Après un début d’année « euphorique » qui a permis aux cours de l’or d’atteindre $2070/oz le 8 mars 2022, renouant quasiment avec leur record d’août 2020 ($2075/oz), le marché s’est retourné. Si la guerre en Ukraine, et l’incertitude qu’elle suscite, constitue toujours un facteur de soutien important, la forte remontée des taux d’intérêt aux Etats-Unis et aussi dans le reste du monde pèse sur le marché de l’or.
Certes, le maintien de perspectives inflationnistes élevées demeure aussi un point positif pour ce dernier, mais ce sont surtout les taux d’intérêt réels qui guident la tendance. Or, la résolution affichée par la Fed de normaliser rapidement sa politique monétaire avec à la clé un relèvement potentiel de ses taux directeurs de 50pb à chacun des prochains FOMC n’est pas pour rassurer le marché.
Pour autant, et en dépit de ces vents contraires, la thématique de l’or et des mines résiste plutôt bien. Depuis le début de l’année, les cours du métal jaune demeurent en territoire positif ($ ~+1.5%) et ceux des mines aurifères également ($ +2%), en comparaison des marchés mondiaux (MSCI ACWI NR) en recul de 17.4% ($), soulignant par la même la diversification apportée par cette classe d’actif au sein d’une allocation globale.
En effet, alors que les taux réels 10 ans US étaient négatifs de -1.10% fin 2021, ils ont bondi depuis de plus de 140pb pour s’établir aujourd’hui à +0.30%, au plus haut depuis juillet 2019. Une remontée d’un telle ampleur aurait dû peser significativement plus sur les cours de l’or, ce qui semble confirmer que d’autres éléments, et la forte incertitude des investisseurs notamment, soutiennent la tendance.
Même constat du côté du dollar américain, au plus haut depuis 2002 (Dollar Index), dont la vigueur aurait dû également peser davantage sur les cours du métal jaune. Il semble que l’on se trouve dans l’une de ces périodes de fortes incertitudes durant lesquelles le billet vert est aussi considéré comme un actif refuge.
Dans cet environnement hautement incertain, le consensus a significativement revu en hausse ses anticipations pour 2022, tablant désormais sur des cours moyens de l’or à $1900/oz contre $1716/oz en début d’année.
Côté flux, un regain d’intérêt certain est à noter, et notamment du côté des ETF adossés à l’or, dont les encours ont progressé d’un équivalent de 260 tonnes depuis le début de l’année, recouvrant ainsi 90% des ventes nettes observées en 2021, pire année depuis 2013.
Le World Gold Council a publié son rapport trimestriel, toujours très attendu, quant à l’évolution de la demande et de l’offre d’or. Il en ressort une augmentation très significative (+34% - 1.234 tonnes) de la demande d’or durant le 1er trimestre de cette année par rapport à la même période en 2021.
La guerre en Ukraine et l’accélération de l’inflation ont constitué les facteurs les plus importants de cette évolution, et notamment au travers des ETF adossés à l’or dont les encours ont bondi de 244 tonnes durant les trois premiers mois de l’année. A noter cependant que la forte activité autour de ces derniers a contrebalancé une situation moins porteuse des autres constituants de la demande.
En effet, tant la demande bijoutière (474t) en recul de 7% (vs T1 2021), et en lingots et pièces (282t) en déclin de 20%, affectées par une demande plus faible en Chine et en Inde, que celle des banques centrales (84t) en baisse de 29%, ont pesé sur la tendance.
En revanche, la demande liée à la technologie (82t) a été la plus importante depuis 2018.
Du côté de l’offre, la production minière (856t) a atteint un record pour un 1er trimestre et le recyclage, (310t), soutenu par la hausse des cours de l’or, a augmenté de 15% par rapport au 1er trimestre 2021.
Quid des mines aurifères ?
Bien qu’en repli sensible (~-20% - $) par rapport à leur point haut de mi-avril, le secteur aurifère demeure en territoire positif depuis le début de l’année, ce qui est une performance en soit dans un environnement plutôt difficile. Il convient de retenir que les fondamentaux de l’industrie demeurent excellents avec une génération de cash sans précédent, grâce à une discipline financière en nette amélioration.
Le marché l’a bien compris si l’on en juge par la hausse des mines (+159% - $) relativement à l’or (+75% - $), depuis début 2016, soit un levier de performance de ~2x. Cependant, il convient de noter que le retard demeure encore conséquent si l’on se réfère à leur record historique de septembre 2011. Alors que les cours de l’or sont stationnaires depuis, ceux des mines aurifères sont toujours en retrait de presque 45% ($).
Pourtant, le sentiment du marché quant aux perspectives de l’industrie s’est nettement amélioré ces derniers mois, reposant notamment sur une anticipation plus optimiste de l’évolution à venir des cours de l’or, avec une moyenne attendue de $1900/oz pour l’ensemble de l’année contre $1716/oz en janvier.
Cela se traduit par une inflexion positive des perspectives bénéficiaires à 12 mois qui, même si elles demeurent en retrait de ~11% par rapport à la même période l’année dernière, se sont redressées de plus de 10% par rapport à leur point bas de mars dernier.
Valorisation de l’industrie aurifère
Très loin de refléter le niveau actuel des cours de l’or, la valorisation du secteur minier aurifère, en P/NAV, se maintient toujours proche des plus bas historiques ! A ~0,85x la NAV, les multiples de valorisation sont à un écart-type en deçà de la moyenne observée depuis juillet 2013 (~1,05x).
Force est de constater que le marché n’est toujours pas convaincu que l’industrie minière puisse générer de la valeur. Pourtant, toutes les conditions sont maintenant réunies pour ce faire.
Par Arnaud du Plessis, Gérant Actions Thématiques, et Vafa Ahmadi, Directeur de la gestion Actions Thématiques
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