plupart des titres à très faible risque de crédit, elles rapportent d’après moi 4,4 % (aidées par des taux à court terme plus élevés), ce qui me semble acceptable.
J’ai également ajouté des titres bancaires senior au portefeuille. Mon exposition à ce secteur n’a quasiment jamais été aussi élevée. C’est un pari sur la valorisation. J’obtiens un rendement un peu inférieur sur les titres senior, mais je pense que la réduction du risque liée au fait que ces titres sont placés haut dans la structure du capital, ainsi que la qualité des titres que je détiens, en font une option attrayante sur la base du risque/rendement.
Cela signifie-t-il que vous vous inquiétez pour les dettes bancaires subordonnées ?
Non, je suis plutôt positif à l’égard des banques. Le secteur se porte bien. Je ne fais qu’améliorer la qualité de mon allocation. J’ai réduit de 2 % les AT1, ce qui ramène à 13 % l’allocation totale aux banques subordonnées. J’ai probablement réduit trop tôt. Mais les banques sont sensibles à la croissance et je souhaite également disposer d’une certaine marge de manœuvre en cas de ralentissement.
L’une des caractéristiques de notre sélection dans le secteur bancaire est que nous avons réduit l’exposition aux titres allemands. Nous avons tendance à privilégier les grandes banques aux activités diversifiées, car les bilans de ces banques ne devraient pas être pénalisées par la faiblesse d’un secteur économique particulier. Certaines des plus petites banques allemandes sont un peu plus exposées au marché immobilier. Nous n’en détenons aucune, mais nous nous méfions également des éventuelles répercussions sur les grandes banques allemandes si les petites banques venaient à rencontrer des difficultés. Il s’agit pour moi davantage d’une stratégie de gestion des risques plutôt que d’un point de vue arrêté sur des titres de crédit individuels.
Si vous êtes prudent en matière de risque de crédit, pourquoi avez-vous toujours des entreprises à haut rendement en portefeuille ? Il s’agit d’un mandat « investment grade » après tout ?
Nous en détenons un peu moins de 2 %, mais vous avez raison, ce pourcentage pourrait être nul.
La première chose que je dirais, c’est que je suis à l’aise avec notre exposition au secteur du haut rendement. Ce sont des titres de bonne qualité, avec pour la plupart une maturité assez courte. Je suis heureux de les conserver jusqu’à ce qu’ils arrivent à maturité.
Je voudrais également vous faire part d'une vision plus large. Nous tenons compte des notations de crédit externes et nous aimons apprendre du travail effectué par les agences de notation, mais nous ne sommes pas esclaves des notes. Nous effectuons avant tout un travail de sélection des obligations et nous avons cette souplesse qui nous permet de regarder au-delà de l’univers « investment grade ».
Vous pouvez observer à quel point la sélection d’obligations prime dans notre approche d’une autre manière. Nous nous méfions de l’immobilier, en tant que secteur. J’ai évoqué notre positionnement sur les banques allemandes. Mais nous avons ajouté quelques titres immobiliers ces deux derniers trimestres, sur la base de nos recherches sur les fondamentaux en matière de crédit. Il s’agit d’une diversité de titres, certains sont issus de parties du secteur que nous jugeons plus solides, comme l’entreposage, et les autres titres sont plus diversifiés, leurs valorisations sont faibles et donc attrayantes désormais. Je n’irais pas jusqu’à dire que nous détenons les titres les plus risqués du secteur, mais nous sommes heureux d’être impliqués dans les segments où nous pouvons trouver des opportunités.
Vous avez relevé le niveau de liquidité du fonds. Selon vous, qu’est-ce qui pourrait vous inciter à investir ces liquidités ?
Avant de vous dire dans quel segment je les investirai, je tiens à souligner que le coût d’opportunité de la détention de liquidités est désormais plus faible. Les liquidités détenues en portefeuille rapportent déjà 3,5 % en termes secs.
Je vois deux scénarios dans lesquels une position davantage axée sur le risque serait attrayante. Pour le premier scénario, il faudrait savoir si la croissance solide durable aux États-Unis rendrait l’inflation plus tenace. Nous pourrions assister à une (nouvelle) réévaluation de l’évolution des taux d’intérêt américains et à un élargissement des spreads à mesure que le marché commence à perdre confiance dans le discours d’un « atterrissage en douceur ». À l’inverse, si la croissance commence à décevoir, les marchés pourraient craindre que les banques centrales prennent du retard sur la courbe, que les mesures de relance budgétaire aux États-Unis aient joué un rôle plus important dans la croissance et que l’économie soit au bord du précipice. Cela pourrait être favorable aux taux, mais très défavorable aux spreads.
Dans cet environnement, je suis à l’aise avec le niveau raisonnable de rendement disponible sur le marché et avec une certaine prudence en matière de risque de crédit. Globalement, suite aux hausses de taux, nous nous trouvons dans un environnement favorable aux obligations. Mais je pense qu’il pourrait y avoir de meilleures opportunités si nous étendons la portée du risque.
1 Veuillez noter qu’il n’existe aucune garantie en ce qui concerne l’atteinte des objectifs mentionnés
2 Les avis et opinions sont basés sur les conditions actuelles du marché et sont susceptibles de changer.
3 Veuillez noter qu’il n’existe aucune garantie en ce qui concerne l’atteinte des objectifs mentionnés.
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