Conjoncture
Prévisions comparées
Graphique du mois
Tout en confirmant l’impact négatif du COVID-19, les premières estimations de croissance du PIB du premier trimestre 2020 étaient globalement supérieures aux attentes. Les pays ayant adopté les mesures de confinement les plus strictes selon l’indice d’Oxford ont subi en moyenne une contraction plus marquée de leur activité. Malgré la réouverture actuelle des économies, les mesures de confinement auront été en moyenne plus strictes au deuxième trimestre qu’au premier, ce qui laisse prévoir un décrochage du PIB encore plus net. Les statistiques économiques confirment toutefois l’installation d’une reprise progressive durant la deuxième moitié du deuxième trimestre et les conditions d’un éventuel retour aux confinements nationaux devraient se durcir considérablement au fil du temps.
Etats-Unis
Chômage : vraiment temporaire ?
La publication des chiffres de l’activité d’avril a enfin dévoilé l’ampleur des effets du coronavirus sur l’économie américaine, qui pèsent surtout, comme prévu, sur les services. Les ventes de détail ont plongé de 16% sur un mois tandis que la production industrielle reculait de « seulement » 11%. Ces deux chutes sont inédites, alors même que les premières statistiques de production industrielle remontent à 1919. Nous pensons toujours néanmoins que la récession sera moins dure qu’en Europe, grâce à un confinement moins strict. En revanche, les Etats-Unis sont plus touchés sur le plan de l’emploi en l’absence de dispositif de chômage partiel. Entre mi-mars et mi-mai, plus de 36 millions d’Américains se sont inscrits au chômage, dont le taux aurait dépassé 17% en avril sans la forte baisse de la participation au marché du travail. Toutefois, 78% des personnes sans emploi pensent que leur employeur les rappellera dans les six mois et sont donc comptées comme « temporairement au chômage ». Bien sûr, certaines le seront durablement cette année, mais nous pensons que les effectifs comme le taux de chômage redeviendront rapidement plus normaux après la levée des mesures de confinement. Nous estimons actuellement que le taux de chômage américain s’établira à environ 8% d’ici à décembre 2020.
L’inflation sous-jacente d’avril n’avait jamais autant chuté en un mois, sous l’effet des promotions massives offertes aux ménages sur les biens et services en raison de la crise. En outre, la faiblesse des prix de l’énergie a encore pesé sur l’inflation totale. Nous pensons que le plus-bas sera atteint en mai-juin, non loin de 0% d’inflation annuelle, avant que l’assouplissement des confinements et une certaine remontée des prix de l’énergie ne normalisent les statistiques d’inflation.
Zone euro
Ouverture (en cours)
D'après les révisions en baisse des prévisions de PIB du deuxième trimestre, le verre serait encore à moitié vide concernant la récession la plus sévère depuis des décennies. Il peut aussi paraître à moitié plein au vu de l’amélioration de l’actualité médicale en un mois. Les tentatives d’aplatissement de la courbe des infections ont permis de rouvrir l’économie plus tôt que prévu. Même une levée des interdictions de déplacement avant les congés d’été semble réaliste. Les dernières enquêtes sur le moral des entreprises indiquent que le pessimisme aurait passé son pic et les statistiques économiques commencent à dépasser légèrement les attentes des économistes. Les restrictions sont levées à des rythmes différents, qui influeront beaucoup sur le démarrage de la reprise. Selon les derniers indices de rigueur des mesures de confinement de l’université d’Oxford (voir le graphique du mois), le Luxembourg, la Slovénie et l’Autriche seraient actuellement les plus avancés dans la levée des restrictions. L’Italie a étonnamment mis fin à de nombreuses interdictions, pour empêcher son économie de souffrir davantage. L’Espagne et la France semblant bien plus réticentes, leur reprise devrait démarrer plus tard. Sur la scène politique, le plan de redressement franco-allemand pour l’UE devrait limiter les risques d’une « crise de l’euro 2.0 » à moyen terme.
Nous y revoilà : face à la coordination des politiques monétaires et budgétaires par les autorités européennes pour faire face à la crise, de nombreuses voix n’ont pas tardé à mettre en garde contre une flambée de l’inflation. Le choc de l’offre, puis de la demande, dû aux confinements a causé une sous-utilisation jamais vue d’infrastructures, de capacités de production et de main-d’œuvre par ailleurs intactes. L’écart de production ainsi créé doit d’abord être comblé avant que l’accélération de l’inflation ne représente un risque.
Allemagne
Le moral des entreprises remonte
L’économie allemande connaît une reprise timide, la levée des restrictions économiques intérieures n’ayant pas entraîné de flambée des nouvelles infections de COVID-19. Malgré ces premiers signes encourageants, le PIB aura selon nous reculé de 9,3% au deuxième trimestre par rapport au premier, qui avait déjà officiellement enregistré une contraction de 2,2%. Cette récession est indéniablement sévère pour l’Allemagne et pourtant nos prévisions pour l’année 2020 sont supérieures à celles du consensus, pour les raisons suivantes. Nous pensons que la récession touche moins l’Allemagne que les autres économies de la zone euro. D’abord, ses mesures de confinement n’ont jamais été aussi strictes qu’en Italie, en Espagne ou en France et elle a pu réactiver certains pans de son économie plus vite que ses voisins. Ensuite, la récession touche surtout les services, moins importants en Allemagne qu’en France. L’industrie manufacturière, la colonne vertébrale de l’économie allemande, devrait se remettre plus rapidement du choc de l’offre initial. Enfin, la marge de manœuvre budgétaire allemande est confortable. La plupart des enquêtes menées en mai auprès des entreprises confirment notre opinion selon laquelle le pire serait passé : les prévisions d’activité de l’indicateur Ifo du climat des affaires sont remontées à leur plus-haut en trois mois, tandis que la composante « Emploi » de l’indice des directeurs d’achats du secteur manufacturier reste supérieur aux planchers historiques enregistrés lors de la grande récession de 2008-2009.
France
Un lent déconfienement
Au premier trimestre 2020, le taux de chômage de la France métropolitaine était tombé à 7,6%, au plus bas depuis 2008. Rappelons qu’Emmanuel Macron avait axé sa campagne électorale en 2017 sur la promesse de réduire le chômage à 7% à l’horizon 2021. Puis vint le COVID-19. En mars déjà, l’économie française était durement touchée, avec une contraction du PIB de 5,8% au premier trimestre. Par rapport aux voisins italien et espagnol, où le virus fut encore plus meurtrier, les chiffres français sont particulièrement choquants. La méthode d’évaluation du PIB de mars aurait sa part de responsabilité en cela que l’institut français de la statistique aurait principalement basé ses calculs sur des chiffres de production, et les taux d’utilisation des capacités extrêmement faibles de mars et d’avril ont sans doute joué ici un rôle majeur. Cette première estimation du PIB sera certainement révisée lorsque davantage de données seront disponibles, mais l’économie devrait chuter encore davantage au deuxième trimestre (-12% selon nous). L’indice de rigueur des mesures de confinement de l’université d’Oxford montre que celles de la France figuraient parmi les plus strictes. Plus important encore, le pays lève les restrictions beaucoup plus lentement que la plupart des autres pays européens. Si l’on ajoute que l’économie dépend particulièrement du secteur tertiaire et que la vie quotidienne ne se normalise que tout doucement, on peut s’attendre à ce que la France ne profite que tardivement d’une reprise déjà amorcée dans le reste de l’Europe.
L’énergie bon marché promet une inflation très faible en 2020. Pourtant, comme ailleurs en Europe, l’institut de statistique a eu du mal à estimer correctement les indicateurs économiques courants, certains prix étant purement et simplement indisponibles entre mars et mai. Les autres moyens d’estimer les prix sont difficiles à anticiper pour les prévisionnistes, ce qui suppose une marge d’erreur pour les projections à court terme.
Royaume-Uni
Lanterne rouge de l'Europe
Tandis que le continent plongeait dans la récession en mars, le calme régnait outre-Manche avant la pire tempête jamais essuyée en plusieurs décennies. Le PIB n’avait perdu que 2,0% au premier trimestre, moins que prévu, et le taux de chômage moyen sur trois mois avait même reculé à 3,9%, au lieu de monter comme s’y attendaient la plupart des économistes. Sans avoir encore tous les chiffres de la période de confinement, ceux dont nous disposons déjà confirment une chute libre de l’activité économique, qui nous a incités à réduire de nouveau notre estimation de croissance 2020, de -4,3% à -5,7%. En avril, les immatriculations d’automobiles étaient quasiment au point mort (-97% sur un an), les ventes de détail ont baissé de 18% par rapport à mars et les nouvelles inscriptions au chômage ont atteint un record, à 856 000. L’indice composite des directeurs d’achats (PMI) du secteur manufacturier n’indique pas d’amélioration en mai : à 28,9, l’indice instantané est ancré très loin dans la contraction, bien en deçà des PMI d’Allemagne, de France ou des EtatsUnis, où le déconfinement est plus avancé. Les nouveaux cas quotidiens de COVID-19 ne ralentissent que lentement dans le pays d’Europe qui compte dorénavant le plus de décès dus au virus. Un retour rapide à la normale semble donc exclu. Les magasins non essentiels ne pourront rouvrir qu’à partir du 15 juin et, quand les autres pays ouvrent leurs frontières aux touristes, le Royaume-Uni instaure des règles de quarantaine strictes à sa frontière. Il se peut donc que nos prévisions de croissance soient encore revues à la baisse.
La crise du coronavirus est désinflationniste par nature, comme l’a confirmé la faible inflation d’avril. L’indice sous-jacent a reculé à 1,4%, tandis que les bas prix de l’énergie portaient l’inflation totale à 0,8%. Nous prévoyons une nouvelle chute en mai avant que la reprise de l’activité, et peut-être un rebond des prix de l’énergie, ne normalisent les taux d’inflation.
Suisse
La pharmacie sauve l'économie
Parallèlement au déconfinement mené en mai, plusieurs indicateurs à haute fréquence dénotent une reprise progressive. TrendEcon, indicateur calculé à partir des recherches sur Google, est revenu aux niveaux de début mars. L’indicateur de mobilité du KOF de l’ETHZ a récupéré à peu près la moitié de sa chute de mars. Les paiements par carte dans les magasins de proximité ont enregistré un nouveau pic annuel, en partie parce qu’ils ont remplacé le liquide et que les achats des touristes étrangers ont disparu. La courbe de température mise au point par les chercheurs Burri et Kaufmann de l’université de Neuchâtel à partir des statistiques des marchés financiers et des titres de la presse reste élevée mais ne cesse de refluer depuis son plus-haut de mi-mars. Tandis que l’incertitude reste très marquée, certains chiffres confortent notre vision plus optimiste que le consensus. En outre, la hausse annuelle de 0,8% de la production industrielle au premier trimestre montre que la composition de l’industrie en Suisse lui profite dans la crise actuelle, puisque la production pharmaceutique a augmenté de 26,7%, compensant la baisse enregistrée dans tous les autres secteurs manufacturiers. Nous pensons aussi que les conditions du retour d’un confinement à l’échelle nationale sont très loin d’être atteintes, en particulier en Suisse, où les équipements sanitaires de la plupart des cantons n’ont jamais craint la surchauffe. Malgré la reprise progressive de mai, nous pensons que le taux de chômage montera à 4,5% au second semestre, pour ne s’améliorer aux alentours de 4% que vers fin 2021.
Les prix à la consommation ont diminué de 1,1% sur un an en avril 2020, plus que nous ne le pensions. La déflation aurait atteint -0,6% sans la chute de 16,7% des prix des produits pétroliers. Les prix des biens, surtout importés, ont plus reculé que ceux des services. L’OFS note que, dans certaines catégories, seulement 25% à 75% des prix étudiés d’habitude étaient disponibles.
Japon
Victoire sur la deuxième vague
Le Japon semble s’être bien sorti du numéro d’équilibriste entre maîtrise de l’épidémie et restrictions de la vie quotidienne. La deuxième vague d’infections qu’il a connue en avril reflue rapidement et l’Etat a mis fin à l’état d’urgence qu’il avait déclaré le 4 avril. Si la plupart des mesures de confinement étaient volontaires (notamment pour des raisons constitutionnelles), la brillante gestion de la deuxième vague montre que les Japonais ont suivi les recommandations officielles. L’impact sur l’économie en avril et mai sera tout de même notable. Si le PIB et les enquêtes du premier trimestre ont surpris dans le bon sens, les indicateurs de sentiment économique dénotent une forte contraction dans l’industrie comme dans les services en avril et en mai. Bizarrement, le Japon ne bénéfice toujours pas de la normalisation de l’économie chinoise. Le déficit commercial avec la Chine s’est fortement creusé en avril et la composante « Exportations » de l’indice des directeurs d’achats est tombée à son plus-bas absolu, à 30 points, en mai. Nous attendons toujours une amélioration en juin, mais le rebond sera sans doute modéré. En revanche, la réaction politique pourrait se révéler d’autant plus musclée et, d’après les médias, le second budget additionnel présenté par le gouvernement contiendrait davantage de dépenses publiques directes que prévu initialement.
L’inflation totale a chuté à 0,1% en avril et sera négative les mois suivants. Outre le recul des prix de l’énergie, les mesures du gouvernement pour l’école gratuite ont encore fait reculer l’indice des prix de l’éducation (-10% sur un an), tandis la baisse de la demande due au virus fait chuter les prix en particulier dans la composante « culture et divertissement ». Nous pensons que l’inflation mensuelle repassera en territoire positif d’ici au deuxième trimestre 2021.
Chine
Objectif de croissance abandonné
Fait inédit depuis des décennies, le Congrès national du peuple, qui expose les orientations économiques et sociales de la Chine pour l’année, a annoncé l’abandon de l’objectif de croissance. Cette décision donne une idée de l’immense incertitude qui place sur l’impact économique de la pandémie. Le marché du travail devant jouer un rôle essentiel pour relancer la demande chinoise, le gouvernement a misé sur la stabilisation de l’emploi, ce qui a porté l’objectif de déficit budgétaire de 2,8% à 3,6%, et 1 000 milliards de yuans d’obligations affectées au COVID-19 seront émises pour soutenir le marché du travail. L’investissement dans des grands projets comme le réseau 5G ou les voitures électriques devrait aussi être revu à la hausse et reformera sans doute un jour le pilier de la croissance chinoise. Si le programme économique du pays n’a surpris personne, son projet de « loi sur la sécurité nationale » visant Hong Kong est plus inquiétant. Non seulement cette annonce a relancé les manifestations hong-kongaises, mais elle a exacerbé le conflit existant avec les Etats-Unis. Les tensions entre les deux pays se sont brusquement envenimées, pour glisser des questions commerciales aux domaines financier, technologique et géopolitique. Les discours sinophobes devraient se multiplier avec l’approche de la présidentielle américaine sachant que l’intransigeance à l’égard de la Chine reste un élément clé de la campagne de Donald Trump.
L’inflation totale d’avril a reculé davantage que prévu, du fait de la modération des prix alimentaires, en particulier ceux du porc, dont les stocks continuent de se reconstituer après le choc de la fièvre africaine qui avait décimé un tiers du cheptel de porcins de boucherie l’an dernier. L’inflation sous-jacente a également légèrement reculé pour atteindre un plus-bas à 1,1%, contre 1,2% précédemment, reflet d’une demande atone.
Marchés financiers
Taux d’intérêt & obligations - Les banques centrales ne peuvent inventer des emplois
Etats-Unis
– La plupart des Etats fédérés ont commencé leur déconfinement, avec à la clé une amélioration des indicateurs de sentiment économique malgré une hausse continue des chiffres du chômage.
– Stimulée par un programme d’achat d’actifs sans précédent de la Fed, étendu aux obligations à haut rendement, la liquidité du marché a considérablement progressé malgré une nette diminution des achats de bons du Trésor depuis fin mars.
Zone euro
– Suite à un net recul de leurs taux d’infection, la plupart des pays ont assoupli le confinement. Si les indicateurs de sentiment économique se redressent, ils reflètent toujours une situation récessionniste.
– La proposition de création d’un fonds de relance européen de 500 milliards d’euros et les perspectives de mesures supplémentaires de la BCE ont fortement soutenu les actifs risqués.
Royaume-Uni
– Malgré des chiffres supérieurs aux attentes au premier trimestre, les enquêtes annoncent une chute inédite de l’activité en avril-mai.
– La Banque d’Angleterre va certainement augmenter ses achats d’actifs et pourrait même recourir aux taux négatifs s’ils sont nécessaires à la relance.
Suisse
– La Suisse a brillamment réussi à aplatir la courbe des infections à ce jour, ce qui devrait l’aider à se redresser plus rapidement que les autres pays.
– La quête de valeurs refuge force la BNS à poursuivre sa lutte contre l’appréciation rapide du franc.
Japon
– Le Japon est en récession depuis octobre 2019 et le pire devrait arriver au second semestre 2020.
– La Banque du Japon a supprimé toute limite à ses achats d’obligations et lancé un plan de soutien au financement des entreprises. Des aides aux PME pourraient suivre.
Face au recul de l’infection, la plupart des pays développés procèdent à la levée de leurs restrictions. Chaque semaine apporte son lot de nouvelles sur le démarrage des essais cliniques d’un nouveau vaccin possible et les indicateurs de sentiment économique remontent timidement. La performance des actifs risqués pourrait laisser penser que nous sommes décidément prêts pour une reprise en V, soutenue par les milliers de milliards des banques centrales et par des mesures de relance budgétaire jamais vues. La hausse des deux derniers mois nous laisse toutefois sceptiques. Certes, les injections de liquidités ont contribué à éviter la déroute des marchés et la réponse budgétaire, quoique inégale, fut rapide et de taille à éviter l’effondrement de l’économie mondiale. Des failles vont toutefois apparaître : les faillites augmentent déjà et le chômage s’envole. L’endettement des entreprises a débouché sur des volumes d’émission record ces dernières semaines, alors qu’une baisse des résultats semble presque inévitable, ce qui fragilise nombre d’entreprises dans un contexte d’érosion de la demande. S’ajoute un regain de tensions entre les Etats-Unis et la Chine. Une reprise progressive en U nous semble ainsi bien plus réaliste. Nous restons donc défensifs sur le crédit, sans négliger certains secteurs ou émetteurs prometteurs. Les rendements des emprunts d’Etat à dix ans devraient diminuer au cours du mois qui vient.
Actions - Quelle durée pour une dynamique mue par les Etats ?
Etats-Unis
– L’assouplissement des restrictions dues au virus a profité au marché d’actions, qui célèbre l’élimination progressive des freins à la vie sociale et économique ainsi que la politique monétaire favorable, tout en ignorant la dégradation des relations sinoaméricaines, les risques d’une deuxième vague d’infection et de sombres perspectives économiques.
– Même au vu des facteurs ci-dessus et de la nette remontée des valorisations depuis mars, nous pensons toujours que la Bourse américaine dépassera légèrement les autres marchés d’actions, notamment grâce à la politique favorable de la Réserve fédérale.
Zone euro
– Les actions de la zone euro ont participé à la remontée, mais moins vivement que le marché américain.
– Si des confinements plus stricts ont sans doute joué un rôle, la sous-représentation des valeurs de l’internet dans la région représente la principale raison de cette sous-performance.
– La montée des tensions entre la Chine et les EtatsUnis ainsi que le conflit entre la Maison-Blanche et les réseaux sociaux réduisent cet avantage américain, ouvrant la voie à un rattrapage de la zone euro.
– Nous pensons néanmoins que l’impact limité de la politique monétaire et la difficile coordination des politiques budgétaires continueront d’entraver la performance de ce marché à court terme.
Royaume-Uni
– Les actions britanniques ont profité des mesures de relance monétaire et budgétaire mais les problèmes de fond s’accumulent malgré le déconfinement.
– Les sombres perspectives économiques et le retour des incertitudes liées au Brexit nous laissent prévoir une sous-performance de ce marché.
Suisse
– La nature défensive des valeurs suisses permet à la Bourse de traverser la crise sans grand dommage.
– Le marché devrait sous-performer maintenant que le sentiment économique est moins négatif.
Japon
– La situation se détend un peu au Japon, comme en témoigne la levée de l’état d’urgence à Tokyo.
– Nous restons neutres à l’égard du marché d’actions japonais.
Sachant que nous traversons actuellement l’une des pires crises économiques depuis la Grande Dépression, il serait logique que les marchés d’actions soient en chute libre. Or, ces derniers se sont bien remis de leurs plus-bas du mois de mars, essentiellement pour deux raisons. La première, et la principale, réside dans la volonté des banques centrales de sauver l’économie « quoi qu’il en coûte » et la seconde, dans la vision prospective qui caractérise les marchés d’actions. Si le premier argument incite fortement à acheter pour profiter de la hausse, nous avons quelques doutes quant à la prescience du marché. Si les entreprises américaines ont généralement tendance à relever leurs estimations de bénéfices, ce n’est pas le cas cette fois-ci. De fait, la plupart des entreprises du S&P 500 ont revu en baisse leurs prévisions de résultats, quand elles ne les ont pas purement et simplement abandonnées. Ainsi, tandis que le marché d’actions reflète un avenir radieux, les fondamentaux sont brouillés, et les résultats publiés pourraient se révéler inférieurs aux attentes, ce qui ne laisse plus aux investisseurs que la politique des banques centrales comme principale justification d’achat. Pour notre part, nous pensons que le risque de baisse à moyen terme reste effectivement maîtrisé tant que les banques centrales conserveront leur posture accommodante.
Devises - L'EUR devrait de nouveau se déprécier
Etats-Unis
– Dans un environnement très favorable au risque, l’USD a reculé en mai, surtout face aux monnaies cycliques comme l’EUR, l’AUD ou les monnaies émergentes, à l’exception très notable de la GBP, qui s’est dépréciée par rapport à l’USD.
– Tout en estimant que l’économie mondiale se redressera progressivement au cours du mois qui vient, l’avenir économique que reflètent les marchés financiers nous semble excessivement optimiste et l’hostilité au risque pourrait resurgir, d’où notre vision positive de l’USD pour les prochaines semaines.
Zone euro
– En mai, l’EUR a profité de l’annonce d’un plan de relance de l’UE et s’est apprécié face à l’USD, au CHF, à la GBP et au JPY.
– Nous pensons que ce plan se heurtera prochainement à la réalité, ce qui pourrait modérer l’optimisme et faire replonger l’EUR. En outre, les perspectives économiques de la zone euro restent bien plus sombres qu’aux Etats-Unis ou en Suisse, ce qui pourrait accentuer la pression sur l’EUR en juin.
Royaume-Uni
– L’actualité politique, économique et médicale britannique négative en mai a pesé sur la GBP.
– En outre, les risques liés au Brexit devraient s’intensifier sachant qu’aucun progrès sensible n’a été enregistré à ce jour dans les négociations avec l’UE. Nous avons une vision négative sur le taux de change GBP/USD pour le mois qui vient.
Suisse
– La BNS a continué d’intervenir sur le marché des changes mais l’annonce de la création du fonds de relance de l’UE a apporté une détente bienvenue en mai. L’EUR/CHF s’approchait même de 1,07 à l’heure nous écrivions ces lignes.
– La hausse de l’EUR/CHF ne devrait pas durer car l’hostilité au risque pourrait resurgir dans un contexte de risques politiques élevés et de perspectives économiques incertaines.
Japon
– Dans un climat globalement favorable au risque, le taux de change effectif du JPY a reculé en mai.
– Redevenus plus optimistes sur l’USD, nous passons d’une vision négative à neutre sur l’USD/JPY.
La première quinzaine de mai fut relativement calme sur les marchés des changes : la volatilité implicite n’avait cessé de refluer depuis son pic de la mi-mars et la plupart des taux de change gardaient des marges de fluctuation bien définies depuis début avril. Et puis les choses ont commencé à bouger. Le mouvement le plus notable concernait l’EUR, qui s’est redressé durant la deuxième quinzaine, passant même la limite supérieure de la marge de fluctuation de 1,08-1,10 face à l’USD. L’élément déclencheur fut l’annonce du plan Merkel-Macron de création d’un fonds de relance européen d’une valeur de 500 milliards d’EUR, qui serait financé par une dette commune. L’EUR/CHF s’est également apprécié, ce qui devrait alléger temporairement la pression sur la Banque nationale suisse, qui intervient sans relâche pour empêcher le franc de passer en dessous de 1,05. Toutefois, nous ne partageons pas l’enthousiasme ambiant et pensons que l’EUR reculera en juin face à l’USD et au CHF. Tout d’abord, le projet de fonds de relance de l’UE se heurtera à de nombreux obstacles et les dissensions déjà constatées entre les pays membres devraient aller croissant. Ensuite, les perspectives économiques de la zone euro restent bien en deçà de celles de la Suisse ou des Etats-Unis, sous l’effet d’un risque persistant pour la dette souveraine des pays périphériques et de l’extrême lenteur avec laquelle la France semble s’extraire de sa paralysie économique. L’économie britannique est l’autre lanterne rouge européenne, plombée par la résistance de l’épidémie, par un déconfinement tardif et par l’incertitude liée au Brexit, puisque les pourparlers commerciaux avec l’UE n’ont enregistré aucun progrès significatif. Nous tablons sur un recul de la GBP par rapport à l’USD au cours du mois qui vient.
Allocation d'actifs
Jusqu’où l’intervention des banques centrales est-elle souhaitable ?
Résumé
– Les marchés financiers se sont bien remis de leurs plus-bas de mi-mars 2020. Si l’assouplissement des mesures de contrôle de la pandémie a certainement contribué à améliorer le sentiment du marché, la forte remontée de ces dernières semaines tient surtout à l’important train de mesures budgétaires et, surtout, monétaires. La nouvelle augmentation du bilan des banques centrales pourrait toutefois se révéler problématique pour l’économie à long terme, mais aussi limiter leur capacité d’intervention si la situation se dégradait encore. Le risque pour les investisseurs nous semble donc croissant.
Taux d’intérêt et obligations
– L’extension du programme d’achat d’actifs de la Fed aux obligations d’entreprises a permis de stabiliser les écarts de crédit, actuellement bien en deçà de leurs niveaux au plus haut de la crise, mais toujours plus élevés que fin 2019.
– On peut douter de la pérennité de cette hausse au vu de la dégradation croissante de la qualité de crédit de la plupart des entreprises. A court terme, nous préférons néanmoins les obligations privées aux emprunts d’Etat, les premières devant profiter du soutien des banques centrales et de l’embellie du sentiment économique.
Actions
– La politique d’assouplissement quantitatif des banques centrales a également servi les actions, qui se sont très nettement appréciées par rapport à leurs plus-bas. En conséquence, les valorisations semblent particulièrement élevées sachant que les perspectives d’évolution des fondamentaux n’ont rien d’encourageant. Malgré le soutien de la politique monétaire, nous restons donc prudents et conservons une opinion plutôt négative à l’égard des actions.
Dans notre dernière édition, nous rappelions que l’issue de la crise du COVID-19 était difficile à prévoir, comme l’attestait, entre autres, la dispersion considérable des prévisions de PIB des différents économistes. Les banques centrales redoutent qu’une vente massive d’actifs risqués due à cette imprévisibilité n’engendre de graves difficultés pour les entreprises, sous la forme d’une hausse des taux de refinancement. Comme tel fut le cas déjà en 2008, les banques centrales ont paré à cette menace en achetant toutes sortes d’actifs risqués, ce qui a encore gonflé leurs bilans des deux côtés de l’Atlantique.
Implications pour notre portefeuille
– Ces deux derniers mois nous ont montré que les investisseurs faisaient confiance aux banques centrales pour conserver pendant une longue période leur politique accommodante. La nécessité de maîtriser la taille des bilans de ces institutions devrait toutefois limiter le potentiel d’une appréciation des titres risqués exclusivement imputable à la distribution de liquidités. Nous restons donc prudents et maintenons un léger biais défensif sur nos portefeuilles.
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