Services informatiques aux entreprises, minières, plateforme pour travailleurs indépendants... Cette semaine, nos analystes gérants vous présentent ces opportunités issues de la crise qui sont venues compléter nos portefeuilles sur les dernières semaines. Pour en parler : Raphaël Moreau, Etienne Guicherd et Julien Faure, gérants-associés chez Amiral Gestion.
L’Asie
L’Asie fait partie des zones que l’on apprécie particulièrement, bénéficiant d’un un vivier important d’opportunités de stock-picking et où nous avons d’ailleurs développé depuis 2017 un pôle d’analyse au travers de notre bureau de Singapour. Cette zone est globalement bien représentée au sein des fonds Sextant Grand Large et Sextant Autour du Monde.
Parmi les dossiers que l’on suit depuis longtemps, Humanica nous semble une entreprise intéressante. Cette société thaïlandaise est un éditeur de logiciels de gestion des ressources humaines avec 60% de parts de marché. Elle réalise aussi l’externalisation de la paie de 700 000 employés en Asie, principalement en Thaïlande. Elle a réussi à creuser sa niche en étant le meilleur acteur local et en adaptant son logiciel aux spécificités de la Thaïlande. Le cours de bourse avait atteint le niveau de 17x le P/E hors cash lors de nos achats. Ce niveau est à comparer à une tendance de croissance d'environ 20% par an. Cette croissance devrait se poursuivre, malgré un ralentissement à court terme du fait de la crise actuelle, le marché étant sous pénétré, une très grande majorité des plus grandes entreprises thaïlandaises continuent d’internaliser des process comme la gestion de la paie et nous imaginons que cette tendance pourrait s’inverser comme c’est le cas dans la plupart des autres pays industrialisés. L’AG qui s’est tenue en avril 2020 a évoqué une réallocation stratégique au travers d’opérations de M&A. Le business model nous semble résilient avec une augmentation du revenu récurrent à 80% (60% il y a 5 ans). Elle ne devrait pas souffrir outre mesure en cas de licenciements.
Autre entreprise qui nous semble intéressante : HCL. C’est la 3ème plus grosse entreprise de services informatique en Inde. Son track record en matière d'innovation et de croissance est solide. Cette entreprise de très haute qualité, est détenue à 57% par son fondateur et bénéficie d’un turnover des employés très faible. Leader en infogérance d'infrastructure, la société souffre de la concurrence du Cloud. Raison pour laquelle la valeur a chuté en bourse pour atteindre 16x P/E, prix que l'on juge intéressant au regard des risques.
Les valeurs minières
Avec 5% d’exposition du fonds Sextant Autour du Monde dans des groupes miniers et plus de 15% de la poche action de Sextant Grand Large (majoritairement sur l'or), les valeurs minières nous semble intéressantes actuellement. Outre le fait de répondre à des besoins essentiels, le secteur présente une configuration favorable dans une perspective à plus long terme. Il faut être lucide, cette industrie est très cyclique, gourmande en capitaux et affiche un historique de destruction de valeur très régulier. En 2015, le secteur a vécu sa crise la plus terrible depuis les années 1930. Cela a apporté, de fait, de la discipline dans une industrie qui en manquait. Les situations présentent quelques différences selon les minerais considérés mais, d'une manière générale, nous avons assisté depuis, à de profonds changements : restructurations, renforcement de bilans, politique de retour aux actionnaires plus généreuse et régulière, diminution des acquisitions. Tout cela a eu pour conséquence de limiter les budgets d'investissements d'exploration et de développement des mines. De plus, la réalisation de projets miniers s’allonge et se complexifie, graduellement. Les coûts augmentent, et le développement d'une mine en partant de 0 peut prendre 10 ans avant de sortir le premier caillou de terre. Les financeurs sont devenus plus frileux également, l'accès au capital est moins facile que dans le passé. Tous ces éléments contribuent à limiter la production.
D'autre part, sur un plan technique, et c'est le cas pour beaucoup de métaux, les meilleures ou les plus grandes mines sont âgées. Le renouvellement des réserves est faible, plus coûteux, et les teneurs s’étiolent dans le temps.
Côté demande, la croissance est assez en ligne avec le PIB et une nouvelle demande émerge, liée à l'électrification. L'urbanisation, le développement des énergies renouvelables et des voitures électriques nécessitent beaucoup de ressources, notamment du cuivre, du nickel. Par exemple, dans une voiture à propulsion thermique il y a environ 20kg de cuivre, 2x plus dans une voiture hybride et 3x dans une voiture 100% électrique. Pour le nickel, les écarts respectifs sont de x3 à x30.
Pour toutes ces raisons nous pensons que l'industrie minière est intéressante, les conditions n'ont jamais été aussi bonnes depuis très longtemps.
Sur l'impact du Covid, les situations sont très différentes selon les sociétés, mais l'impact sur les opérations est relativement limité jusqu'à présent, en tout cas pour les entreprises qui nous intéressent. Si on trace un parallèle avec 2008, la situation semble plus saine. Le choc de demande est bien là, mais l'offre est contrainte, les capacités de production ne pouvant tourner à 100% partout dans le monde. Donc nous n'observons pas de déséquilibre massif comme cela avait été le cas en 2008 où les mineurs avaient continué de produire pendant plusieurs mois. Les stocks étaient très élevés, et la chute fut brutale.
Pour autant, tout le secteur n’est pas à acheter sans filtres. Nous nous positionnons plutôt sur des histoires spécifiques. En plus des investissements dans des mines aurifères dont nous vous avons déjà parlé, nous avons investis dans Norilsk., société basée en Russie qui capitalise environ $40 milliards. Son principal gisement, en Sibérie, est une mine polymétallique, un actif unique.
Norilsk est le 1er producteur mondial de palladium et de nickel, le 11ème producteur de cuivre. Ils produisent également du platine. L'entreprise dispose d'une très forte culture d'ingénieur, est entièrement intégrée. Aussi, elle a une très bonne fiabilité opérationnelle. Ses coûts de production sont les plus bas du secteur, et Norilsk affiche la meilleure marge. L'endettement assez faible et le dividende généreux, et il ne nous semble pas sous pression à court terme.
La proximité géographique, et politique, avec la Chine, le plus gros consommateur de métaux du monde, est un avantage dans le contexte actuel.
Norilsk, est, au final, assez résiliente tout en présentant un profil de croissance concernant la production de cuivre et de palladium.
Nous trouvons également son positionnement par rapport au boom des voitures Green intéressant :
- Les normes antipollution pour les voitures avec un moteur à combustion sont de plus en plus strictes, partout dans le monde. La solution réside dans les pots catalytiques, et le palladium est l'élément clé de ce processus. A titre d‘illustration, le contenu par voiture de métaux dits PGM (palladium/platine) a augmenté de +15% en 2019 en Chine. Norilsk est le seul acteur mondial capable de fournir la demande pour l’instant.
- Nous l'avons vu en introduction, les batteries des voitures 100% électriques demandent beaucoup de nickel et de cuivre.
- Enfin, les hybrides présentent le meilleur des deux mondes. A noter que c'est la solution la plus répandue chez nombre de constructeurs à court terme. D'ici à 2025, 3/4 de la flotte de VW sera hybride, 60% pour Renault, 40% pour Toyota.
Un deuxième investissement dans ce secteur nous vient du Canada : Lundin Mining.
Avec une capitalisation de 4,8 Mds de dollars canadiens, cette société fait partie des actifs de la galaxie fondée par Adolph Lundin, entrepreneur/aventurier suédois, pionnier dans le domaine des ressources naturelles. Il a fondé de nombreuses sociétés depuis les années 60s. Aujourd'hui trois sont encore cotées, Lundin Gold, Lundin Energy (pétrole et gaz), et Lundin Mining.
La famille détient encore 12% du capital de cette dernière et un des fils du fondateur en est le Chairman. Une des principales raisons qui nous ont poussé à investir dans cette société est la qualité de la gouvernance, sujet essentiel pour toutes les entreprises bien entendu mais nous pensons que c'est encore plus vrai dans ce secteur.
L'entreprise possède des actifs dans des juridictions favorables : au Chili, au Brésil, en Suède, au Portugal, et aux US.
Sur la base des revenus de 2019, le mix de métal est de 2/3 de cuivre, 15% de zinc, 10% d'or, et 10% de nickel.
Plutôt que se lancer dans des projets d'exploration coûteux sur de nouveaux sites, Lundin Mining développe une stratégie d'acquisition raisonnée avec des actifs assez peu risqués. Le bilan est très solide, et le management est assez conservateur en matière d'allocation du capital. Lundin sort d'une phase d'investissements importants, ce qui promet un profil de génération de cash intéressant. Pour toutes ces raisons, Lundin apparait comme un choix raisonné et parfaitement en phase avec notre culture d'investissement.
Dans ce cadre nous avons identifié une opportunité intéressante : Upwork, la plus grosse plateforme pour travailleurs indépendants. L’introduction en bourse, il y a deux ans, a déçu en raison d’un multiple élevé. Depuis le multiple s’est contracté au rythme du ralentissement de la croissance.
Aujourd'hui, la valeur affiche 2,5Md$ de facturation, en croissance de 15% et elle est peu suivie par les analystes. Nous avons pu acquérir des titres à une valorisation inférieure à 3 fois le chiffre d’affaires (marge brute) qui se situe bien en dessous de ses pairs pour un modèle en croissance.
Si le marché ne semble pas adhérer à l'histoire, la société bénéficie d’une vraie valeur sociale en assurant une bonne distribution des opportunités professionnelles à travers le monde. Face à un monde qui change et des jeunes diplômés aspirant à une autre manière de travailler, Upwork permet ainsi d’adapter le monde du travail : le recrutement moyen prend moins de 3 jours, la durée des missions peut quant à elle varier de quelques heures à plusieurs mois.
Europe
Nous avons récemment pu constituer une position dans Coats, le leader mondial du fil de couture, une très vieille société anglaise issue de la première révolution industrielle. Elle est née en 1750, et est de très loin le leader mondial de son activité puisqu'elle a 21% de part de marché mondiale quand le premier suiveur, un américain, a environ 10%. Il est donc très probable qu'une grande partie d'entre nous est en train de porter au moins un vêtement cousu avec leur fil. Aujourd'hui nous sommes sur une valorisation de 6,5x le résultat de 2019, après une division par 2 du titre, qui traite encore proche de ses points bas et a relativement peu rebondi. Nous sommes positionnés sur une toute petite part de l'industrie textile, puisque Coats est concentré sur le fil dédié aux les coutures des vêtements ou des chaussures, soit environ 1% du coût de fabrication du vêtement.
Ce produit est beaucoup plus technique qu'il n'en a l'air, et il y a des fils pour tous les usages avec des dizaines de caractéristiques différentes. La société a plus de 800 000 références et est choisi par ses clients pour la qualité de ses fils, la profondeur de sa gamme, et beaucoup pour sa présence mondiale. Ils ont la présence géographique de loin la plus étendue, étant présents en Asie ou en Amérique Latine depuis bien plus longtemps que ses concurrents.
C'est aussi de loin l'acteur le plus rentable, avec plus de 14% de marge opérationnelle en 2018 et 2019, ce qui montre que le client n'a pas de problème à payer la valeur ajoutée sur un produit qui fait une toute petite part du coût du vêtement, et qui, en revanche, peut drastiquement améliorer la productivité d'une usine de fabrication de vêtements. C'est d'ailleurs de plus en plus important d'utiliser des fils de qualité parce que les machines sont de plus en plus automatisées avec le renchérissement de la main d'oeuvre, on ne peut donc pas se permettre d'avoir à arrêter la machine trop fréquemment parce que le fil a cassé.
C'est une industrie qui fournit des produits essentiels, et il est peu probable que le monde consomme demain beaucoup moins de textile qu'hier. D'ailleurs en 2009 il y avait eu une baisse importante des ventes chez Coats, notamment à cause d'un phénomène de déstockage, mais on avait vraiment vu une reprise en V avec un retour à la situation antérieure très rapidement.
Nous nous positionnons sur un leader mondial qui gagne des parts de marché tous les ans depuis plusieurs années et qui va bénéficier de deux tendances très importantes dans les années à venir, c'est à dire d'une part l'importance accordée à l'environnement dans l'industrie textile, et d'autre part le déplacement progressif de l'industrie textile hors de Chine.
Sur l'environnement, il y a plusieurs sujets, mais notamment celui de la consommation de ressources par l'industrie textile, et dont les produits ne sont quasiment pas recyclés, généralement en fin de vie les vêtements sont incinérés ou enfouis. Or il s'agit en grande partie de produits dérivés du pétrole, et donc des plastiques. D'ailleurs, un train de réglementations est en train de se mettre en place pour passer à une économie circulaire, et Coats est très en avance sur son marché. Pour se rendre compte, il prévoit de vendre 10x plus de fils 100% recyclés en 2020 qu'en 2019. Les grandes marques comme Adidas sont très en pointe là-dessus et la demande excède l'offre. Par contre c'est très difficile pour les petits acteurs concurrents de Coats de pouvoir répondre au cahier des charges. Donc cela devrait contribuer à l'accélération des gains de parts de marché.
Par ailleurs l'industrie textile chinoise est en train de se déplacer dans d'autres pays, soit à cause des coûts de main d'oeuvre en Chine, soit parce que les clients souhaitent rapprocher leur sourcing pour être plus réactifs. Or Coats ne fait que 10% de ses ventes en Chine alors que c'est 40% de l'industrie. Donc mécaniquement la part de marché de Coats va augmenter au fur et à mesure du déplacement de la chaîne de valeur vers des pays comme le Vietnam, où Coats est en revanche très fort et aussi très rentable. Coats, c'est aussi un quart de l'activité sur des fils de haute performance à destination de l'automobile (pour coudre les airbags par exemple), pour les télécoms avec la fibre optique, ou encore dans les équipements de protection individuelle pour les pompiers, qui affiche une croissance supérieure au business traditionnel et les mêmes niveaux de marge, et qui tire aussi l'innovation du groupe. Malgré les incertitudes à court terme, on aime donc beaucoup le leadership mondial, les perspectives et la valorisation ainsi que le profil de génération de trésorerie qui semble très solide.
Si nous finissons par le marché français, nous avons eu l’opportunité de réaliser une ligne en Atos. Au plus bas de mars, le titre avait quasiment divisé par 2 par rapport à son niveau de février. Atos, c'est l’un des leaders mondiaux de l'infogérance. Il travaille sur l'infrastructure informatique des plus grandes sociétés mondiales, et l’on sait à quel point l'informatique a été déterminante dans la gestion d'un monde en télétravail. Donc l'activité est très peu impactée. Bien sûr, certains clients dans quelques secteurs ont demandé l'arrêt de prestations, mais ils ont évalué l'impact à environ 5% au deuxième trimestre. En 2009, la société avait affiché une petite décroissance organique de 3%. On devrait être dans les mêmes eaux en 2020 ou légèrement moins bien. Donc une activité extrêmement résiliente, un bilan très solide surtout après la cession de leur participation dans Worldline au début de l'année, et donc une très grosse génération de liquidité qui est peu valorisée.
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