Rebond limité des marchés américains : Ces douze derniers mois, les marchés boursiers ont affiché des performances exceptionnellement bonnes, avec en tête, le marché américain : ainsi, l’indice S&P 500 a enregistré une hausse de près de 25 %, et le premier semestre de l’année courante a connu une des croissances les plus spectaculaires de ces 25 dernières années. Néanmoins, la base de cette reprise est assez limitée, puisqu’un tiers de la récente envolée des cours est dû au seul titre de Nvidia, et que les trois quarts sont à mettre au compte des six plus fortes valeurs de la Tech.
Pour que cette dynamique se maintienne, il faudrait qu’elle s’appuie sur une assise plus large, en particulier dans le contexte des récentes nouvelles, plutôt mitigées, concernant l’intelligence artificielle (IA). S’attendre à une croissance des bénéfices à deux chiffres semble par conséquent relever d’une vue exagérément optimiste. Et de fait, les choses sont présentées sous un jour trop flatteur : en matière de crédits, de volatilité et de positionnement, la situation est tendue. Et même si l’inflation finit par reculer clairement, les consommateurs continuent de la percevoir comme un problème majeur.
Le chômage en hausse menace les dépenses de consommation
Certes, le marché du travail américain continue de bien résister : les données du marché de l’emploi indiquent que 200’000 à 300’000 nouveaux emplois sont créés chaque mois. Et pourtant, le nombre de postes vacants diminue et l’immigration bat son plein. Le taux de chômage officiel est passé de 3,4 % en avril 2023 à aujourd’hui 4,1 %.
Un chômage en hausse affecte la consommation et incite les consommateurs potentiels à se tourner vers l’épargne. Aux États-Unis, le taux d’épargne actuel est cependant deux fois moins élevé qu’avant la pandémie, alors que les dépôts bancaires ont retrouvé leur niveau d’alors. Aujourd’hui, les ménages les plus défavorisés disposent de moyens plus restreints qu’en 2019.
Des normes de crédit plus strictes
Aux États-Unis, le taux de défaillance des cartes de crédit et des crédits automobiles se situe au même niveau qu’en 2010, lorsque le pays affichait un taux de chômage de 10 %. Les banques ont resserré leurs normes d’octroi de crédit. Les taux d’intérêt des prêts à la consommation et des cartes de crédit atteignent des niveaux records (taux d’intérêt pour cartes de crédit : 21,6 %). Malgré l’engouement pour l’IA, les dépenses d’investissement qui y sont allouées restent faibles, et s’agissant des mises en chantier de centres commerciaux, les investissements sont à leur plus bas niveau depuis 12 ans.
Il y aura un nouveau resserrement de la politique monétaire, car pour les emprunteurs, le coût réel du crédit est plus déterminant que les taux d’intérêt officiels. Les taux d’intérêt hypothécaires moyens sont inférieurs de 300 points de base au taux dû pour les nouvelles hypothèques.
Dans l’ensemble, les données nous parvenant des États-Unis sont décevantes : le chiffre d’affaires de la vente au détail, les projets d’investissement et les mises en chantier du secteur BTP vont tous en décroissant. Bon nombre de ces développements seront probablement interprétés comme la manifestation d’un atterrissage en douceur, plutôt que comme symptômes d’une récession. Les actions internationales sont corrélées au dollar américain. Actuellement, elles parviennent encore à se maintenir malgré la force de ce dernier.
Sur le plan économique, les États-Unis et l’Europe s’éloignent l’un de l’autre
Le choc énergétique occasionné par la guerre en Ukraine avait affecté l’Europe plus durement que les États-Unis : l’inflation avait pris l’ascenseur et avait fait chuter les revenus réels. Entre-temps, les prix du gaz naturel ont toutefois baissé de 90 % par rapport aux sommets atteints à la mi-2022, et la politique restrictive adoptée par la Banque centrale européenne en matière de rendements nominaux et réels a permis d’endiguer l’inflation, tandis que les salaires réels se rétablissent progressivement.
Par ailleurs, et contrairement aux États-Unis, les ménages européens disposent encore d’une épargne importante (12,5 % du PIB). Celle-ci s’est accrue durant la pandémie et viendra soutenir la consommation. Les indicateurs de sentiment tels que le baromètre ZEW (Centre Leibniz pour la recherche économique européenne) et les enquêtes de conjoncture Ifo sont positifs. En revanche, l’indicateur du sentiment économique (Economic Sentiment Index) de la Commission européenne est en baisse, et l’indice PMI du secteur manufacturier montrait une tendance négative en juin. Le recul du nombre de postes vacants est en même temps un signe indiquant que la dynamique positive du marché du travail pourrait ne pas se maintenir.
En dépit des progrès réalisés, les marchés européens des capitaux restent à la traîne des États-Unis
Au cours des douze derniers mois, l’Europe n’est pas parvenue à suivre le rythme des États-Unis, mais la politique française pourrait nous amener à avoir un regard plus positif sur l’Europe. Le niveau d’endettement reste toutefois élevé : en France, il représente 112 % du PIB, en Italie 137 % et en Grèce 162 %. Le déficit public de la France se montera à plus de 5 % en 2024 et 2025.
La capitalisation boursière des États-Unis s’est dissociée de celle des autres marchés. Le redressement observé aux États-Unis s’explique par le fait que le gouvernement pourvoit les consommateurs et certains secteurs favorisés de liquidités, et que les capitaux mondiaux sont fortement orientés vers les entreprises américaines de la Tech, ainsi que le domaine de l’intelligence artificielle. Le dollar américain est associé à près de 90 % des transactions financières mondiales.
Depuis 2007, les actions de la zone euro libellées en euros ont perdu 71 % de terrain sur les actions américaines. Les actions européennes ont souvent produit de moins bons résultats que leurs homologues américaines, mais elles ont aussi connu des périodes de surperformance, comme à la fin des années 1980 et entre 2002 et 2007. En Europe, il existe un trop grand nombre de petites entreprises présentant une productivité trop faible. Alors que 59 % des entreprises américaines comptent plus de 250 employés, cette part n’est que de 48 % en France, 43 % en Allemagne et même de seulement 24 % en Italie.
L’UE a contribué à réduire la fragmentation entre les marchés, mais la diversité des lois, des coutumes, des cultures et des langues continue à créer des tensions. Les marchés européens des capitaux manquent de profondeur et de liquidité par rapport aux États-Unis, et le dollar américain occupe une position dominante dans les flux de capitaux (à savoir 60 %, contre 20 % pour l’euro). Au cours des trois dernières décennies, l’Europe a investi 4’800 milliards de dollars de moins que les États-Unis. « L’Amérique innove, la Chine copie, l’Europe règlemente » est une formule qui résume sans doute assez bien les différences culturelles.
L’Europe pourrait néanmoins tirer parti des facteurs cycliques, avec des dépenses d’investissement se concentrant sur les régions proches (et sur celles situées en dehors de la Chine). Les réductions d’impôts et les subventions (c’est-à-dire « l’Inflation Reduction Act » aux États-Unis, portant sur un montant de 360 milliards de dollars, et les 270 milliards d’euros du plan industriel européen du Green Deal) auront finalement un impact positif, car la production européenne y est axée sur l’industrie, les produits de base et l’énergie.
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