Si tous les pays du monde font face à la même crise sanitaire, tous ne réagissent pas avec la même ampleur. Les marchés financiers qui ont pu tous aller dans le même sens, les premières semaines, commencent à montrer des divergences. Nous vous proposons, cette semaine, de parcourir l’Asie, l’Europe et les Etats-Unis avec nos gérants analystes spécialistes de ces zones.
Asie - Julien Faure
Pour commencer par l'Asie, zone très fortement représentée dans nos fonds internationaux et dans notre fonds flexible Sextant Grand Large, nous observons pour le moment deux zones relativement épargnées au niveau sanitaire, la Corée du Sud et le Japon.
La Chine est revenue sur des niveaux d'activités quasi-normaux, même dans la province de Hubei, où 70% des restaurants sont ouverts contre 90% dans le reste du pays, selon notre analyste Chinois John Xu. On dispose de beaucoup de données pour le vérifier, comme l'augmentation de la pollution, signe avancé du redémarrage de l'activité industrielle. Autres données édifiantes : Hermès a fait son meilleur chiffre d'affaire journalier à la réouverture de son flagship de Guangzhou cette semaine, et l’on retrouve des files d'attentes devant certains restaurants réputés.
La situation reste tendue en Indonésie et en Inde où le confinement continue et la plupart des commerces sont fermées. En Inde, où la production industrielle reprendra lundi, le non-respect du confinement peut être puni par de la prison !
Quid des stimuli fiscaux ?
Les stimuli fiscaux et monétaires sont extrêmement importants dans tous les pays - exception faite peut-être de la Corée du Sud - dépassant largement les 3% du PIB. Ils s'adaptent cependant à chaque spécificité régionale.
Au Japon, de nombreuses mesures sont apparues, comme par exemple l'augmentation des rachats d'ETFs par la banque centrale, pour un montant plus que doublé et qui dépasse maintenant le milliard de dollar par jour. Début Avril, le gouvernement a annoncé les détails de son plan de chômage partiel qui aura lieu d'avril à Juin et couvrira 80% du salaire des entreprises affectées par la crise. Enfin hier, le gouvernement a annoncé envoyer un chèque de 850€ à tous les Japonais sans exception. Ceci représente 100 Mds€ soit presque 3% du PIB.
En Inde, le chômage partiel est difficilement applicable car 40% des travailleurs font partie de l'économie informelle, et n'ont donc pas de contrat de travail. La banque centrale privilégie de fortes injections de liquidités directement aux plus pauvres, soit 30 milliards de dollars. En plus de ceci, elle a procédé à une injection de 40 milliards de dollars sur le marché des crédits, 15 milliards de dollars de prêts aux PMEs.
En Chine, on note de nombreuses mesures. 182 milliards de dollars de prêts aux gouvernements locaux, presque tous utilisés, diverses réductions de TVA et de charges sociales. On note aussi des programmes locaux spécifiques à chaque province, par exemple pour venir en aide aux constructeurs automobiles.
Quelle incidence sur le stock picking ?
Les petites valeurs japonaises détenues dans nos portefeuilles ont bien résisté notamment grâce à leurs fortes parts de marché, des bilans solides et une capacité à continuer à travailler chez les clients. On continue de trouver des opportunités intéressantes au Japon.
Aujourd'hui, sur l'Asie ex-Japon, le Price to Book est au plus bas depuis 10 ans, à 1,3x. On a identifié de vraies opportunités notamment dans des pays comme l'Inde et l'Indonésie, qui ont vu leurs indices baisser de 25% environ depuis le début de l’année, avec également une dévaluation de la monnaie. Nous avons profité de la baisse pour acheter des sociétés de grande qualité comme Humanica, leader des CRMs en Thaïlande, qui était jusqu'alors sur des ratios de valorisation élevés - similaires à ce qu'on peut voir sur le NASDAQ aujourd'hui. Mais avec une correction de -60% sur 2 ans cette société offre un prix que nous jugeons de nouveau attractif.
Europe - Raphaël Moreau
Du côté des mesures sanitaires, on constate en Europe d’importantes différences entre les pays. C'est vrai que la quasi-totalité des pays européens a opté pour une stratégie de confinement, mais ce, avec des points d'entrée légèrement différents -avec tous les impacts que cela entraîne sur l'économie-, et différentes stratégies de sorties qui commencent à se dessiner. Le Danemark a rouvert ses écoles cette semaine, par exemple.
Deux cas sont intéressants à évoquer : l'Allemagne et la Suède
L'Allemagne parce qu'elle a clairement été le meilleur élève de l'Europe. C'est celui qui était le mieux préparé, même si cela ne l’a pas empêché de devoir mettre en place un confinement, qu'il va relâcher le 3 mai, une semaine avant la France. L'Allemagne a environ 5 fois moins de décès que la France.
Quelles en sont les explications ?
Ces meilleurs résultats trouvent plusieurs origines. En premier lieu, le tissu industriel médical allemand. Ce qui veut dire qu'ils avaient des équipements, les compétences qui vont avec, et de ce fait, que le pays était beaucoup mieux préparé et autonomes que ses voisins.
L’Allemagne est de loin le pays qui teste le plus les cas suspects en Europe, parce qu'ils ont les machines pour le faire. Sur les 900 machines disponibles dans le monde pour réaliser des tests à grande échelle, l'Allemagne en a une centaine. La France en a 12.
Les hôpitaux sont aussi beaucoup mieux équipés que la moyenne, avec 34 respirateurs pour 100.000 habitants, 3 fois plus que la France, l'Italie, ou la Corée. Il ne faut pas oublier que le leader mondial des machines de ventilation, Draegerwerk, est allemand.
En résumé, leur tissu industriel leur confère un avantage majeur dans la lutte contre l'épidémie, alors que la plupart des pays, dont la France, dépendent des importations à la fois pour les machines, et pour les consommables.
Quelle exposition à l'Allemagne dans les fonds Sextant ?
Nous avons environ 9% de la poche d’actions de Sextant Grand Large sur l'Allemagne, avec les principales positions que sont Rocket Internet, Sixt, Delivery Hero, BMW ou Kloeckner. 9% sur Sextant Europe et 7% sur Sextant PEA et Sextant PME avec également des sociétés de vente en ligne comme Home 24, Westwing, MBB Industries ou Ceconomy, le Fnac allemand.
Quid de la Suède ?
En Suède, ce qui est intéressant de souligner c'est la stratégie de lutte, le gouvernement n'a pas mis en place de confinement. Ils ont opté pour la responsabilisation de tous pour mettre en place une distanciation sociale efficace. Dans un pays où la population fait confiance à la science.
Comme ailleurs, d'un point de vue économique ils soutiennent leur tissu d'entreprises qui ne sont pas immunes de l'environnement global, que ce soit par l'octroi de crédits ou la mise en place du chômage partiel. Cette stratégie a pour le moment fait une vraie différence sur la Bourse, puisque le principal indice suédois est en baisse de 15% contre 25% pour les grands indices européens.
Est ce qu'on va pour autant renforcer nos valeurs suédoises ?
Pas forcément, on a même plutôt allégé la part de Suède dans le fonds Sextant PME, qui est le fonds le plus exposé à ce pays, avec une pondération liée à la Suède qui est passée de 10 à 8%. Il y a en effet un écart de valorisation assez important entre la Suède et le reste de l'Europe. Ce que nous retenons surtout, c'est que les aspects sociétaux ont un impact très important sur la résilience économique d'un pays et donc sur ses entreprises. Et que d'une certaine manière, la prime de valorisation se justifie.
USA - Etienne Guichard
Nous comptons près de 30% des cas mondiaux et moins de 25% des décès. Les situations sont contrastées. Le nombre de cas par million d’habitants est de 2000, un chiffre qui se situe entre la France (1600) et l’Espagne (4000), mais avec une pointe à 15 000 à New-York. A l’inverse, la Californie, qui a pris des mesures tôt, affiche un chiffre de 650. De plus, autant il semblerait que nos politiques prennent grand cas des avis des scientifiques, autant l'administration américaine semble coincée entre la rationalité qu'impose la science et le désir de remettre le pays au travail. De nombreux financiers et chefs d'entreprises murmurent à l’oreille du Président.
La réalité, au final, est différente des déclarations faites à Washington car l'interdiction des rassemblements ou la fermeture des lieux publics sont du ressort des Gouverneurs de chaque Etat, D.Trump leur a d’ailleurs donné raison hier.
Les réponses du Gouvernement
Parmi la panoplie de mesures annoncées dans le plan de soutien fiscal de 2 trillions de dollars une tranche d’aide de 25 milliards de dollars pour les compagnies aériennes a été finalisée. Cette aide prend la forme de subventions et prêts à taux bas, assorties de conditions restrictives sur le maintien de l'emploi, le retour de cash aux actionnaires et la rémunération des dirigeants. Une autre mesure est le plan de soutien de 350 milliards à destination des PME. Ce programme est déjà utilisé à 100%. C'est une bonne nouvelle car cela signifie que ces programmes de soutien se mettent en place concrètement. La mauvaise nouvelle est que cela ne sera pas suffisant, les parlementaires travaillent déjà sur un programme additionnel de 250 milliards de dollars.
Qu'en est-il des citoyens ?
Le chômage explose, encore plus de 5 millions d'inscriptions au chômage la semaine dernière, ce qui porte le total à plus de 22 millions, un chiffre qui efface totalement le nombre d'emplois créés depuis la crise financière.
En guise de compensation, les Américains ont droit à :
-Une allocation hebdomadaire qui a été revue à la hausse à 600 dollars, pendant 4 mois, en plus de l’allocation de base versée par les Etats.
-Un chèque unique de 1200 dollars par personne. Ceci apparaît comme un bon amortisseur pour les milieux les plus modestes mais la consommation des ménages demeure malgré tout le premier moteur de l’économie. A ce sujet, JP Morgan a passé une provision pour crédits douteux de plus de 8 milliards de dollars, principalement sur des créances liées à des cartes de crédit.
Nos investissements
Depuis plusieurs trimestres nous privilégions le tryptique « smalls/value/Asie » plutôt que celui « large/growth/US » ... La situation actuelle n'a pas changé la donne.
Même si la baisse a été extrêmement violente, le rebond l’a été tout autant. Le NASDAQ est proche de l’équilibre sur le début de l’année. Aussi, comme nous le rappelions la semaine dernière, le marché US reste très cher avec un PER de Shiller qui demeure à des niveaux élevés, encore près de 10 points audessus de sa moyenne à long terme. Aussi, notre positionnement vis-à-vis des US n'a pas évolué outre mesure : 6% du fonds Sextant Autour du Monde et environ 5% de Sextant Grand Large.
Nous avons, en revanche, renforcé les investissements au Canada à la faveur d'une augmentation des positions en minières, soit 5% de Sextant Autour du Monde et 7,5% de Sextant Grand large.
Marché obligataire - Jacques Sudre
L’annonce par la Fed de l’achat d’obligations à haut rendement dont nous avons parlé la semaine dernière fait logiquement progresser très sensiblement ce segment de la cote obligataire aux US mais également en Europe. Les marges de crédit sur le haut rendement liquide ont très brièvement touché les 700 pbs autour du 20 mars, se sont retrouvées à 464 bps suite à l’annonce et aujourd’hui à 485bps (soit la moyenne de long terme). L’ETF HY EUR a gagné plus de 4% sur la journée. On note toutefois une très grande dispersion dans les situations de crédit.
Autre conséquence : la multiplication des Fallen angels, ces sociétés qui perdent leur rating Investment Grade et dont les obligations doivent être absorbées par les marchés d’obligations à haut rendement. Nous sommes donc à l’affut car selon les estimations cela devrait représenter un marché de plus de 100 milliards de dollars. Un exemple : Ford en EUR à 4-5 ans rapportait moins de 2% avant crise, plus de 10 ans depuis sa sortie des indices, 4.4% après l’annonce de la Fed et autour de 6% aujourd’hui.
A noter la réouverture du marché primaire High Yield aux US avec plusieurs émissions mais aussi une autre hier en Europe, avec Verisure le fournisseur d’alarmes et télésurveillance.
Devant cette création monétaire historique, il serait imprudent de ne pas s’interroger sur l’inflation. Les obligations indexées sur l’inflation en EUR présentent l’inconvénient majeur de faire supporter un intérêt négatif au porteur, comme leurs cousines sans indexation. De plus, elles sont indexées sur l’inflation d’un pays ou d’une zone (Euro) qui, étant donné la crise dans laquelle nous entrons pourrait survenir selon un calendrier incertain. En conséquence, pour se couvrir contre un « débasement » monétaire possible du fait de l’explosion de la dette publique financée par la création monétaire, l’or semble une option intéressante. Il n’est pas possible d’en détenir dans des fonds ouverts, en revanche les actions aurifères présentent un retard certain sur le cours de l’or physique. C’est une position qui nous apparait complémentaire à une poche obligataire, initiée dans Sextant Bond Picking et renforcée dans Sextant Grand Large.
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