Le secteur agricole génère une quantité importante de déchets, dont une grande partie n'est pas utilisée de manière productive, gaspillant ainsi sa valeur économique intrinsèque et constituant une menace importante pour l'environnement. En effet, les déchets non traités contribuent aux émissions de gaz à effet de serre qui, à leur tour, aggravent le changement climatique. Cependant, il existe diverses alternatives de recyclage des déchets qui présentent un potentiel considérable. Ces traitements permettent d'éviter la pollution, de produire de l'énergie respectueuse du climat et de réutiliser les résidus comme engrais ou aliments pour animaux.
Un exemple bien connu dans ce contexte est l'utilisation des déchets agricoles et alimentaires pour la production de biogaz et de biocarburants, qui constituent une alternative à faible teneur en carbone aux combustibles fossiles pour produire de l'électricité, faire fonctionner les véhicules et chauffer les bâtiments. Si la production de biocarburants à partir de cultures spécifiques pose certains problèmes d'environnement et de sécurité alimentaire, le recyclage des déchets de cette manière permet de dégager une valeur économique sans accroître la pression sur le secteur agricole.
Le marché mondial de la gestion des déchets alimentaires était évalué à 69,8 milliards de dollars en 2022 et devrait croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 5,4 % d'ici à 2030.
Les déchets agricoles et alimentaires organiques proviennent principalement de trois sources : la production agricole (paille et enveloppes de plantes, par exemple), la production alimentaire industrielle (restes de moût de céréales provenant du brassage de la bière, par exemple) et les déchets municipaux organiques (aliments périmés ou non consommés, par exemple). Collecter davantage de déchets organiques et les utiliser comme matière première pour la production de biogaz et de biocarburants est un moyen de réduire notre dépendance à l'égard des combustibles fossiles. L'utilisation de déchets produits localement améliore la sécurité énergétique et réduit l'empreinte carbone du cycle de vie des combustibles eux-mêmes.
Compte tenu de l'intérêt croissant pour la production de biogaz et de biocarburants, l'UE a décidé d'augmenter la proportion de déchets utilisés comme matières premières au lieu de cultures destinées exclusivement à la production de biocarburants. Deux pays, le Danemark et la Suède, sont à l'avant-garde et ont investi massivement dans les infrastructures de production domestique de biogaz, en incorporant une plus grande proportion de déchets alimentaires domestiques et industriels, ainsi que du fumier animal. Cela a entraîné une renaissance de la production de gaz dans ces deux pays, ce qui signifie qu'aujourd'hui, près de 25 % de la consommation de gaz du Danemark peut être couverte par sa propre production de biométhane et de biogaz, un niveau qui était impensable il y a vingt ans.
Les biocarburants peuvent jouer un rôle important dans des secteurs difficiles à réduire comme l'aviation. En fait, ils sont un élément clé du développement du carburant d’aviation durable (SAF), qui pourrait contribuer à réduire les émissions de l'industrie aéronautique jusqu'à 65 % pour parvenir à des émissions nettes nulles d'ici à 2050. Bien que le SAF soit produit à partir de matériaux durables tels que l'huile de cuisson, les déchets animaux, les déchets alimentaires et les cartons, sa chimie est très similaire à celle des carburants fossiles traditionnels. À ce jour, son adoption dans le secteur du transport aérien a été lente, principalement en raison de sa rareté par rapport aux carburéacteurs standard et de son coût plus élevé. En outre, peu de raffineries sont en mesure de produire des quantités suffisantes. Rendre sa production plus efficace permettrait de rapprocher son prix de celui du kérosène fossile.
Alors que le marché des biocarburants - évalué à 1,1 milliard d'USD en 2023 - en est encore à ses débuts, l'industrie de la gestion des déchets est beaucoup plus développée. De nouvelles technologies de traitement et des solutions en matière de logistique de collecte, de tri et de séparation sont mises sur le marché. Les entreprises qui produisent de grandes quantités de déchets adoptent ces solutions et peuvent en retirer de la valeur ou en réduire les coûts. En outre, les obligations vertes liées au secteur de la gestion des déchets, telles que les obligations municipales aux États-Unis, offrent un autre choix aux investisseurs.
L'engagement des actionnaires est un autre moyen de contribuer à l'avenir de l'agriculture. Par exemple, un engagement direct auprès des entreprises peut les aider à réduire la quantité de déchets qu'elles produisent, puis à en exploiter le potentiel.
L'évolution de la chaîne de valeur agricole - de la production aux déchets - vers des pratiques plus durables ouvrira la voie à un avenir neutre en carbone.
Par Slawa Rein, Sustainability Specialist et Edoardo Vignotto, Stewardship Specialist
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