Retrouvez Jacques Sudre et Raphaël Moreau lors de la conférence téléphonique d'Amiral Gestion, du 10 avril 2020.
Introduction
Bonjour à tous. Cette semaine nous sommes avec Jacques Sudre et Raphaël Moreau pour faire le point sur la semaine écoulée, en répondant plus particulièrement aux questions que vous nous avez faites parvenir.
Jaques Sudre
Les indices mondiaux ont tous connu une remontée significative cette semaine : +8% pour le CAC 40, +12% pour les indices américains, le Nikkei ayant lui aussi progressé. Les plans de soutien budgétaires et monétaires ont contribué à rassurer les esprits. Avec, cette semaine de nouvelles de la FED qui injecte 2,3 trillions de dollars supplémentaires après les 2 trillions déjà engagés la semaine passée. La nouveauté réside dans le fait que la réserve fédérale est désormais disposée à acheter des obligations à haut rendement, directement jusqu’à BB- et tout le marché par le biais d’achats d’ETF. C’est la première fois qu’une Banque Centrale s’autorise à racheter des obligations à haut rendement. Si l’on prend en compte les 2 trillions également injectés par le gouvernement américain ainsi que le projet avancé de 2 trillions supplémentaire, cela fait donc plus de 8 trillions de dollars mobilisés pour faire face à la crise.
En Europe, un plan de soutien accepté par les ministres des finances de la zone euro a été adopté hier soir à hauteur de 540 milliards d’euros. 100 milliards à destination des Etats pour les aider à financer les mesures de chômage partiel, 200 milliards pour assurer la liquidité des entreprises (essentiellement des PME et TPE par l’entremise de la Banque Européenne d’Investissement) et enfin 240 milliards pour soutenir le budget des Etats dans leur réponse à la crise par l’entremise du mécanisme de stabilité européen. Il s’agira de prêts à 10 ans de maturité maximale et ne dépassant pas 2% du PIB qui seront également octroyés avec des conditions identiques entre les différents membres. Les pays du sud de l’Europe (Espagne, Italie, Portugal), pourront, eux, disposer de prêts supérieurs à 2% de leur PIB. Le plan de soutien de la France est lui passé de 45 milliards à 100 milliards d’euros.
Même la Banque d’Angleterre a dérogé à son orthodoxie habituelle : elle achète directement des obligations publiques émises par son pays. Il s’agit donc d’un financement par la banque centrale des déficits publics, une première au Royaume-Uni.
Cette politique est-elle adaptée ? Les réponses sont-elles suffisantes ? Difficile de répondre à ce stade. Du point de vue économique cela dépendra de la durée du confinement, du rythme du déconfinement, ainsi que de la reprise des habitudes de consommation. D’un point de vue de soutien des actifs à risque, il est tout aussi difficile de savoir si la réponse a été excessive, il est en revanche difficile d’appréhender les mécanismes de fixation des prix dans ce contexte d’afflux massif de liquidités.
Raphaël Moreau
La crise actuelle crée des opportunités. Elle nous force aussi à nous montrer réactifs. C’est ce que nous avons fait avec Do&Co que nous avons vendue début mars au regard d’un risque au niveau du refinancement de sa dette. Notre approche par le bilan a été déterminante et a permis de faire des choix qui se sont révélés judicieux. Environ la moitié des valeurs en portefeuille sont en trésorerie nette. Globalement, notre travail de stock picking nous oriente vers des sociétés décotées par rapport à la valeur de leurs actifs. Nous ne délaissons pas pour autant les valeurs de croissance disposant d’un solide modèle économique, comme Alibaba, et dont la valorisation est raisonnable. Nous continuons de nous éloigner de celles toujours trop chères. Pour exemple, L’Oréal se paye toujours sur la base de 37 fois ses résultats de ces 12 derniers mois. En 2007, avant la crise financière, ce ratio atteignait 33 fois, et en 2009, 17 fois. Le ratio actuel est d’autant plus questionnant que nous sommes en pleine période de récession majeure. Il démontre, plus que jamais, la polarisation des valorisations. Sextant Grand Large, avec son prisme défensif, se veut discipliné sur sa sélection de valeurs fondée sur la qualité des bilans, la résilience des modèles économiques, et sur des valorisations offrant d'importantes marges de sécurité.
Pourquoi, dès lors, ne pas avoir profité du récent plongeon des actions pour en acheter encore plus ? Notre indice du PER de Shiller, principal indicateur que nous suivons pour déterminer notre degré d’exposition aux marchés actions dans Sextant Grand Large, atteint aujourd’hui 19 fois contre 23 fois en décembre dernier. Aux Etats Unis, il est toujours à 27 fois (contre une moyenne historique de 17 fois). Ces évolutions démontrent que, dans leur ensemble, les marchés sont loin de valoriser le pire scénario, et ce malgré l’évaporation à venir des profits. Et ce, surtout aux Etats-Unis où le S&P n’a perdu « que » 14% depuis le début de l’année et le Nasdaq 9%. Entre optimisme et pessimisme il faut naviguer en faisant preuve de la plus stricte discipline. Ce que nous faisons, notamment grâce à modèle d’allocation quantitatif basé sur le PER de Shiller. Le poids des actions dans Sextant Grand Large est passé de 22% avant la crise à 52% au plus fort du plongeon des marchés pour revenir à 43,6% à hier soir, dont 5% d’aurifères.
Que penser de Sixt ou Easyjet détenues par Sextant Grand Large ?
Ces deux cas d'investissement sont proches, puisque ces deux sociétés, liées au déplacement et au tourisme, font face à un arrêt brutal de leur activité, ont un modèle économique sur-performant par rapport à leurs concurrentes, et détiennent d'importants actifs, des avions pour l'une, des voitures pour l'autre.
Nous avons constitué une importante ligne Sixt dans la baisse. Le loueur de voitures dispose d’un contrat de rachat de ses véhicules à un prix défini à l’avance, ce qui signifie qu’elle n’a pas de risque sur sa flotte. Au plus bas, l'action préférentielle traitait au niveau de la trésorerie nette et de la valeur des véhicules. Elle a récemment rebondi de 60% et nous restons actionnaires.
Easyjet est également décotée par rapport à ses actifs, mais le dossier est plus complexe car le groupe ne dispose évidemment pas d’un contrat lui permettant de revendre ses actions au constructeur. Se pose également le problème, à plus long terme, du Pricing Power de l'industrie et donc de la rentabilité de ses actifs. Raison pour laquelle nous venons d’arbitrer cette ligne en vendant l’action pour acquérir l’obligation à échéance 2023, que nous avons pu acheter à 12% de rendement, soit un potentiel de revalorisation d'une cinquantaine de pourcents d'ici 2023.
Jacques Sudre
Nous avons réinvesti dans les nouvelles conditions de spread, ainsi notre position en obligations dans Sextant Grand Large est ainsi passée de 24 à 35% de la part du fonds non investie en actions. Dans Sextant Bond Picking, nous avons investi un tiers des liquidités disponibles. Pourquoi pas plus ? Les titres corporate Investment Grade rémunèrent peu (1.8% sur 6 ans en moyenne). Les titres à haut rendement offrent un meilleur rendement mais nous faisons toujours preuve d’une grande sélectivité. Pour les maturités à 5/6 ans, on peut espérer 3/4%, pour les dossiers les plus solides. A l’inverse, certains émetteurs plus fragiles ont initié la restructuration de leur dette. Autre exemple, Vallourec, a une dette qui traite à des niveaux proches de niveaux de faillite. La BPI, au capital du groupe, n’est apparemment pas prête à renflouer la société et une augmentation de capital pas envisageable pour le moment. Il faut donc faire preuve de sélectivité et de prudence, d’autant que la liquidité est toujours source de difficultés.
Raphaël Moreau
Dans ce contexte incertain comment faire les bons choix ? De nombreuses incertitudes planent en effet. Quelle sera l’activité des sociétés, avec quelle offre et quelle demande de la part des consommateurs ? Notre approche est d’avoir les pieds sur terre, de sélectionner les entreprises sur la base de leurs fondamentaux. Certaines ont vu leur valorisation s’effondrer tout en conservant une trésorerie importante. Quelques une en ont profité pour racheter leurs titres, comme Jacquet Metal. Il est intelligent, actuellement, de procéder à ce type d’opération. Des opérations de fusions acquisitions devraient également avoir lieu.
Conclusion
Nous profitons de la période pour revoir nos portefeuilles. Des points bas ont effectivement été atteints et nous en profitons pour réinvestir tout en restant prudents et liquides. Les points d’entrée au niveau des plus petites valeurs sont également nombreux. D’autant que les indices des petites et moyennes valeurs étaient déjà en retrait par rapport aux large cap avant le début de la crise. On retrouve ainsi des niveaux connus en 2009. Sur un aspect de pure valorisation, les small cap atteignent ainsi des zones historiquement basses.
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