Guy Marty est Directeur général de l’IEIF (Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière).
Le rôle des économistes n’est pas de dire l’avenir, il est d’éclairer le présent. Le plus souvent, ils s’acquittent fort bien de cette tâche. Mais parfois le monde change vite, trop vite et les idées n’ont pas le temps de suivre.
L’immobilier est aujourd’hui une grande victime du retard des théories par rapport à la réalité : combien de fois avons-nous entendu dire qu’il était un investissement stérile, non-productif voire nuisible à la compétitivité ? Cela fut vrai autrefois, cela ne l’est plus aujourd’hui.
Les Trente glorieuses, qui sont une sorte de paradis perdu aux yeux de bien des politiques et des économistes, ont eu pour origine le progrès technique - avec l’électricité, le plastique, l’automobile, etc. – en même temps qu’une belle croissance démographique et une ouverture des frontières commerciales au sein de l’Europe. L’immobilier n’y était pour rien. C’est l’enrichissement créé qui a permis de construire et de mieux se loger. Il était plus utile d’investir dans les entreprises que dans la pierre.
La configuration est toute différente aujourd’hui. L’un des enjeux majeurs est la baisse de consommation en ressources énergétiques. Or dans les logements, les bureaux et les centres commerciaux des progrès considérables peuvent être effectués à cet égard, avec un impact significatif à l’échelle d’une économie nationale. Cela nécessite des investissements, tout en suscitant de nombreuses innovations et en mobilisant de nombreux emplois, et le résultat sera un service équivalent – le logement d’une famille ou d’une entreprise - avec moins de consommation de ressources : cela s’appelle gain de productivité. L’immobilier se trouve ainsi recentré, aussi bien dans l’activité de construction que dans son usage, au cœur de la croissance.
Mais il y a plus. Nous sommes entrés dans le « siècle des métropoles », selon le titre d’une récente étude de l’OCDE. Parce que les métropoles sont susceptibles de créer les conditions d’une alchimie entre capital, travail et innovation, ce sont elles qui tirent la croissance. Encore le font-elles plus ou moins bien : il y a un rapport direct entre le dynamisme économique d’une métropole et l’organisation de ses transports et de son marché du logement. Sait-on par exemple que si le Grand Paris tel qu’on commence seulement à le rêver aujourd’hui, avait été réalisé il y a une dizaine d’années, l’économie française connaitrait une croissance supérieure ces temps-ci, peut-être un demi-point ou un point de plus ?
On ne peut désormais analyser l’économie sans prendre en compte l’immobilier, pour le travail ou pour le logement. Cette évidence n’est pas encore présente dans les manuels d’économie…mais les investisseurs de par le monde, assureurs, institutionnels, fonds de pensions et fonds souverains ont d’ores et déjà entrepris de renforcer la part de leurs actifs constituée d’actifs immobiliers. C’est une tendance longue. Les particuliers auraient-ils tort de suivre cet exemple ?