C’est le sentiment de fièvre qui règne sur l’ensemble des marchés de matières premières qui nous permet d’évoquer ce film culte des années disco. En effet, un petit parfum des 70’s flotte sur cet automne : le terme stagflation revient à la mode tandis que la Grande-Bretagne semble renouer avec les ruptures d’approvisionnement du « Winter of discontent » qui avait amené Margaret Thatcher au pouvoir en 1979. Cependant, la rotation accélérée des scénarios économiques au cours des derniers mois nous parait être avant tout la conséquence d’une situation inédite qui a du mal à se stabiliser. De ce fait, il nous parait encore un peu prématuré de ressortir les cols « pelle à tarte » et les pattes d’éléphants. En revanche, la fièvre des marchés de matières premières et plus particulièrement de l’énergie nous parait plus durable.
La machine perpétuelle économique n’existe pas !
Au cours des derniers mois, les perspectives concernant l’économie mondiale sont passées de la croissance perpétuelle au retour immédiat de l’inflation puis maintenant à la stagflation. Ces différents thèmes nous apparaissent avant tout comme une vision exagérée et grossie de la phase de reprise dans laquelle nous nous situons.
Tout d’abord, nous avons eu les joies de l’invention de la machine perpétuelle : quelque soit le choc économique, il suffit de faire du déficit et de la création monétaire ad libidum pour remettre en route la machine. C’est techniquement vrai mais cela finit toujours par générer des effets secondaires qui finissent par devenir contre productifs.
Ensuite, nous avons eu l’inflation liée à la reprise des économies et à des comparaisons avec des chiffres extrêmement déprimés. Aujourd’hui, nous sommes confrontés d’une part à un ralentissement de la croissance qui était anticipé et d’autre part à l’émergence de contrecoups négatifs aux politiques de stimulations qui l’étaient moins : l’apparition de goulot d’étranglement et de pénuries sur certains biens et matières premières. En effet, si la demande a été soutenue, l’investissement et la production ont plus soufferts de l’épidémie. Les hausses de prix structurelles sont donc une indication de ce déséquilibre entre une demande soutenue mais encore sous assistance et une offre qui est contrainte par les stigmates de la crise. Le ralentissement de la croissance devrait soulager ces tensions et l’investissement devrait s’accélérer dans les secteurs les plus contraints. Nous considérons que ces développements sont plutôt sains car ils démontrent que la machine perpétuelle économique n’existe pas et que l’abus de politique économique (comme l’abus de médicament) finira par générer des symptômes néfastes.
Il est donc clairement prématuré de déclarer le démarrage d’une nouvelle ère de « stagflation ». En revanche, il apparait clairement que le taux d’inflation moyen sera plus important dans les années qui viennent par rapport à la décennie précédente. En effet, le trend concernant la cherté des prix de l’énergie nous semble plus structurel.
L’illusion de la transition énergétique à faible coût
L’épisode actuel de hausse des prix de l’énergie même s’il est avant tout la conjonction de plusieurs phénomènes (reprise post covid, non entretien de certains actifs durant l’année précédente, automne froid et sans vent en Europe) montre à la fois l’avancée mais également l'illusion de la transition énergitique à faible coût.
En effet, il apparait que la disparition progressive des actifs carbonés est en partie actée avec par exemple l’annonce de la fin du financement de nouvelles centrales à charbon à l’étranger par la Chine (mais malheureusement pas sur le marché domestique) ou bien l’absence de mise en production de nouveaux champs pétrolier majeurs. En revanche, l’investissement dans les capacités renouvelables est clairement insuffisant du fait d’un manque de rentabilité relative. Ainsi, en dépit de l’amélioration sensible du prix de revient des énergies renouvelables (selon l’agence internationale pour l’énergie, le solaire est désormais l’électricité la moins chère de la planète) l’écart de coût avec les énergies fossiles n’est pas encore suffisant pour que la substitution s’accélère. L’inertie des systèmes énergétiques ne sera vaincue que si les prix de revient des énergies carbonées augmentent sensiblement et durablement. La hausse de la taxe carbone serait un moyen de doper la rentabilité relative des renouvelables, mais si cela devait s’avérer insuffisant, les prix des énergies fossiles, dont la production est naturellement contrainte par l’absence de perspective à plus de 30 ans, serviront de variables d’ajustement pour stimuler l’investissement dans les énergies renouvelables.
Il faudra probablement également revoir une partie de l’approche ISR qui semble favoriser la tech et le logiciel et pénaliser la production d’énergie en général (hors pure-player du renouvelable). Devant l’importance des investissements rendus nécessaires, nous n’avons pas de doute sur le fait que les analyses vont se faire plus discriminantes entre les énergéticiens globaux qui acceptent et œuvrent dans le sens de la transition et les autres.
Notre positionnement
Nos portefeuilles ont bien résisté à la correction de début octobre. Notre exposition significative aux valeurs énergétiques nous a permis de bénéficier de la hausse du prix du pétrole. A contrario, l’allègement sur les actifs liés aux taux d’intérêts nous a permis de ne pas être pénalisés par la hausse des taux liées aux craintes inflationnistes. Nous continuons donc dans ce contexte de privilégier les obligations américaines sur la partie longue de la courbe, le dollar américain et les matières premières.
Gilles ETCHEBERRIGARAY, DG et Directeur des investissements
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