À l’heure d’écrire ces quelques lignes, le projet de budget 2025 est examiné par le Sénat et celui-ci pourrait revenir sur certaines économies initialement présentes dans le texte. La commission européenne a de son côté apporté son soutien au gouvernement en saluant ses efforts de rigueur alors que Marine Le Pen menace de faire tomber le gouvernement en votant une motion de censure avec la gauche si certaines mesures ne sont pas retirées (augmentation des taxes sur l’électricité notamment).
La France affronte en ce moment une crise politique comme elle n’en a que rarement connu sous la Ve République alors que sa situation économique est, elle aussi, préoccupante. Les derniers indicateurs PMI1 pour la France montrent en effet une situation qui se dégrade encore avec peu de chance de voir cette tendance négative s’infléchir à court terme.
Depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale en juin dernier, les actifs français ont logiquement assez largement sous-performé leurs homologues européens :
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Du 10 juin au 26 novembre, le CAC 40 a reculé de -8,3 % alors que le Stoxx 600 n’affiche qu’une baisse de -2,3 %.
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Sur cette même période, la dette française a aussi été sous pression :
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Le spread entre OAT (dette française à 10 ans)2 et bund (dette allemande à 10 ans) est passé de 0,47 % à 0,82 % ;
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Le spread entre les taux espagnols à 10 ans et l’OAT est passé de 0,25 % à -0,10 % ;
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Le spread entre les taux Italiens à 10 ans et l’OAT est passé de 0,84 % à 0,44 %.
Les questions qui se posent aujourd’hui sont donc les suivantes : quels sont les scénarios envisageables et quels sont les impacts potentiels ?
Nous voyons deux scénarios principaux possibles avec de multiples ramifications ensuite :
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Soit les efforts consentis sur le budget ne sont pas suffisants au goût du RN et amènent la motion de censure à passer.
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Soit le gouvernement Barnier fait passer un budget, plus ou moins amendé, via l’article 49.3 de la Constitution et survit à une potentielle motion de censure (avec sans doute un Rassemblement National (RN) qui s’abstiendrait de la voter) ;
Avant de nous pencher sur ces scénarios et les impacts, il est utile de rappeler certaines données concernant la France :
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Dette / PIB : 112,7%
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Déficit budgétaire 2024 estimé : -6,2 %
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Déficit primaire 2024 estimé : -4 % (le pire de la zone euro avec la Slovaquie ; à titre de comparaison, l’Italie est à -0,4 %)
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Hypothèse de croissance 2025 pour le budget (issu du PLF) : +1,1 %
Cas 1 :
Nous estimons aujourd’hui la probabilité de voir le gouvernement Barnier ne pas résister à une motion de censure à 50 %. Les banques d’investissement semblent un peu plus optimistes que nous avec une probabilité autour de 30 % en moyenne. Dans cette hypothèse, il nous semble probable de voir dans un premier temps le spread OAT vs Bund passer à 95-100 bps et les actions françaises sous-performer les autres indices européens de 2 à 3 %.
La suite logique serait a priori l’activation de l’article 47 de la Constitution avec un gouvernement (nouvellement nommé donc) mettant en œuvre sa politique (et donc le budget) par ordonnance. Toutefois, il faut noter que cela ne serait possible que dans le cas d’un parlement qui aurait échoué à se prononcer. Or, un parlement qui rejette un texte est un parlement qui se prononce, ce qui rendrait cette disposition inapplicable. La suite est un débat de constitutionnalistes, ce que nous ne sommes pas, et qui verrait s’ouvrir une période très incertaine (pour plus de détails : « On est vraiment dans l’inconnu » : le scénario d’une Assemblée incapable de voter le budget agite les constitutionnalistes - Public Sénat (publicsenat.fr)).
Nous sommes au précipice d’une période très incertaine, sans doute encore une fois négative pour les perspectives de croissance, avec peu de chance de voir la situation se stabiliser avant les élections en juillet. Dans ce contexte, les agences de notation seraient logiquement sévères avec la France avec une probable dégradation de sa notation.
Cas 2 :
Dans le 2ème cas, celui où le gouvernement Barnier arriverait à survivre à une motion de censure, il y aurait inévitablement un soulagement et donc un rebond des actifs français. Un retour autour de 70bps sur le spread OAT vs Bund nous semble envisageable ainsi qu’une légère surperformance des actions françaises, de l’ordre de 1-2 %. Mais ce soulagement risque d’être d’assez courte durée :
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Tout d’abord parce que cette survie serait liée à des annulations de baisses de dépenses et que cela fera mécaniquement remonter les estimations de déficit budgétaire 2025 (aujourd’hui à -5 % dans le meilleur des cas) ;
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Ensuite parce que ces calculs de déficit reposent sur une hypothèse de croissance de 1,1 % en 2025 et que cela nous semble très optimiste. Une croissance autour de 0,6-0,7 % nous semble malheureusement plus réaliste ;
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Et enfin parce que le spectre de nouvelles élections en juillet prochain devrait de toute façon limiter grandement la volonté des investisseurs d’augmenter leurs allocations aux actifs français.
Et même si les agences de notation donnaient du temps à la France, cela ne ferait sans doute que décaler la perte du AA à plus tard, une fois les objectifs de déficit non atteints en raison de cibles de croissance trop optimistes.
Vous l’aurez compris, nous restons aujourd’hui très prudents sur les actifs français. Les challenges à surmonter pour l’économie française sont vertigineux : vieillissement de la population, endettement, manque de productivité, etc. sans compter le fait que ces problèmes sont présents dans la plupart des économies européennes et que la situation géopolitique est pour le moins instable.
1 Indicateur composite de l'activité manufacturière d'un pays
2 Obligation Assimilée du Trésor
Par François Rimeu, Stratégiste Senior, Crédit Mutuel Asset Management
Source données : Bloomberg
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