Selon François Pradel, directeur de l’offre Back-office Asset Management de Linedata, « le manque de liquidité sur les marchés obligataires encourage les investisseurs à faire évoluer leurs pratiques ».
"Les marchés obligataires connaissent depuis quelques années une situation plutôt paradoxale : les liquidités n'ont jamais été aussi abondantes […] et pourtant ils souffrent de sévères problèmes d'illiquidité. En conséquence, de récents chocs de marché sont venus troubler le paysage. Aux Etats-Unis, les taux longs ont grimpé de plusieurs dizaines de points de base en quelques minutes en octobre dernier. Plus récemment, fin avril-début mai, le Bund a gagné près de 100 points de base en quelques jours. […]
Professionnels et institutions internationales sont unanimes pour désigner la principale cause de ce trouble : la bien moindre présence des teneurs de marchés, des banques d'investissement, soumises à des contraintes réglementaires contraignantes et qui ont préféré se retirer du jeu. Trop risquées, trop coûteuses, les activités de « market making » ont été en grande partie délaissées par les brokers. La Banque des règlements internationaux (BRI) s'inquiétait même dans un rapport publié en mars dernier, d'une certaine « illusion de liquidité », les intervenants n'ayant pas encore, selon elle, pris la mesure de ce risque. Elle observait une baisse de la taille moyenne des transactions, ainsi qu'une concentration des volumes sur les instruments les plus liquides et l'abandon des moins liquides.
La désormais faible intervention des « market makers » n'expliquent pas tout. […] Il est de plus en plus fréquent que beaucoup d'intervenants aient les mêmes intérêts au même moment. Des tendances susceptibles d'assécher la liquidité sur plusieurs segments du marché obligataire. Certains investisseurs font évoluer la gestion de leurs portefeuilles, optant par exemple pour une approche plus flexible, moins benchmarkée, afin de ne pas devoir céder des titres dans des périodes de stress de marché. Ils quantifient également plus strictement le niveau de liquidité des actifs qu'ils détiennent. En outre, un pilotage attentif par les gérants de fonds, du passif des OPCVM (les souscriptions et les rachats) est également crucial.
Cette dégradation de la liquidité oblige en effet les gérants d'actifs et les investisseurs institutionnels à s'organiser, afin d'améliorer la qualité des échanges sur un marché dominé par le gré à gré. |…] Euronext constate que ces toutes dernières années, les volumes traités par le trading électronique ont bondi de 75%, quand le trading à la voix reculait de 25%. Aussi une multitude de projets, lancés par des banques ou mais aussi par des gérants d'actifs, ont vu le jour ces derniers mois. Afin de répondre à cette nouvelle contrainte réglementaire et au besoin pressant des investisseurs, les plates-formes nouvellement créées devront leur offrir une meilleure transparence, améliorer la qualité de l'information sur les conditions d'exécution de leurs ordres. Cependant, la question du manque de liquidité se doublera d'une autre interrogation, celle de savoir où se trouve la liquidité et comment y accéder ?"