Bel et bien enclenché, le cycle de baisse des taux directeurs va se prolonger une bonne partie de l’année 2025, sans pour autant revenir à l’environnement d’avant 2022. Au cours des prochains mois, les investisseurs ont intérêt à saisir les opportunités de marché sur la partie courte de la courbe des taux, en se montrant particulièrement sélectifs sur la qualité des émetteurs.
« En baissant leurs taux d’intérêt directeurs, la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) donnent enfin le signal que la bataille contre l’inflation est sur le point d’être gagnée. La forte hausse de l’inflation à partir de 2022 a obligé la Fed et la BCE à relever les taux à un rythme inédit » souligne Maxime Mura, gérant Taux & Crédit IG. Intense et synchronisé des deux côtés de l’Atlantique, ce resserrement monétaire et les mesures de « Quantitative Tightening » prises pour réduire le bilan des deux institutions monétaires ont été néanmoins assez efficaces pour contenir les tensions inflationnistes et se rapprocher peu à peu de la cible de 2%. Mais dans un environnement global instable, dominé par les tensions géopolitiques et la perspective de l’élection présidentielle américaine début novembre, les taux d’intérêt devraient également rester plus volatils à court terme et élevés sur longue période.
« Nous ne reviendrons pas au monde d’avant 2022 avec des taux d’intérêt proches de zéro ; les taux retrouveront leurs niveaux observés avant la crise financière de 2008 » avance Béatrice Guedj, directrice de la Recherche et de l’Innovation. Les banques centrales devront également relever le défi climatique. Selon des travaux de la BCE, l’introduction d’une taxe carbone, quel que soit le scénario en vigueur*, entraînerait une inflation plus élevée (« green inflation »). Si la technologie passée a été déflationniste, les travaux de recherche récents montrent que le nouveau cycle lié à la révolution en cours et à l’IA est plus inflationniste, en lien avec une offre de capital humain inélastique pour les secteurs à haute valeur ajoutée et une demande mondiale sur des matières premières clés plus élevée contre des ressources contraintes. « A moyen terme, la fragmentation, la souveraineté et les risques géopolitiques associent potentiellement plus de chocs d’offre et une inflation potentiellement plus volatile, ce dont les banques centrales ont également conscience » ajoute Béatrice Guedj.
Le rythme soutenu des émissions obligataires se poursuit en zone euro
En attendant, l’objectif d’inflation est donc à portée de main aussi bien aux Etats-Unis qu’en zone euro. Les déclarations récentes de Jerome Powell et de Christine Lagarde confirment le nouveau positionnement des banques centrales qui ont tourné la page d’un cycle de hausse de taux inédit entre 2022 et 2023. « La BCE a tout de même procédé à 10 mouvements de hausse, portant le taux de dépôt à 4%, avant de procéder à une première baisse en juin. Les banques centrales desserrent l’étreinte**. Nous pensons que les taux directeurs devraient ainsi poursuivre leur mouvement de baisse pour atteindre un taux plancher de 2,25% pour la BCE d’ici la fin du premier semestre 2025 et de 3,25% pour la Réserve Fédérale à la mi-2025 » prévient Maxime Mura, gérant Taux & Crédit IG.
Ce mouvement durable de baisse des taux n’empêche pas les taux courts de rester à des niveaux élevés (l’Euribor 3 mois se négocie à 3,28%, le 12 mois à 2,75%***). Un contexte favorable aux fonds monétaires dont les encours sont repartis à la hausse. L’écart des primes de risque entre les titres à 1 an et à 3 ans sont désormais installés à des niveaux faibles, inférieurs à 25 points de base. Dans ce contexte, les émetteurs monétaires affichent des primes de risque historiquement élevées. Or, la classe d’actifs est largement diversifiée, avec une dominante de valeurs financières, et les émetteurs globalement très bien notés. « Les investisseurs ont ainsi intérêt à bénéficier de ces placements liquides en profitant des opportunités offertes par l’inversion de la courbe des taux. A condition de privilégier les émetteurs et les secteurs de qualité » estime Yann Verrier, gérant Taux & Crédit IG. Si le rendement des obligations européennes Investment Grade (IG) et High Yield (HY) sont positifs depuis le début de l’année (respectivement de 3,55 et 6,9%****), les marchés actions continuent néanmoins de faire la course en tête au niveau européen (+10% pour l’Euro Stoxx 50). Du côté de l’offre, les émissions primaires gardent un rythme soutenu et le record de 2023 (au-dessus de 1.200 Mds€ pour le volume enregistré sur le compartiment IG en euro) devrait être battu cette année.
Dette française : une prime de risque désormais positive par rapport à l’indice IG Euro
Cette bonne santé des marchés obligataires ne doit pas éclipser les tensions liées à l’augmentation du coût de la dette française. Après la dissolution de l’Assemblée nationale, le 9 juin, le spread entre la France et l’Allemagne (OAT vs. Bund) a brusquement augmenté pour atteindre 80 points de base. Pour financer sa dette, la France se retrouve dans le peloton des pays du sud de l’Europe, empruntant à 10 ans à un taux supérieur à celui du Portugal, comparable à celui de l’Espagne et encore légèrement inférieur à celui de la Grèce. Cela n’a eu qu’un impact mesuré sur la prime de risque des émetteurs IG français. Elle s’est certes écartée comparée à l’univers IG Euro mais dans des proportions plus limitées que le spread OAT Bund.
Outre la hausse brutale du coût de financement de la dette souveraine française, le secteur automobile européen dans son ensemble est également sous pression alors que 75% des constructeurs notés IG et 60% des émetteurs notés HY ont ainsi revu leurs prévisions de résultat à la baisse au cours des six derniers mois. « L’inflation a érodé les budgets des ménages et incité ces derniers à repousser l’achat d’un nouveau véhicule. En outre, la demande pour les voitures électriques est particulièrement faible en 2024 alors que les constructeurs ont engagé leurs forces dans la bataille pour préparer 2035 et l’interdiction de la vente de voitures thermiques dans l’Union européenne à cette échéance. Le secteur automobile a vu sa prime de risque augmenter significativement et passer en territoire positif comparé à l’univers IG Euro. Le poids de ce secteur reste mesuré dans un indice IG Euro et ne devrait pas provoquer d’inquiétude généralisé sur le marché du crédit en Europe » relève Edouard Faure, responsable du département Crédit France.
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