Bâle 3 a mis en exergue le « risque d’erreur de modèle » à la suite de débâcles aussi retentissantes que spectaculaires, comme celle de Dexia. A l’époque, un rapport de l’ACP sur la banque franco-belge, achevé en avril 2010 mais non transmis à l’AMF, observait concernant Dexia qui avait acheté 100 milliards d’euros de titres complexes, que «le stock de produits dérivés sans modèle de valorisation est très important» et que d’autres produits sont «valorisés avec des méthodes non satisfaisantes ou tout le moins non validées en interne». Et encore : «Tout se passe comme si Dexia minimisait volontairement les ressources allouées aux travaux de développement et de validation des modèles».
Dans l’industrie bancaire tout produit est couvert, mais il l’est imparfaitement. Donc tout le rôle d’un modèle, c’est de réduire l’imperfection de la couverture. Pour améliorer l’efficacité d’un modèle il faut donc investir dans de l’ingénierie financière, et cela, Dexia ne l’a pas fait à la hauteur de la complexité de ce qu’elle a acheté.
Tous les établissements financiers sont concernés, pour leurs produits aussi simples que le crédit grand public ou aussi complexes que la titrisation, les options de nième génération, les dérivés de crédit… Et ce d’autant que la BRI et l’ACPR ne vérifient régulièrement que les modèles dits de solvabilité ; et non l’immense majorité des modèles utilisés dans les banques.
En Asset Management, on pense immédiatement à la gestion dite quantitative. Mais Sicav et FCP sont implicitement gérés à l’aide de modèles lorsqu’ils recourent à des logiques qualitatives (analyse financière, macro, chartisme, …). Quand un modèle génère de mauvaises performances parce qu’il est mal compris, ces gestions perdent leurs clients.
Prenons l’exemple du modèle de Black et Litterman qui répartit l’épargne entre tous les titres auxquels un gérant a droit. Il a été développé au début des années 90 chez Goldman Sachs par l’illustre Fisher Black. Que des grands talents réunis donc ! Et pourtant, 20 ans après, sa démonstration intégrale n’est toujours pas dans le domaine public ! Nous avons travaillé très longtemps sur ce modèle pour conclure qu’il ne fait pas ce que ses promoteurs disent qu’il fait ! Aujourd’hui la plupart des gérants actions utilisent Black Litterman comme une boite noire, sans se douter qu’ils le font de manière incohérente, incohérente parce que les formules employées ne se vérifiént qu’en présence de l’actif monétaire. Ce modèle n’a pas de sens pour les fonds purement actions, il ajoute donc un aléa à leurs performances. Vous avez dit « risque de modèle » ?
Gilles Desvilles, maitre de conférences au Conservatoire National des Arts et Métiers et consultant chez Rationnel-Finance