Plus de 100 millions de voyageurs à nouveau sur les routes de Chine en mai. Reprise générale ?
Paris, le 14 mai 2020 : Files d'attente interminables dans les parcs d'attractions et billetteries affichant complet : les consommateurs chinois déconfinés ont célébré leur première grande fête nationale depuis le gel des voyages intérieurs en février sur fond de pandémie de Covid-19.
Selon le ministère de la Culture et du Tourisme, une moyenne quotidienne de 23 millions de personnes ont voyagé pendant les cinq jours de vacances du 1er mai, soit environ moitié moins qu'à la même période en 2019. Malgré une chute par rapport à l'année précédente, l'amélioration par rapport à février et mars, lorsque la majeure partie de la Chine était paralysée en raison de l'épidémie de coronavirus, est considérable. Il y a seulement quelques semaines, lors d'un week-end de trois jours de début avril, seuls 14 millions de déplacements quotidiens à l'intérieur du pays avaient été enregistrés.
Demande insatisfaite
Les visiteurs ont afflué dans les sites touristiques les plus célèbres lors de la longue trêve de la fête du Travail, qui s'est déroulée du 1er au 5 mai. La Cité interdite de Pékin a vendu la totalité de ses 25 000 billets avant même le début des vacances, tandis que le pittoresque Mont Tai, dans la province du Shandong, a vu de longues files d'attente se former devant ses portes au cours de la nuit précédant l'ouverture du 1er mai.
Reprise du trafic aérien et ferroviaire
Tandis que les avions de nombreuses compagnies aériennes à travers le monde restent effectivement cloués au sol, les transporteurs commerciaux chinois amorcent un début de reprise. Selon les données du ministère des Transports, le nombre de passagers aériens quotidiens a plus que quadruplé depuis la mi-février, pour atteindre environ 780 000 le 5 mai. De même, le nombre de voyageurs empruntant les chemins de fer est passé de moins d'un million à environ six millions par jour au cours de la même période.
Les compagnies aériennes chinoises ont, pour l'essentiel, redémarré leur activité pour atteindre d'environ 50 % de leur capacité, un niveau bien supérieur aux 10 à 30 % constatés chez bon nombre de leurs homologues dans le reste du monde. Elles s'en sortent également nettement mieux sur le plan financier que les transporteurs commerciaux occidentaux, dont certains comptent sur le soutien des gouvernements pour survivre. Les grandes compagnies aériennes chinoises affichent des bilans relativement solides sans problèmes urgents de liquidités (le fait d'avoir l'État comme actionnaire principal apporte une assurance supplémentaire).
L'effondrement historique des cours du pétrole devrait profiter à la plupart des transporteurs chinois, qui ne détiennent que peu ou pas d’instruments de couverture du prix du kérosène dans leurs comptes. Or, le carburant représente environ 30 % de leur base de coûts.
Malgré cette amélioration, certaines difficultés subsistent pour les compagnies aériennes chinoises. Les vols internationaux se sont presque totalement effondrés, tandis que les voyages d'affaires intérieurs restent très limités. Les réservations font état d’une reprise lente de la demande et, au-delà du très court terme, la visibilité est très faible.
Chambres d'hôtel avec vue
L'épidémie a fait chuter le taux d'occupation des hôtels sous la barre des 10 % en février. Il a toutefois rebondi depuis, pour atteindre environ 50 %, selon nos vérifications auprès des opérateurs et des spécialistes du secteur.
Les hôtels de moyenne gamme se portent mieux que les établissements haut de gamme et bas de gamme. Le manque de voyageurs d'affaires ou internationaux a pesé sur la demande d'hôtels de luxe et les consommateurs chinois pourraient également resserrer leur budget. Pourtant, les réductions tarifaires se sont multipliées et certains établissements cinq étoiles de Shanghai offrent même des remises allant jusqu’à 50 %. À l'autre bout du spectre, les hôtels les moins chers ont également fait face à des difficultés, en raison notamment de l'impression largement répandue qu'ils pourraient accorder moins d'importance à la propreté.
Réservations de voyages
Les réservations de voyages sont revenues à environ 60 % de leurs niveaux habituels, malgré les fortes remises proposées par les voyagistes pour maintenir leur activité. Le célèbre parc à thème Happy Valley de Shenzhen, par exemple, propose des forfaits annuels pour 365 renminbis chacun, contre 220 renminbis précédemment pour une visite unique.
Pour l'heure, les voyageurs chinois font preuve de prudence en privilégiant les voyages de courte distance. Ils sont ainsi nombreux à préférer quelques heures de route pour se rendre dans une ville voisine pendant le week-end, où ils peuvent passer une nuit et dépenser nettement moins que s'ils allaient plus loin en voyageant en train ou en avion.
Pour Hyomi Jie, gérant chez Fidelity, « les gens sont soulagés de laisser le pire derrière eux, il est toutefois irréaliste de s'attendre à une reprise en forme de V. Nous pourrions assister à une reprise progressive, d'abord du tourisme intérieur, puis des voyages de courte distance vers les régions où le virus est bien maîtrisé. En revanche, la visibilité reste faible quant à la normalisation des voyages internationaux long-courriers ».
La demande pourrait se déplacer des destinations internationales vers les séjours intérieurs, Hong Kong et Macao étant encore largement interdits aux visiteurs du continent et les voyages outre-mer restant peu pratiques, compte tenu des nombreuses mesures de confinement et de quarantaine en vigueur dans le monde.
Quelles sont les conditions d'une reprise complète du tourisme en Chine ? Considérant le tourisme comme un élément clé de la consommation intérieure, les responsables politiques chinois ont déployé des mesures de relance pour soutenir le secteur. Plusieurs provinces proposent des chèques-vacances aux touristes, qui peuvent les utiliser pour régler leurs frais de visite, de restauration et de shopping. Les autorités municipales de Huzhou, dans la province orientale du Zhejiang, ont ainsi distribué aux touristes des chèques-vacances d'une valeur de plus de 200 millions de renminbis depuis mars.
Toutefois, le rythme de la reprise dépendra surtout de la confiance des consommateurs chinois dans la pérennité de leurs emplois et la croissance de leurs revenus. La Chine a jusqu'à présent évité les licenciements de masse dans le cadre de la pandémie, mais on ignore encore comment elle fera face à l'effondrement de la demande mondiale de ses produits. Les voyages sont très appréciés des consommateurs chinois de la classe moyenne, même s'ils ne représentent pas une dépense aussi importante que le logement ou l'éducation. Il convient donc désormais de surveiller de près les données relatives à l'emploi, aux revenus des ménages et aux taux de défaut des entreprises.
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