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Jean-Guillaume Péladan, gérant du fonds Sycomore Eco Solutions et directeur de la stratégie environnement, explique comment Sycomore AM en est venue à concevoir son  propre outil de mesure d’impact environnemental : la NEC.

Aujourd’hui, vous parlez de la NEC (Net Environnemental Contribution), un nouvel acronyme ?

Un acronyme et une marque oui, mais il s’agit avant tout d’un véritable outil, une métrique avancée sur laquelle nous travaillons depuis près de 3 ans. A l’origine, en juin 2015, nous devions répondre aux besoins d’un nouveau fonds écologique, Sycomore Eco Solutions, un fonds de conviction sans concession sur la sélection des valeurs pour garantir un impact environnemental relatif positif. Nous avions besoin d’une métrique capable de discerner les entreprises qui contribuent à la transition énergétique et écologique des entreprises dont les activités sont indifférentes ou opposées à celle-ci.  Comme les métriques existantes n’étaient ni satisfaisantes ni utilisables, nous en avons construit une nouvelle.

Les indicateurs disponibles sur le carbone, par exemple, consistent à diviser les émissions annuelles de gaz à effet de serre par le chiffre d’affaires, pour l’intensité carbone, ou par la capitalisation boursière, pour l’empreinte carbone. Ces ratios présentent plusieurs problèmes au niveau du numérateur, car ils ne comptent pas les émissions évitées, appelées scope 4. Et parce que nous disposons rarement du scope 3(1) qui représente en réalité la plus grande partie des émissions, par exemple, 97% dans le cas d’une voiture.

Avec la NEC, nous cherchons à mesurer en relatif l’impact physique net des activités : nous évaluons, pour chaque activité, les impacts positifs et négatifs, en les rapportant à une unité fonctionnelle pertinente, la tonne.km pour le fret, le m2 pour la construction, le kg de nutriment pour les aliments, etc. Nous aboutissons à un classement relatif, de -100% à +100%. A titre d’illustration, en matière de mobilité des personnes, le train, le tram, le vélo et la marche à pied se positionnent à +100%, la voiture est autour de 0%, et l’avion est à -100% s’il s’agit d’un vol courte distance et à -17% sur un long courrier.

C’est assez intuitif…

C’est vrai. En matière alimentaire, les légumes bio sont à +100%, les œufs bio à +33%, un œuf non bio à 0% et la viande de bœuf en élevage intensif à près de -100%.

Mais parfois les enseignements sont contre-intuitifs. Ainsi, il apparaît que les vêtements synthétiques ont moins d’impact écologique que le coton (essentiellement en raison de la forte consommation d’eau induite). Cela incite à s’intéresser à des matériaux alternatifs comme le Tencel® à base de fibres de bois élaboré par l’autrichien Lenzing qui affiche une NEC à +100% sur ses fibres spécialisées.

Mais est-ce que parfois certaines innovations mises en avant par les industriels ne sont pas en trompe l’œil ?

Oui, cela arrive. Face au green washing, le recours aux consultants spécialisés de I Care & Consult et de Quantis et le fait de s’appuyer sur des études indépendantes et des avis de parties tierces sont précieux. Ma formation d’ingénieur et l’expérience acquise chez Suez Environnement et à l’ADEME(2) m’aident aussi beaucoup à prendre du recul par rapport à certains discours.

Avec notre méthodologie NEC, qui dépasse la seule question du carbone, nous avons noté plus de 1 000 entreprises en prenant en compte 5 domaines (climat, biodiversité, air, eau et déchets). Je pense que nous disposons maintenant d’un outil robuste même si nous restons modestes.

En effet, les approximations sont nombreuses et les données fiables souvent manquantes, ce qui oblige à faire de nombreuses hypothèses. Mais grâce à une démarche ouverte et transparente, nous espérons améliorer encore la NEC.

Voir aussi

1) Le scope 3 scope 3 est l'un des trois périmètres d'émissions de gaz établis dans le GHG Protocol (Green House Gas Protocol), protocole concernant les gaz à effet de serre, qui a été lancé en 2001 par le WBCSD (World Business Council for Sustainable Development) et le WRI (World Ressources Institute). Ce protocole a pour but d’harmoniser la lutte contre le changement climatique à l’échelle mondiale. Il sert à quantifier l'ensemble des impacts générés par la production et la consommation d'un produit. Il est divisé en 3 « scopes » qui correspondent à des périmètres d’émission :

•Le scope 1 correspond aux émissions directes résultant de la combustion d’énergies fossiles, telles que le gaz, pétrole, le charbon, etc.

•Le scope 2 est relatif aux émissions indirectes liées à la consommation de l'électricité, de la chaleur ou de la vapeur nécessaire à la fabrication du produit.

•Le scope 3 correspond à toutes les autres émissions indirectes, telles que l'extraction de matériaux achetés par l'entreprise pour la réalisation du produit ou les émissions liées à l’usage du produit ou encore au transport des salariés et des clients venant acheter le produit. C’est la part la plus importante des émissions d’une entreprise.

2) Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie