Pourquoi la biodiversité est-elle devenue un thème d’investissement majeur ?
Cette thématique d’investissement a longtemps évolué dans l’ombre de l’investissement pour le climat. Désormais, la lutte en faveur de la biodiversité s’impose comme une urgence dans l’urgence.
En 2009, une équipe de chercheurs basée à Stockholm a quantifié les risques que l’impact de l’homme a sur la planète et plus précisément sur les 9 grands processus impliqués dans le fonctionnement du système Terre : le climat, la biodiversité, les forêts, le changement d’usage des sols, le cycle de l’eau douce, l’acidification des océans, la perturbation des cycles biogéochimiques, les aérosols émis dans l’atmosphère et l’évolution de la couche d’ozone. Chaque limite franchie déstabilise l’environnement planétaire. Aujourd’hui, 6 limites ont déjà été atteintes dont l’érosion de la biodiversité.
La finance se retrouve de facto en première ligne. En effet, selon le FMI (Fonds Monétaire International), près de la moitié du PIB mondial dérive directement de services écosystémiques rendus à l’homme par la nature, qu’il s’agisse de l’approvisionnement en ressources ou encore de la régulation de la nature (pollinisation, régulation de l’érosion). La préservation de la biodiversité est ainsi une nécessité vitale pour la sauvegarde de pans entiers de l’économie et les besoins en capitaux pour la préserver et la restaurer sont considérables.
Malgré tout, cette thématique reste complexe à aborder pour un gérant…
En effet. Le principal obstacle réside dans la difficulté à obtenir des données objectives et fiables d’un point de vue scientifique. De fait, la mesure de la biodiversité est bien plus complexe que celle du climat. Or, pour un investisseur, bien mesurer c’est pouvoir s’assurer d’avoir pris des décisions fondées. Ce manque de maturité ne doit toutefois pas constituer un frein. Au contraire, mieux vaut s’y intéresser dès maintenant avec la certitude qu’au fil des mois et des années la disponibilité des données deviendra de plus en plus importante. Tout le travail des gérants consiste, dans ce cadre, à bâtir une méthodologie solide.
Justement, quelle méthodologie a été retenue par Ofi Invest Asset Management ?
Nous sommes partis des 5 pressions qui pèsent aujourd’hui sur la biodiversité, telles que définies par l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) : le changement d’usage des terres et des mers, la surexploitation des ressources, le changement climatique, les pollutions et les espèces exotiques envahissantes. Nous évaluons quelles sociétés exercent, de par leur activité, ces pressions, le niveau de pression exercé (faible, moyen, élevé) et comment elles y remédient. Pour cela, nous avons sélectionné 70 indicateurs afin de bâtir un score pour juger les pratiques de chaque entreprise. Nous attribuons un bonus au score des sociétés dont les produits et services offrent des solutions pour préserver, voire restaurer, la biodiversité. Derrière cette méthodologie, une conviction forte nous anime : la non-gestion de la biodiversité pénalisera, à terme, la santé financière des entreprises.
Cet univers reste malgré tout très large.
Comment aboutissez-vous à vos décisions d’investissement ?
In fine, la performance financière attendue reste un critère décisif. L’investissement dans des thématiques durables ne doit pas être synonyme de renoncement à la performance. Pour sélectionner les valeurs, nous nous focalisons sur 3 piliers d’analyse : notre modèle interne d’analyse des impacts négatifs sur la biodiversité, notre analyse des critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) et notre analyse financière des sociétés. Enfin, nous associons nos investissements à une démarche de dialogue et d’engagement avec les sociétés afin de les accompagner vers plus de prise en compte de la biodiversité dans leurs activités.
Les limites planétaires sont les 9 seuils que l’humanité ne devrait pas dépasser pour ne pas compromettre les conditions de vie sur Terre.
La biodiversité est en condition de risque grave.
En dessous de 10 espèces perdues par an pour 1 million, l’érosion de la biodiversité est jugée sans effet majeur sur la biosphère. Cette limite est largement dépassée puisque le taux de disparition des espèces évalué aujourd’hui est de 10 à 100 fois supérieur.
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