Après 18 mois de performances exceptionnelles, la plupart des mesures de valorisation des marchés actions semblent historiquement élevées en termes absolus. Depuis une dizaine d’années, l’indicateur le plus prisé par les investisseurs qui misent sur une baisse des actions sur le long terme est le ratio cours/bénéfices corrigé des variations cycliques de Shiller (CAPE).
Je n’en suis personnellement pas très friand, car il a la fâcheuse habitude de partir dans tous les sens sans réelle évolution des cours. Le ratio CAPE divise la somme des bénéfices par le cours actuel sur la base d’une période glissante de 10 ans, et a dès lors tendance à s’inscrire en baisse (signe d’une amélioration des valorisations) lorsqu’une récession se redresse légèrement au-dessus du seuil de la décennie précédente.
S’il peut sembler curieux de s’appuyer sur une méthode aussi rétrospective, on ne peut nier son efficacité pour définir la fourchette de performance des 10 années suivantes, comme le montre la ligne bleu clair dans la Figure 1 (axe inversé de droite). Le ratio CAPE de Shiller ajusté en fonction de la performance totale atteint aujourd’hui des niveaux qui n’ont été observés qu’une seule fois depuis la dernière guerre, à l’occasion de la bulle Internet. Les voyants sont au rouge !
Figures 1 et 2 : Ratio CAPE de Shiller ajusté en fonction de la performance totale par rapport aux performances annuelles ; rendements des bons du Trésor américain à 10 ans par rapport aux performances annuelles
Source : Université Yale, Bloomberg, Columbia Threadneedle, octobre 2021
Cependant, la valorisation des actions ne se fait pas en vase clos. La corrélation entre les rendements obligataires et les performances ultérieures (Figure 2) est à la fois plus impressionnante et beaucoup moins surprenante que celle entre les valorisations absolues des actions et les performances ultérieures. En effet, alors que les actions offrent une vague promesse de participation à la croissance future de l’économie, la promesse des obligations se cantonne au versement de leur coupon. Et cette promesse est aujourd’hui celle de performances très faibles. Dans quelle mesure le contexte de rendements déprimés fait-il donc paraître les valorisations des actions onéreuses en termes absolus ?
En rapprochant actions et obligations, nous pouvons examiner le rendement excédentaire qu’un ratio CAPE inversé (c’est-à-dire le rendement bénéficiaire corrigé des variations cycliques) offre par rapport aux bons du Trésor américain. La corrélation avec les performances des 10 années suivantes est moins marquée dans la Figure 3 que dans la Figure 1. De plus, certaines fluctuations importantes restent inexpliquées, à l’instar de la période qui correspond à un investissement au plus fort de la bulle Internet avec désinvestissement au plus fort de la crise financière mondiale, ou de celle qui correspond à un investissement au plus fort de la crise financière mondiale avec désinvestissement aux alentours d’aujourd’hui. Cela dit, il ne s’agit pas selon moi d’une méthode déraisonnable pour envisager l’impact des valorisations sur les performances à long terme. Sous cet angle, les rendements excédentaires « promis » par les actions par rapport aux obligations sont modérés, voire attrayants, mais sur une base obligataire faible en termes absolus.
Figures 3 et 4 : Ratio bénéfices/cours de Shiller par rapport aux performances annuelles ; variation annualisée du BPA à 12 mois anticipé par le consensus par rapport aux performances régionales annualisées
Source : Université Yale, Bloomberg, Columbia Threadneedle, octobre 2021. La Figure 3 montre le ratio bénéfices/cours corrigé des variations cycliques de Shiller, ajusté en fonction de la performance totale, et les performances annualisées sur les 10 années suivantes depuis 1945 ; la Figure 4 montre la variation annualisée du BPA à 12 mois anticipé par le consensus par rapport à la performance annualisée des régions/secteurs de l’indice d’actions MSCI All Country World, sur 10 ans jusqu’au 30 septembre 2021.
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