Les ruptures dans les chaines d’approvisionnement de semi-conducteurs destinés à l’industrie automobile n’ont pas permis aux constructeurs de redémarrer pleinement leur production après le brutal coup d’arrêt du printemps 2020.
Si plusieurs mois seront encore nécessaires avant un retour à la normale sur cet intrant désormais indispensable à la fabrication d’une voiture, cette pénurie pourrait se transformer en opportunité pour les constructeurs automobiles. Explications d’Alessandro Rovelli, Responsable de l’analyse crédit chez Aviva Investors France.
Pourquoi le secteur automobile est-il dépendant de l’industrie des semi-conducteurs ?
Les voitures sont aujourd’hui de véritables ordinateurs. Les semi-conducteurs, c’est-à-dire, les petites puces de silicium qui permettent de faire circuler des informations dans tout circuit informatique, sont notamment placés dans les tableaux de bord et permettent à de nombreux systèmes d’un véhicule (régulateur de vitesse, batteries, GPS, capteurs, airbag, etc…) de fonctionner correctement. Ils sont donc aujourd’hui aussi indispensables que le métal ou le plastique pour fabriquer une voiture. Au cours des cinq dernières années, les puces électroniques pour l’automobile ont connu une croissance de 32 %1 . Cette tendance ne peut que se renforcer avec la transition vers les véhicules électriques, qui peuvent contenir aujourd'hui jusqu'à 3.000 puces, soit 30 fois plus qu’un véhicule à combustion.
Quelles sont les raisons de la pénurie de semi-conducteurs à laquelle font face les constructeurs automobiles depuis plusieurs mois ?
Avec la pandémie de Covid-19, les constructeurs automobiles ont réduit sensiblement, voire stoppé sur certaines lignes, leur production au premier semestre 2020 et donc leurs achats de semi-conducteurs. Parallèlement, les fabricants de puces ont dû faire face à une très forte hausse de la demande de la part des secteurs de la téléphonie et du matériel informatique en raison de l’explosion des besoins de connectivité résultant de la crise sanitaire. En 2021, plusieurs facteurs ont également freiné la production et l’approvisionnement de semiconducteurs : la fermeture ponctuelle des usines de plusieurs fabricants à Austin lors de la vague de froid au Texas, l’incendie dans l’usine de Naka au Japon appartenant à Renesas Electronics, l’un des trois plus grands fournisseurs de semi-conducteurs, la fermeture de plusieurs ports en Chine pour contenir la reprise de l’épidémie ainsi que la fermeture en Malaisie, en raison de nouvelles mesures de confinement, de nombreuses usines de « packaging », la dernière étape avant la livraison des puces électroniques.
Un retour à la normale n’est pas prévu avant plusieurs mois. Pourquoi ?
L’industrie automobile représente moins de 10% de la demande adressée aux fabricants de semi-conducteurs. Lors de la réouverture progressive des économies fin 2020 puis en 2021, les besoins en semi-conducteurs de l’industrie automobile n’ont pas pu être honorés car l’industrie des semi-conducteurs avait redirigé une grande partie de sa production vers les secteurs technologiques, qui plus est plus rentables. Par ailleurs, l’industrie des semi-conducteurs se caractérise par une très forte inertie. Produire ces puces nécessite des investissements colossaux et des usines très spécifiques, avec notamment une atmosphère neutre et la réduction au maximum des micro vibrations. De plus, le délai entre la fabrication et la mise en service d’un semi-conducteur peut aller jusqu’à six mois.
Quelles sont les prévisions ?
Le cabinet d’études IHS Markit prévoit que les pénuries de semi-conducteurs dans le secteur automobile se prolongeront jusqu’au premier trimestre 2022, voire jusqu’au deuxième trimestre. Mais certains constructeurs automobiles n’envisagent pas de retour à la normale avant 2023. TSMC, le leader mondial des semi-conducteurs, s’est toutefois efforcé de réaffecter une partie de sa production pour soutenir le secteur automobile et tablait sur une réduction sensible de la pénurie de composants automobiles à compter du troisième trimestre 2021. En ce qui concerne le MCU, un semi-conducteur clé utilisé dans l'industrie automobile, TSMC prévoit une augmentation de la production de 60% par rapport à 2020, ce qui représente 30% de plus que le pic prépandémique de 2018. Mais l’industrie automobile utilise principalement des wafers (plaques) de 200 mm, une technologie mature pour laquelle les grands fabricants sont réticents à renforcer leurs capacités en raison du manque de disponibilité des équipements. ASML a toutefois indiqué cet été une augmentation significative de la capacité des outils conçus pour ce segment.
Quelles conséquences sur la production automobile et les résultats des constructeurs ?
Face à cette pénurie, tous les grands constructeurs automobiles ont dû à nouveau ralentir voire arrêter des lignes de production. IHS Markit2 estime la perte de production liée à cette pénurie à au moins 7 millions d’unités sur les neuf premiers mois de l’année. Le cabinet a réduit en septembre ses prévisions de production de véhicules légers de 6,2 % pour 2021, et de 9,3 % pour 2022, pour s'établir respectivement à 75,8 et 82,6 millions d'unités. Toutefois, la plupart des constructeurs automobiles n’ont pas encore eu à subir de pressions sur leurs marges car ils ont réussi à compenser la baisse des volumes par des hausses de prix. Lorsque les lignes de production pourront à nouveau fonctionner normalement, il est probable qu’ils aient à répondre à une forte demande de la part de clients n'ayant pas commandé de voitures pendant de long mois en raison des délais de livraison, avec là aussi la capacité de faire passer des hausses de prix. Enfin, la baisse de production de voitures neuves a littéralement boosté le marché de l’occasion avec notamment une flambée des prix de vente. La valorisation des entités spécialisées chez les constructeurs s’en est trouvée Face à cette pénurie, tous les grands constructeurs automobiles ont dû à nouveau ralentir voire arrêter des lignes de production. IHS Markit2 estime la perte de production liée à cette pénurie à au moins 7 millions d’unités sur les neuf premiers mois de l’année. Le cabinet a réduit en septembre ses prévisions de production de véhicules légers de 6,2 % pour 2021, et de 9,3 % pour 2022, pour s'établir respectivement à 75,8 et 82,6 millions d'unités. Toutefois, la plupart des constructeurs automobiles n’ont pas encore eu à subir de pressions sur leurs marges car ils ont réussi à compenser la baisse des volumes par des hausses de prix. Lorsque les lignes de production pourront à nouveau fonctionner normalement, il est probable qu’ils aient à répondre à une forte demande de la part de clients n'ayant pas commandé de voitures pendant de long mois en raison des délais de livraison, avec là aussi la capacité de faire passer des hausses de prix. Enfin, la baisse de production de voitures neuves a littéralement boosté le marché de l’occasion avec notamment une flambée des prix de vente. La valorisation des entités spécialisées chez les constructeurs s’en est trouvée sensiblement améliorée avec un effet sur la valorisation globale des sociétés qui ont développé cette activité.
Et à plus long terme ?
Les ruptures de chaines d’approvisionnement provoquées par la crise sanitaire pourraient finalement se transformer en opportunités pour les constructeurs automobiles. Dans un secteur où le rendement des investissements (ou retour sur investissement) est structurellement faible, les difficultés récentes mettent en lumière le fait que fonctionner avec de moindres stocks permet de mieux contrôler ses prix de vente et donc sa rentabilité, mais aussi que certains coûts fixes et variables peuvent être réduits. Les business models des constructeurs pourraient donc s’en trouver sensiblement modifiés avec une priorité désormais donnée aux marges plutôt qu’aux volumes. Avec la forte demande attendue de la part des consommateurs pour les véhicules électriques, les constructeurs peuvent aussi espérer à l’avenir amortir les investissements colossaux réalisés pour préparer la transition écologique et devenir progressivement rentable sur ces unités.
En Bref
- Les véhicules électriques, peuvent contenir aujourd'hui jusqu'à 3.000 puces, soit 30 fois plus qu’un véhicule à combustion
- Avec la pandémie de Covid-19, les constructeurs automobiles ont réduit, voire stoppé, leur production au premier semestre 2020 et donc leurs achats de semi-conducteurs
- L’industrie des semi-conducteurs avait redirigé une grande partie de sa production vers les secteurs technologiques
- Les pénuries de semi-conducteurs dans le secteur automobile se prolongeront jusqu’au premier trimestre 2022, voire jusqu’au deuxième trimestre
- Les business models des constructeurs pourraient s’en trouver sensiblement modifiés avec une priorité désormais donnée aux marges plutôt qu’aux volumes
Par Alessandro Rovelli, responsable de l’équipe Analyse Crédit chez Aviva Investors France
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